[Terminé] Une promesse à tenir - Xyria

S'éclipser n'avait pas été chose aisée. A vrai dire, quitter le Temple du ciel en comparaison avait été presque plus simple. Presque, parce qu'il ne fallait pas oublier les conditions météorologiques des montagnes. Charlie avait réussi à se faufiler par la porte d'entrée au moment où un groupe de chasseurs était parti. Adam n'en savait rien, évidemment, sinon quoi il serait là, à moins que ça ne soit elle qui soit encore là-bas. Une chose était certaine, c'est qu'elle ne traînerait pas dans les plaines en ce moment même s'il s'était douté de quoi que ce soit.

Charlie avait perdu son sac, sa carte et le reste de ses affaires lors de son dernier voyage, plus que périlleux. Elle avait donc du se confectionner une nouvelle carte à partir de ce qu'elle avait en mémoire. Pour ce qui était de la nourriture, elle n'avait pas pu se résoudre à dévaliser le garde manger et n'avait prit que quelques morceaux de viande séchée, glissés dans la poche de son fidèle jean que Sera s'était appliquée à rapiécer à son retour. D'ailleurs, son rétablissement avait été plus rapide que prévu, surement boosté par ses dernières trouvailles et l'avancement de ce deuil partiel qu'elle tentait de faire. En tout cas, son épaule se portait bien mieux, mais comme prévu, de larges cicatrices la barrait. Cette aventure marquerait à jamais sa peau et son esprit.
Pour l'eau, et bien elle avait récupéré une vieille gourde tout cabossée traînant dans un des placards de la maison et qui, elle le savait, ne manquerait à personne. En bref, elle n'avait sur elle que le strict nécessaire, et encore.  Avant de partir, la brune avait prit soin de laisser un mot à leur intention, sur le bord de son lit. Elle n'en aurait pas pour longtemps et reviendrait saine et sauve. Première promesse.

La seconde, et bien c'était celle qu'elle avait faite à Jason, son ami resté coincé au Temple, tout là haut. Raison pour laquelle l'australienne prenait la direction de Waterfall City, un vent léger faisant voleter ses bouclettes derrière elle. Mais avant cela, une petit crochet était nécessaire. C'est ainsi qu'elle suivi les indications que Xyria lui avait donné, avant de la quitter quelques semaines plus tôt.

Charlie arriva enfin dans un hameau où tous ceux qui croisaient sa route l'accueillait à coup de formules de politesse propre à l'île. Elle même répondait en souriant, accompagnant parfois le tout d'un "toute harmonie" prononcé avec plus ou moins d'assurance selon qu'elle croisait des humaines ou non. Puis, comme les regards interloqués le laissait présager, deux hommes à dos de dinosaures vinrent à sa rencontre, sans aucune hostilité malgré les soupçons fondés à son encontre. Charlie n'avait pas vraiment conscience de tout cela, mais elle se disait qu'ils n'avaient surement pas l'habitude de recevoir la visite de voyageur et que sa tenue étrange renforçait peut-être leur appréhension, alors elle ne lâcha pas son sourire. D'autant que son petit bout de voyage s'était bien très bien passé, pour une fois.

"Toute harmonie." dit-elle respectueusement, "Je cherche une amie. Xyria. C'est bien ici qu'elle habite?"

Sur le visage des deux cavaliers, Charlie pu aisément lire leur étonnement. Pourquoi était-ce si surprenant? C'était pourtant commun qu'une humaine se lie d'amitié avec un lézard géant, dans cet endroit, non? Alors pourquoi pas elle?  La brune ne saisissait pas vraiment, mais les deux se regardèrent un instant avant de hocher la tête d'un air entendu.

"Très bien, suivez-nous."

Et le cortège partit pour s'enfoncer un peu plus dans le village. L'australienne marchait droit devant elle aux côtés des deux gardes qui étaient remontés sur leurs destriers, avec la curieuse impression qu'elle était surveillée de près.

Pouvait-elle être réellement considérée comme une outsider? Certes, elle vivait avec eux depuis quelques temps déjà et s'y sentait à son aise. D'un point de vue tout à fait extérieur, elle était des leurs. Mais si on avait posé la question à Charlotte, la jeune femme n'aurait surement pas répondu par la positive. Elle restait là-bas parce qu'en dépit des murs épais du château, elle s'y sentait libre. Libre d'être qui elle était, tout simplement. On ne lui demandait pas d'être une docile dinotopienne, ni de se conduire tel le cliché parfait d'une outsider. Non, Charlotte n'appartenait à rien ni à personne, et ce qu'elle était vraiment, c'était l'amie d'Adam. Rien de plus, rien de moins. C'est pour cela qu'elle était restée, premièrement, et la vie là-bas lui avait plu, voilà tout.

"Merci." dit-elle poliment aux gardes qui l'avait escortée.

Charlie s’avança jusqu'à l'arrière cour, non sans observer la bâtisse où elle imaginait la vie menée par une famille de dinosaures.
Xyria était là, s'entraînant sous un soleil de plomb. La jeune femme souri, se disant qu'elle n'aurait pas pu mieux tomber dans les marais. Avec elle à ses côtés, Charlotte se disait qu'elle ne craignait rien. Elle fit quelques pas de plus, s'arrêtant à bonne distance pour ne pas perturber la gallimimus dans son entrainement et risquer de prendre un coup perdu. Elle la regarda frapper le sac un moment, se demandant à quoi ou à qui elle pouvait bien penser pour se déchaîner ainsi. Puis finalement, elle osa s'annoncer.

"Salut Xyria!"

Malgré son salut singulier sur les terres dinotopiennes, Xyria n'avait manifestement pas reconnu la voix de Charlotte qui, croisant les bras, attendait qu'enfin son amie se retourne. Elle avait ce sourire amusé et cet éclat dans ses yeux, comme une enfant qui prépare une surprise de taille ou offre son premier cadeau fait main pour les fêtes de fin d'années. Charlie regardait la gallimimus essuyer sa sueur avec une serviette, comme un boxeur aurait pu le faire. La comparaison avec les humains était encore systématique dans l'esprit de la jeune femme pour qui la présence de dinosaures dans son environnement n'avait rien de naturel. Sur ce plan là, difficile de faire des progrès d'ailleurs, étant donné le lieu où elle habitait. Charlie avait plus l'habitude de les voir arriver en pièces détachées qu'autre chose en fait. Pourtant, grâce à son ouverture d'esprit et surtout à Xyria qu'elle considérait au moins comme son égal, l'idée faisait doucement son chemin.

"Oui, c'est bien moi!" fit-elle, ravie.

L'australienne souriait de toutes ses dents. Elle même doutait franchement pouvoir la reconnaître entre plusieurs âmes de son espèce. Peut-être que si les gardes ne l'avaient pas menées jusqu'à elle, Charlie serait surement passée devant sans s'en douter. Mais maintenant qu'elle lui faisait face et qu'elle entendait sa voix, pas de doute, c'était bien Xyria! La jeune femme décroisa ses bras et par réflexe, fit quelques pas vers son amie, avant de se stopper, hésitante, quoique toujours enthousiaste. Comment ça se passait, les retrouvailles avec un dinosaures? Elle n'était pas certaine de savoir étreindre ce long coup écailleux, ni comment attraper ces mains crochues. Gênée par sa propre réaction, elle continua de sourire, passant sa main dans sa chevelure.

Toujours avec hésitation, Charlie leva ses mains et s'empara avec précaution de son museau, comme elle l'aurait fait avec un cheval au détail près qu'elle ne trouva pas la sensation douce du poils sous ses doigts, mais bien celle d'écailles qui, finalement, n'avait rien de répugnant. Elle colla son front contre le sien, prise d'un élan d'affection qu'elle ne soupçonnait pas elle-même. Sans sans rendre compte, elle s'était aussi vite attachée à Xyria qu'à Sera. Elle la relâcha, retrouvant la parole.

"Oui, plutôt! Et toi aussi, t'as l'air en pleine forme!"

Si on mettait de côté les vilaines cicatrices sur son épaule et dans son dos, Charlotte se portait plutôt bien compte tenu de sa situation. La déprime n'était jamais loin, mais ces temps-ci, elle était repoussée par son envie de défendre Jason.
Cette question là, l'australienne s'y attendait, et pourtant c'était difficile d'y répondre. Pouvait-elle dire que ça c'était bien passé, réellement? Son coeur se tordit.

"Eh bien... je n'ai pas trouvé ce que je cherchais mais... je n'y suis pas allé pour rien. Tu vas trouver ça complètement dingue." un large sourire balaya la douleur qui l'étreignait alors qu'elle songeait à Adam, "J'ai retrouvé un ami d'enfance, là-bas!"

Car si Charlie n'avait pas trouvé ceux qu'elle chérissait le plus en ce monde, elle avait trouvé un être à aimer tout autant.

"Un jour, il a déménagé. Il m'avait promit de m'écrire, mais je n'ai plus jamais eu de nouvelles de lui. J'avais un sorte de pressentiment à son sujet, mais je me suis persuadée que c'était la vie qui nous séparait, parce qu'il avait changé et qu'il s'était fait d'autres amis. Et en fait, il était ici."

Ces retrouvailles avaient été difficiles pour la jeune femme. D'un côté, elle avait tout perdu, absolument tout. Mais de l'autre, le destin, surement moqueur, avait décidé de lui offrir Adam. Ses pensées étaient alors confuses, empruntes de colère, de peine et d'une joie qu'elle ne s'autorisait pas. Aujourd'hui, cette joie s'était imposée à elle. Charlie devait s'emparer de ce que la vie mettait sur son chemin, pour ne pas sombrer.

"C'est fou! Quand j'ai réalisé, j'ai cru que je devenais folle."

Ca, plus une île-prison infestée de dinosaures, il y avait de quoi se faire interner!

La surprise de Xyria était à la hauteur de ce que l'australienne s'était imaginé. A vrai dire oui, il y avait de quoi écrire un livre voir plusieurs. Elle rit doucement.

"Je suis pas sûre que l'idée du bouquin plaise beaucoup à Adam..."

Non, rien de moins sur en effet. D'ailleurs, elle non plus n'était pas convaincue de l’apprécier. Charlie était du genre plutôt secrète et révéler son histoire à toute la population dinotopienne n'avait rien d'enchanteur pour elle qui préférait vivre dans son coin, quand bien même sa vie en elle-même était incroyable.

Forcement, la gallimimus se demandait légitimement ce que son amie faisait ici. Une pensée pour Adam la fit culpabiliser un instant, mais elle espérait que Sera saurait le rassurer, le calmer, et que surtout il ne parte pas à sa recherche en panique. Vint donc le moment de justifier sa présence.

"Tu sais, Jason est encore au Temple et on ne le laisse pas partir. Ca me rend malade de le savoir là haut, à croupir en attendant qu'on daigne bien l'en laisser sortir. Alors je vais plaider sa cause à Waterfall City." elle était déterminée, "Et je me disais que... peut-être... tu accepterais de m'aider à y aller."

Leur ami en commun avait toute la vie devant lui et quoi qu'on lui reproche, Charlie était convaincue que sa place n'était pas dans les montagnes. Il n'avait perdu que trop de temps là haut, et la jeune femme estimait que c'était à elle de faire son possible pour l'en sortir. En plus, elle se sentait un peu coupable de l'avoir abandonné à son sort, alors même qu'elle était surement sa seule amie en ces lieux. Tandis qu'elle vivait "la belle vie" chez les Outsiders, lui s'ennuyait à mourir au Temple. Et les faits qu'on lui reprochait ne valaient surement pas qu'il tombe dans l'oubli!

"Disons que c'est pas son truc, ni le miens j'avoue."

Elle savait que sur ce point, Adam serait bien d'accord avec elle. Leur vie leur appartenait, voilà tout. Le vieil adage, "pour vivre heureux visons cachés" était surement le seul auquel elle croyait fermement. D'une nature assez secrète, la jeune femme imaginait mal raconter l'entièreté de sa vie à qui que ce soit, alors éditer un livre à son sujet... certainement pas.

D'abord, Charlie n'en cru pas ses oreilles. Xyria prenait donc le partie de le laisser là-haut? Ce fut la déception qui s'empara d'elle, premièrement. Puis un immense soulagement, suivit d'un sourire lorsqu'elle comprit la plaisanterie. Elle ne s'était donc pas trompée à son sujet et compter sur elle n'avait pas été une erreur. Charlie était heureuse que Xyria accepte de l'aider et comme elle le disait si bien, c'était dans l'ordre des choses étant donné que c'était elle qui l'avait escorté jusqu'au sommet de la montagne. Jason n'aurait surement pas pu rêver mieux pour le défendre, et Charlie comptait bien y parvenir. Et à en croire Xyria et son air tout aussi déterminé que le sien, l'avenir était prometteur le concernant. Du moins, c'est ce qu'elle espérait de tout son coeur.

"Oh merci Xyria!"

Sa joie ne fut pas entachée par le délai que lui imposait la hiérarchie de son amie. Elle avait des devoirs, ici, et Charlie ne pouvait pas aller contre. Soit, elle attendrait le temps qu'il faudrait. Et puis, vivre dans une famille de gallimimus devait surement être une expérience... enrichissante? Un peu sur la réserve à ce sujet, elle accepta néanmoins.

"Euh, d'accord." dit-elle sobrement.

La brune aux boucles désordonnées ria de concert avec la gallimimus. Effectivement, Charlie avait bien senti le caractère un peu plaisantin de Xyria, mais elle n'aurait pas pensé qu'elle puisse lui faire ce coup là! Les deux ne se connaissaient que de façon superficielle, mais ce qu'elle savait d'elle suffisait à l'australienne pour lui offrir sa confiance et la considérer comme son amie, bien qu'en réalité elle aurait encore de la difficulté à la nommer comme tel... ou peut-être pas tant que ça, finalement. Il est vrai que vivre au contact des Outsiders ne l'aidait pas franchement à considérer les dinosaures de l'île comme autre chose que des bêtes. D'abord il avait fallu accepter leur existence, ce qui n'avait pas été une partie de plaisir. Et maintenant, elle vivait aux côtés de guerriers qui se faisaient un plaisir de ramener des proies parfois bien plus grosses que Xyria pour le repas. Le chemin était long, mais son ouverture d'esprit faisait le gros du travail, et puis heureusement pour elle, Charlie avait vu bien d'autres choses que le château perché au nord de l'île. En ce sens, jamais elle ne serait une Outsider pure et dure.

Le sourire de Charlie s'efface une fois de plus dès lors qu'elle entendit une voix gronder derrière elles. Lorsqu'elle se tourna et découvrit ce qu'elle supposait être la mère de Xyria, Charlie eu bien du mal à ne pas paraître effrayée. C'était toujours un peu compliqué avec les dinosaures qu'elle ne connaissait pas, mais elle prenait sur elle. D'ailleurs, elle était sur le point de s'excuser et de partir sur-le-champs lorsque la fille à la taille bien moins imposante suggéra une nouvelle plaisanterie de la part de sa génitrice. Gênée, Charlie passa une main dans sa tignasse pour recouvrer contenance. Une vraie famille de clowns, pensa t elle.

"B-Bonjour, Camunia. Euh enfin... paix de l'âme."

Déstabilisée, elle en avait oublié les formules de politesses pourtant bien apprises.

"Merci, c'est très gentil de votre part."

Au fond d'elle, Charlie n'avait pas spécialement envie de dormir à l'intérieur d'une maison pour gallimimus. Quelque part, ça l'inquiétait un peu et elle n'y pouvait rien. Mais elle savait bien que les habitants de cette île étaient de nature généreuse et bienveillante, chose qu'elle ne douta pas de la prénommée Camunia. Ainsi, elle se dit _surement avec raison_ qu'elle aurait beau dire ce qu'elle voudrait, elle ne la laisserait jamais passer la nuit dehors. Alors elle accepta et sourit poliment.

La mère de Xyria était aussi impressionnante que sa fille, surtout d'une point de vue d'une Charlotte qui ne se sentait déjà pas bien grande en temps normal. Heureusement, les gallimimus n'étaient pas non plus gigantesques, mais les côtoyer d'aussi près, pour une humaine qui n'était pas plus habituée à ça qu'à sauter en parachute, ça restait déstabilisant. Elle sentait bien la force qui émanait d'elles et quelque part, même si elle avait confiance en Xyria et qu'elle la considérait désormais comme son amie, c'était assez effrayant. Charlie ne pouvait pas s'empêcher de penser à ce film célèbres où les raptors faisaient encore plus peur que le t-rex lui-même. A l'époque, elle se disait que vivre un scénario pareil serait cauchemardesque. Si elle avait su...

Bon point pour Charlie qui sourit timidement, sans oser reprendre Camunia. Une outsider? Comment savait-elle? Et puis, en était-elle vraiment une, dans le fond? Néanmoins, cela ne sembla pas la rebuter outre mesure, alors elle garda le silence à ce sujet, pour l'instant.  Charlie pouvait sentir toute sa bienveillance. Il en fallait une sacré dose pour accueillir ce qu'elle pensait être une outsider sous son toit.

Qu'avait cette combinaison de si spécial pour que Xyria s'offusque de la sorte? Charlie n'en savait rien. Pour autant, son imagination s'emballait très vite et quelque chose lui disait qu'elle allait beaucoup rire. Elle nota la complicité entre la mère et la fille, s'autorisant un sourire un peu plus franc. Si Camunia était comme sa progéniture, alors Charlie n'avait aucune raison d'avoir peur, bien au contraire.

"Bah, oui!"

Elle s'éloignèrent donc en direction du camp, tandis que l'esprit de Charlie ramait. De l'extérieur, à part son allure étrange pour le citoyen lambda, rien n'indiquait sa provenance. Elle ne portait pas d'arme, ni de sac. La seule chose visible, c'était la vieille gourde cabossée tenant au bout d'une tresse de fibres quelconque, en bandoulière sur son épaule. L'australienne avait beau réfléchir, elle ne comprenait pas.  Enfin, une fois bien loin de la maison, elle demanda :

"Dis, comment ta mère sait que je viens du château?"

Monter sur le dos de Xyria, Charlie l'avait déjà fait en d'autres circonstances bien plus pressantes. L'expérience n'avait pas été désagréable, au contraire, même si sa position n'avait pas du tout été instinctive et qu'elle avait eu peur d'étrangler son amie en s'accrochant trop fort et qu'en plus de tout ça, elles étaient poursuivies par un prédateur à la mâchoire bien plus imposante que celle d'une jeune gallimimus. Même si elle hésita un instant, elle finit par acquiescer, comprenant que marcher à ses côtés représentait une certaine frustration du fait de ses pas minuscules en comparaison des siens. Et puis Xyria n'avait pas tout à fait tort, Charlie était exténuée, même si elle se gardait bien de le montrer. La route jusqu'au camp n'était pas particulièrement longue, et dans tous les cas, c'était incomparable avec ce qu'elle avait vécu avec Adam, en partant vers le sud. Mais les reliefs n'étaient pas toujours cléments et avec le stress dû à une hypothétique rencontre fortuite, son énergie avait brûlé aussi vite que du papier.

Lorsque Xyria entreprit de répondre à sa question, Charlie fronça les sourcils. Evidemment, elle le lui avait raconté. Après tout, à cause d'elle, sa fille avait passé la nuit dehors. Et son accueil chaleureux en était d'autant plus étonnant, alors qu'elle savait parfaitement d'où elle venait et ce qu'elle avait fait vivre à Xyria. Mais tout comme elle connaissait son histoire, elle savait surement qui elle était tout simplement car c'était une dolphinback et ça elle ne pouvait pas s'en cacher. Est-ce pour cela qu'elle ne lui en tenait par rigueur? Elle se contenta de hocher la tête.

"Je suis partie en catimini, tôt dans la matinée, et personne ne m'a vue. J'ai laissé un mot, j'espère qu'ils ne s'inquiètent pas trop... Mais sinon ça va, je me suis pas perdue et j'ai rien croisé en route. Heureusement, parce que j'ai rien sur moi. 'Faut vraiment que je pense à faire ces boules puantes là, ça nous avait bien sauvé la mise la dernière fois!"

Elle lâcha un petit rire amusé en repensant à son lancé spectaculaire. Effectivement, sans ça, peut-être ne seraient-elles plus de ce monde! Et Xyria avait prit le temps de lui indiquer la façon de les fabriquer et lui avait également montré les plantes nécessaires pour cela. Tout était encore inscrit dans sa mémoire, mais il faudrait qu'elle mette ça sur papier si elle ne voulait pas finir par oublier.

Le verbe "monter" perturba quelque peu la jeune femme. Elle qui avait déjà eu de mal à concevoir l'existence de son espèce, Charlie se rendit compte qu'elle avait à présent de la peine à considérer Xyria comme une vulgaire monture... mais puisqu'elle-même usait de ce terme, alors Charlie se dit qu'il ne devait rien avoir de mal la dedans. Quoi qu'il en soit, en effet, l'australienne était plus à l'aise que la première fois qu'elle avait grimpé sur son dos. Ses membres se positionnaient plus instinctivement et elle savait comment se tenir pour ne pas étrangler son amie.

"Oui, c'est certain."

L'idée teintée d'enthousiasme de Xyria n'enchantait guère plus Charlie que le voyage en lui-même. Une selle? Comme pour les chevaux? Tout ça lui faisait une impression étrange, tout comme lorsqu'elle elle usa de ce fameux verbe, un peu plus tôt. Et puis, c'était quoi une âme soeur? Qu'entendait-elle par là? Charlie ne comprenait pas.

"Euh..." elle réfléchit un instant, "D-d'accord."

Face à l'entrain de Xyria, Charlie se voyait mal refuser. Cette perspective semblait lui faire tellement plaisir... et puis, elle lui devait bien ça. Alors elle accepta, tâchant de se concentrer sur les points positifs et de mettre de côté son appréhension. En plus de permettre à Xyria de s’entraîner, le voyage n'en serait que plus rapide. De fait, plus tôt elles arrivaient à Waterfall city, plus vite Jason sortirait de ses montagnes et plus vite Charlie retrouverait Adam qui lui manquait déjà.

"Dis... qu'est ce que t'entends par "âme soeur" ?"

Concernant ceux qu'elle avait laissé derrière elle, au château, Charlie savait bien qu'Adam n'était pas le seul à s'inquiéter pour elle. D'ailleurs, même si elle ne se l'avouait pas, elle se disait qu'il y avait de grandes chances pour qu'il soit parti à sa recherche, présentement.

"Ah euh oui, je crois. Il y a Wymer... il est très gentil. Et Sera aussi, je l'aime beaucoup. J'habite chez elle, avec sa famille. J'espère vraiment qu'ils ne s'inquiètent pas trop." et elle s'empressa de rajouter, "Je ne leur ai pas dit où j'allais."

Même si les Outsiders n'étaient pas les monstres sans foi ni loi qu'on lui avait plus ou moins décrit avant son arrivée là-bas, il y avait des chances pour que dans le cas où Adam sache où elle se rendait, il débarque au camp pour la retrouver, ce qui aurait surement causé un sacré bazar, au bas mot. Si Charlotte n'était pas du genre à faire les choses dans le bon ordre en temps normal, pour cette fois au moins elle n'avait pas fait de faux pas.

L'australienne hocha la tête. Elle ne doutait pas des compétences de Xyria pour préparer leur voyage comme il se doit. Charlie savait qu'elles ne manqueraient de rien, pas même de ces fameuses boules puantes comme elle aimait les appeler et qui leur avait sauvé la mise plus d'une fois. Aussi était-elle curieuse de voir qu'elles autres cartes Xyria avait dans sa manche, en matière de défense.

L'arrivée au camp était synonyme de découverte, pour la brune. Ses yeux allaient partout, s'émerveillant de tant de communion entre humain et dinosaures. Tous semblaient exercer en parfait harmonie. D'ailleurs, pour une fois, personne ne remarqua leur arrivée.
Charlie s’exécuta sans poser de question, descendant avec maladresse du dos de Xyria qui s'engouffra dans une imposante cabane se dressant au beau milieu du camp. Ne sachant pas quoi faire d'elle-même, elle s'installa à même le sol, adossée contre la façade en bois en observant attentivement ce qui se passait autour d'elle. Ces couples étaient donc des âmes soeurs?

"Non non, tout va bien je t'assure."

En effet, Charlie était déstabilisé. C'était le cas depuis son arrivée ici d'ailleurs, et quoi de plus normal? Encore une fois, elle prit le parti de se taire. Elle n'avait d'autre choix que de s'adapter, et ça comprenait également le fait de ne pas s'arrêter sur la signification de certains mots, ou de passer outre ses a priori. Et puis, la suite de la conversation était bien plus intéressante selon elle. Charlie écoutait donc Xyria attentivement lui expliquer ce qu'était des "âmes soeurs". Tout cela entrait tout à fait dans l'image qu'elle s'était faite de la société dinotopienne. Une parfaite harmonie, voilà ce que cela lui évoquait. C'était une idée plutôt plaisante, finalement. Avoir quelqu'un sur qui compter en permanence, un allier, quelqu'un qui vous comprend et vous soutien quoi qu'il advienne aussi bien dans la vie de tous les jours qu'au travail. Une véritable moitié spirituelle. Oui, c'était attrayant. Mais d'un autre côté... cela ne vous liait pas également à une vie qui a été plus ou moins choisie pour vous? Une fois lancé, son âme soeur trouvée, et part l'essence même de ce concept, impossible de revenir en arrière. Xyria semblait extrêmement déçue de ne pas avoir trouvé cette moitié et Charlie ne sut quoi répondre que quelqu'un d'autre ne lui ai pas déjà dit. Lui souhaitait-elle réellement de la trouver, cette âme soeur? Surement, puisque son amie avait l'air d'en avoir tant envie, mais sans conviction.

"Je sais pas si j'ai trouvé ma place, mais pour l'instant, je m'y sens bien."

Charlie était heureuse d'avoir trouvé Adam et de le voir chaque jour. C'est bien simple, lorsqu'il n'était pas en vadrouille, ils étaient inséparables. Et Sera était si gentille avec elle, sa famille si accueillante... comment ne pas se sentir bien? Sans compter le travail dans les champs qui la poussait à aller de l'avant, lui vidait la tête lorsque celle ci était un peu trop pleine. Pour autant, elle ne savait pas vraiment si sa place était vraiment là-bas. D'ailleurs, elle avait encore le sentiment que sa place n'était pas sur cette île tout court.

"Oui. Je veux pas être loin d'Adam, et je leur ai promis que je reviendrais vite."

Maintenant que Xyria lui avait expliqué ce qu'était des âmes soeurs à Dinotopia, Charlie ne pouvait s'empêcher d'en voir partout et de fait, elle se dit que la peine de son amie était surement d'autant plus forte. Elle aussi ne devait voir que ça à tous les coins de rues et cela devait la narguer un peu. Tous ces couples avaient l'air de s'entendre si bien...

Lorsque Xyria sorti de la cabane accompagnée de ce grand gallimimus à l'air terrifiant, Charlie se releva d'un bond, autant stressée par sa présence que par la réponse qu'il avait donné à sa recrue.

"T-toute harmonie." essaya t elle d'articuler poliment, "Oui, c'est vrai."

La jeune femme tenta de faire de son mieux pour ne pas laisser paraître son mécontentement. Les termes employés par ce vieux dinosaure la heurtèrent, évidemment, mais Xyria lui faisait des signes dans son dos que Charlie interpréta comme des appels au calme. Alors elle serra les poings, et le détesta en silence. Pourtant, elle ne pu s'empêcher d'ajouter:

"Vous savez, avant d'être un voleur, c'est avant tout un dolphinback. Et je pense qu'il a le droit à de la clémence. Rester au temple toute sa vie ne le rendra pas meilleur."

Elle le regardait droit dans les yeux, convaincue du bien fondé de sa cause.

La jeune femme sourit à son amie qui tâchait de se montrer la plus ouverte d'esprit possible. Charlie se rendait bien compte que son choix était loin d'être conventionnel. Enfin, un choix... elle suivait simplement Adam, voilà tout. S'il avait vécu parmi les citoyens dinotopiens, elle ne serait pas chez les Outsiders, c'était aussi simple que ça. Sa nouvelle famille? Les mots raisonnaient lourdement dans le coeur de l'australienne. Sera et les siens y avaient gagné une place évidemment, mais jamais personne ne pourra se substituer à ses frères, ses parents... sa famille, elle l'avait perdue pour toujours. Pour autant, elle ne perdit pas son sourire, ne voulant pas laisser s'échapper sa tristesse si difficilement réprimée.

Dans un coin de son esprit, Charlie espérait que Jason la suive chez les Outsiders, bien qu'il lui ai déjà plus ou moins signifié qu'il n'en avait pas l'intention. Elle doutait très fortement qu'il change d'avis et comprendrait si ça n'était pas le cas. D'ailleurs, elle se disait que, dans l'éventualité où les dinotopiens acceptaient sa libération, il auraient surement des exigences à son égard, des projets. Oui, si Jason était libre de quitter le temple, ça ne serait certainement pas pour le laisser vivre avec les parias de l'île.

***

Manifestement, son argumentaire avait fonctionné et son calme avait payé. Charlie ne broncha pas lorsqu'il la qualifia d'outsider. En fait, ça ne la dérangeait pas plus que ça d'être considérée comme des leurs, bien qu'elle-même ne sache pas trop comment se positionner à ce sujet. Ce qui la dérangeait, c'était tous les a priori qui allaient avec. Quoi que le vieux gallimimus n'avaient pas tout à fait tort au sujet de ses émotions. Il est vrai que Charlie avait une capacité relativement forte à ne pas les montrer _malgré le fait que sur cette île de malheur, c'était souvent plus compliqué_, mais pour ce qui était de sa colère, c'était une autre histoire. Encore une fois, sur l'île, ses nerfs étaient mis à rude épreuve et cette fameuse colère n'était pas un sentiment qu'elle connaissait bien. Difficile donc de se maîtriser, surtout lorsqu'on abordait certains sujets sensibles...

"Merci." dit-elle simplement, alors que ses poings se desserraient progressivement, laissant place à une joie bien cachée.

Lorsque le militaire regagna sa cabane et que la porte se ferma, Charlie laissa s'échapper un soupire en même temps que Xyria qui ne cachait pas son enthousiasme.

"Ah... parce que c'était une sorte de test?"

La jeune femme revit de fait son jugement à l'encontre du chef. Il n'était peut-être pas si mauvais, finalement. Et après tout, il avait accepté qu'elles partent toutes les deux, alors... Charlie comprenait sa méfiance étant donné son style de vie, même si elle n'avait pas l'habitude d'être considérée ainsi, comme une potentielle source de problèmes. Il se devait de protéger les siens et pour ça, la brune ne pouvait pas lui en vouloir.

"Bon en tout cas, c'est génial! On part demain! Dis, vous avez des perruches, ici? J'aimerais envoyer un message à Jason."