[Terminé] Une promesse à tenir - Xyria

L'air totalement déconcerté de Xyria face à ses explications fit sourire Charlie. Comment lui en vouloir? Il y avait tout un tas de termes qui avait été, d'une manière ou d'une autre, clairement détourné de leur signification première. Aussi, elle comprenait la réaction de son amie qui semblait outrée face à la stupidité de ce qu'elle lui avait expliqué.

"Bah tu sais, de là d'où je viens, on utilise pas ce mot au quotidien, ni aucun autre pour le remplacer du coup. Y a longtemps, on se déplaçait à cheval, donc j'imagine que le terme "chevaucher" n'avait pas de sous entendu à l'époque, mais maintenant c'est plus le cas, alors... mais oui, on dit plutôt "monter", du coup. De nos jours pour voyager on a les avions, les voitures, les bus, et pleins d'autres trucs sur roues."

Si Charlie savait que les dinotopiens connaissaient l'existence des avions pour en avoir vu plus d'un se crasher aux abords de leur île, pour le reste, elle n'était pas sûre que Xyria sache de quoi elle parle, alors elle ajouta : "On se déplace plus qu'avec des engins à moteurs, nous, alors j'imagine que ceci explique cela."

L'australienne n'avait qu'une idée très vague de la distance qui les séparaient de Waterfall city, et de fait, ne savait pas très bien combien de temps elles mettraient pour s'y rendre, mais ce qui était certain en revanche, c'est que ce serait bien plus agréable que tous les autres voyages qu'elle avait dû faire sur l'île. A chaque fois, elle avait multiplié les coups de malchance, mais avec Xyria, en plus d'écourter ledit voyage, elle se sentait en sécurité, si bien que ça n'avait l'air que d'une simple formalité dans leur aventure. D'autant que son amie lui assurait qu'elle n'avait rien à craindre. De ce côté là, elle voulait bien croire que ce côté de l'île était bien plus sûr que le sud. Ici au moins, pas de risque que quelque chose surgisse du ciel pour lui lacérer le dos et tenter de la dévorer! Bon, certes, il devait y avoir d'autres bêtes féroces dans les environs, mais rien d'aussi terrifiant que ces dinosaures ailés. A ce compte là, elle préférait encore les tyrannosaures.

"Bah disons que..." Peut-être était-ce le moment adéquat pour se confier, pour tout expliquer à Xyria... Charlie n'aimait pas s'étendre sur sa vie, sur ses sentiments, mais elle se disait qu'elle lui devait bien ça. Et puis si toutefois cela devait mal se passer à Waterfall city compte tenu de son association avec les fameux Outisders, peut-être que mettre Xyria davantage au courant des faits n'était pas une mauvaise idée... "Quand je suis arrivée sur l'île, je me suis retrouvée seule sur une plage. J'ai perdu toute ma famille, Xyria. Ils étaient tous dans l'avion." elle marqua un temps, essayant de rester maître d'elle-même. "On m'a envoyée à Waterfall city en me disant que si on les retrouvait, ils seraient là-bas, alors j'y suis allée. Evidemment, quand je suis arrivée, il n'y avait personne. J'ai rencontré la maire qui m'a assurée que les recherches continuaient et que je pouvais rien faire de plus que d'attendre." Charlie se souvint de la rage qui l'avait envahie à ce moment là. "Attendre, tu te rends compte? Elle m'a fait signer dans son livre débile et a voulu que j'intègre une académie ou un truc comme ça. J'avais confiance en personne, à l'époque. J'étais seule au monde, désespérée, avec l'impression d'être prise au piège alors j'ai pété un câble. Je lui ai hurlé dessus devant tout le sénat _franchement? j'aurais pu la frapper tellement j'étais enragée_, et on m'a envoyée au Temple du ciel pour me calmer. J'crois aussi que c'était pour m'empêcher de faire des conneries. Ca m'a fait du bien, je me suis reposée, j'ai rencontré Jason, mais dès que j'ai pu, je suis partie en douce pour aller chez les Outsiders en me disant que si on ne les avait pas retrouvés, c'est qu'ils étaient forcément là-bas. Ils n'y étaient pas, tous mes espoirs sont tombés à l'eau quelques minutes après qu'on se soit quittées, toutes les deux. Mais j'ai rencontré Adam, c'est pour ça que je suis restée avec eux. On se connaissait quand on était gosses, et il a disparu. En fait, pendant tout ce temps, il était ici, sur cette île. Lui et les siens m'ont accueilli les bras ouverts, ils m'ont aidée à surmonter tout ça, sans rien demander en retour. Crois moi, ils sont bien plus vertueux que ce qui se dit à leur sujet."

Elle avait tenté de camoufler ses émotions en énumérant tous ces faits, mais on les sentait bien dans sa voix et si Xyria avait pu voir son visage, elle aurait découverts des yeux gonflés par des larmes retenues. Mais Charlie ne craqua pas. C'était déjà beaucoup pour elle de s'exprimer ainsi sans en plus montrer l'étendue de ses sentiments. "Enfin bref, c'est pour ça que je pense que Dalahan ne me porte pas dans son coeur, et encore moins maintenant que je suis chez les Outsiders. Je sais pas trop comment, mais je suis sûre qu'elle le sait, ou qu'elle le devinera une fois que je serais là-bas, et ça risque de ne pas jouer en notre faveur alors... autant que tu saches le pourquoi du comment."

Effectivement, Charlie voyait bien mal des voitures circuler sur cette île. Ca n'était pas le genre de la maison et en plus de ça, elle doutait qu'ils aient les ressources nécessaires à leur fonctionnement. Quoique... jusqu'à présent, elle allait de surprise en surprise. Peut-être que ces pierres magiques auraient permis de les faire marcher avec autre chose que du pétrole? Qui sait. De toute façon, selon elle et son amie, ça n'était pas près d'arriver.

"Une moto." dit-elle avec un sourire amusé, "Ca se dit oui, mais c'est pas très commun. Et celles qui ont des pédales, sans moteur, ce sont des vélos." Pour clore le sujet, comme une conclusion à tout ça, elle ajouta : "De toute façon, soit t'as l'esprit mal placé, soit tu l'a pas. Apparemment aujourd'hui, c'est mon cas!"

Comme le pensait si justement la gallimimus, Charlie n'était pas du genre à parler de ses sentiments, de ce qui la troublait, la peinait. C'était dans son caractère. Une façon comme une autre de se protéger du monde, sans doute. Il lui paraissait bien plus facile de garder le sourire lorsque tout allait mal en elle, le temps que ça passe. Se montrer forte, intouchable. Mais il arrivait que parfois, se confier était nécessaire. Parce que la situation l'exigeait, ou que son coeur avait besoin d'être soulagé. Ca ne lui arrivait pas souvent, mais lorsque ça se produisait, on pouvait être certain qu'un lien de confiance s'était établi avec l'être qui recevait ses confidences.

Xyria tenta de rassurer l'australienne, et ça fonctionna. Après tout, ici comme dans son monde, la réputation avait son rôle à jouer. Charlie ne savait pas comment la politique fonctionnait ici, mais elle doutait que Dalahan soit une élue à vie, alors en effet, comme le disait si bien son amie, elle n'avait pas d'intérêt à passer pour une mégère, surtout au vue des moeurs à Dinotopia.

"Oui, j'espère que tu as raison."

Dans son esprit, Iva Dalahan en était restée au même point que lorsqu'elle l'avait quittée. En la voyant, elle avait eu le sentiment d'être face à une personne sage et forte, ce qui ne l'avait pas empêchée de la haïr au plus au point lorsqu'elle avait évoqué le fait de "l'enrôler" dans leur société. En réalité, à cette époque là, Charlie était morte de trouille, ce qui ne l'avait pas aidée à garder la tête froide. En d'autres circonstances, peut-être qu'elle aurait accepté, peut-être qu'elle aurait vu en Dalahan une seconde Sany? Alors oui, peut-être qu'elle serait contente de la revoir, qui sait? En tout cas, Charlie appréhendait fortement d'avoir de nouveau affaire à elle.

Sur ce, les deux amies foncèrent en direction de Waterfall city, le coeur gonflé d'espoir en ce qui concernait le sort de Jason.

L'amitié qui s'était créée entre Charlie et Jason était surtout due au fait qu'ils étaient dans le même bateau. Enfin le même temple, disons. Bien que Jason soit sur l'île depuis bien plus longtemps qu'elle, tous les deux étaient des dolphinbacks, perdus dans un monde dont ils ne comprenaient rien, semblant tout droit sorti d'un rêve ou d'un cauchemar, c'est selon. Ils se sentaient seuls, avaient perdu tout ce qui faisait leur vie d'autrefois. En cela, ils se comprenaient totalement. Ils n'avaient pas passé beaucoup de temps ensemble, mais ça avait suffit pour que Charlie l'apprécie et le considère comme son ami. Elle se souvenait des bonhommes de neiges qu'ils avaient construit dans la cour avec précision, de leurs conversations, de la façon dont elle l'avait abandonné à la vaisselle en partant en catimini, puis de leur correspondance qui avait suivi son départ. Finalement, ils avaient peu de souvenir en commun, mais ils étaient tous bons, et Charlie l'aimait assez pour défendre sa cause, se sentant solidaire et soucieuse de son sort, lui qui était comme elle, un être égaré dans un pays de fous.

L'arrêt soudain de Xyria sorti Charlotte de ses pensées vagabondes. Elle l'imita, scrutant la forme étrangement nette imprégnée dans le sol. Même elle qui était loin d'être aussi experte de Xyria devina qu'il s'agissait de trace de pieds parfaitement humains, ou de chaussures plus précisément. Effectivement, dans ces circonstances, des traces de pas quittant le sentier, c'était tout à fait étonnant. Qui s'aventurait délibérément hors du chemin pour rejoindre la forêt qui le bordait? Il fallait soit être idiot, soit savoir parfaitement ce qu'on faisait.

Charlie leva un sourcil. "Euh, pas que je sache, non."

Il valait peut-être mieux pour Xyria qu'il ne s'agisse pas d'outsiders, surtout si Charlie ne les connaissait pas. D'ailleurs, elle apprenait tout juste l'existence d'autres groupes désignés comme tel, ne vivant pas au château. Jusqu'alors, la jeune femme pensait qu'il n'existait qu'une seule et unique communauté à l'écart, la sienne, mais apparemment l'île possédait encore bien des secrets. En tout cas, tout ça ne lui disait rien qui vaille. Cependant, l'australienne garda ses appréhensions pour elle.

"C'est peut-être juste un promeneur un peu aventureux?" Elle-même n'y croyait pas un instant.

Charlie doutait avoir convaincue son amie avec ces quelques paroles d'une naïveté certaine, même si Xyria proposa de continuer en ignorant ces étranges traces de pas. Peut-être faisait-elle comme elle? Il valait parfois mieux avancer en se voilant la face, en se rassurant comme on pouvait, plutôt que de crier au loup et de trouver des ennuis à force de les chercher. Sur ce, elle reprirent leur marche, enfin Xyria reprit sa marche et Charlie resta plutôt confortablement installée sur son dos. Certainement le voyage le plus agréable qu'elle ai fait jusque là. Enfin, pour l'instant. Car même si on ne cherchait pas les ennuis, c'était parfois eux qui nous trouvaient.

Alertée par la façon brusque qu'eut son amie de se redresser, Charlie regarda aux alentours sans rien voir, ce qui était d'autant plus inquiétant. Une flèche, décochée de quelque part dans la forêt qui les entouraient, se planta non loin du museau de Xyria, manquant de peu sa cible et arrachant un cri de peur à Charlotte. Suivant les recommandations de la gallimimus qui semblait moins en panique qu'elle, l'australienne se cramponna du mieux qu'elle le pu à sa monture d'un autre monde, pour partir comme une fusée sur le sentier. Une course folle pour éviter la pluie de flèche qui leur tombait dessus, sans jamais les toucher. L'une d'elle passa si proche de son oreille qu'elle cru être touchée dans un premier temps. La jeune femme se baissa donc, se faisant la plus petite possible en arquant son dos.
"'Suis d'accord." Trop facile, comme le disait si bien Xyria. C'est aussi l'impression que Charlotte eut et ses sourcils se tordirent en une expression d'intense inquiétude. Une expression qui ne disparu pas lorsque Xyria quitta le chemin pour s'enfoncer dans la forêt, zigzagant entre les arbres et les buissons denses. Tout cela ressemblait à une stratégie pour les effrayer et soudain, la brune ne voyait plus ce sentier comme un chemin sécuritaire et tranquille pour les voyageurs, mais bien comme une route malveillante qui les mèneraient tout droit vers les enfers.

"OK." Charlie était concentrée sur les potentiels obstacles et les projectiles éventuels qui pourraient provenir de n'importe qu'elle direction. Ne restait plus qu'à croiser les doigts pour que le plan de leurs attaquants ne soient justement pas qu'elles s'enfoncent dans la forêt et qu'effectivement, elles parviennent à les semer. Pour cela et malgré la peur qui tentait de la submerger, Xyria avait toute sa confiance. Le coeur de Charlie battait la chamade. Toutes les ombres prenaient des teintes inquiétantes, tous les bruits devenaient suspects. D'ailleurs, elle n'était pas trop sûre, mais était-ce des éclats de voix qu'elle percevait derrière le bruit des foulées de Xyria? Elle avait la sensation horrible d'être suivie, traquée, ce qui l'empêcha de jeter un regard derrière elles de peur de voir les démons à leur poursuite et de rendre tout cela encore plus atroce que ça ne l'était déjà. Il fallait à tout prix garder la tête froide, prendre exemple sur Xyria. Charlie respira un bon coup pour calmer les pulsations dans sa poitrine.

En y repensant, c'était impossible que ces personnes facent partie de la communauté qu'elle connaissait. Jamais ils ne s'en seraient prit à une gallimimus accompagnée d'une humaine. Il y avait suffisamment de proies potentielles dans les parages pour éviter de tuer leurs semblables. Et puis ils l'auraient surement reconnue, d'autant qu'elle était proche d'Adam. Non, ça n'était pas eux, Charlie était catégorique. Mais cela amplifiait davantage son sentiment d'insécurité de ne pas savoir.

"Attention!!! Ca recommence!"

Ce que craignait Charlie arriva. D'autres flèches furent décochées dans leur direction, plus nombreuse cette fois. Etait-ce le signe qu'effectivement, elle avait réussi à déjouer leur plan et qu'à présent, ils tentaient le tout pour le tout? Ou bien était-ce parce qu'ils voulaient les repousser un peu plus loin encore dans la forêt, leur faire suivre une direction précise? Charlie ne savait plus quoi penser. Puis, une douleur fulgurante prit place sur le haut de son bras. La jeune femme serra les dents et s'empêcha de regarder la blessure qu'elle devinait relativement importance. Un des projectiles meurtrier l'avait touchée, sans se planter heureusement. Surement l'avait elle juste frôlée, mais celle-ci était si affutée et avait été tirée avec une puissance telle que l'effleurer avait suffit à tailler ses chaires.

Le cri de douleur que poussa Xyria terrifia l'australienne. Si certaines flèches n'avaient fait que ricocher sur sa peau dure, d'autres avaient bel et bien réussi à s'y frayer un chemin. Son amie devait souffrir le martyre à poursuivre ainsi sa course malgré les poignards planté dans ses chaires. Charlie regardait les flèches solidement ancrées, hésitante. Devait-elle les retirer? Elle le pouvait, il suffisait qu'elle se penche un peu pour ça. Mais était-ce vraiment une bonne idée? Et si la douleur prenait le dessus et empirait les choses pour Xyria? Et si elle perdait trop de sang à cause de ça? Charlie ne savait pas quoi faire et elle s'apprêtait à poser la question lorsque quelque chose, une force brusque et soudaine, la tira en arrière.

La jeune femme fut projetée sur le sol encombré par les branchages et autres feuilles mortes. Son corps roula sur quelques mètres sans qu'elle ne puisse rien faire pour l'en empêcher, jusqu'à ce qu'un rocher ne l'y aide. Sonnée et choquée, l'australienne tenta de se redresser maladroitement sans comprendre ce qui lui était arrivé, ni d'où lui venait cette douleur fulgurante à la tête. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouva à genoux, une lame affutée sous la gorge. Son souffle trahissait sa peur plus que son visage. Il fallait qu'elle garde son calme. Inspire, expire. Face à elle, Xyria, encerclée par des hommes parés d'étranges vêtements et armés de lances menaçantes qui la sommaient de se rendre pour sa vie.

"Xyria, non...!"  

Les assoiffés de sangs se mirent à scander un mot qui lui donna envie de vomir, sur l'instant. Etait-ce du sang qui coulait depuis soin front le long de son nez? Elle n'en était pas sûre. Et autour de ses épaules, c'était un lasso? Vraiment? Il fallait qu'elle garde la tête froide. Elle ne pouvait pas les laisser faire. Jamais elle ne permettrait une chose pareille. Elle devait se battre pour Xyria.
Si seulement elle n'était pas si sauvage, si têtue ! Si seulement elle avait demandé de l'aide à Adam, tout ça ne se serait jamais produit! Charlotte se sentait coupable. Oui, elle était la seule responsable de tous ça. Après tout, c'était elle qui était venue voir Xyria pour l'aider dans sa quête. Jamais elle n'aurait dû accepter. Pourquoi sa vie tournait toujours au drame? Qu'avait-elle fait de si terrible dans son monde pour qu'on la fasse payer dans celui-ci? Charlie commençait à croire qu'elle était maudite et qu'elle aurait mieux fait de perdre la vie, avec les siens, dans le crash.

Folle de rage, la brune ferma les yeux un instant, laissant son esprit faire ses calculs. Et alors que la voix de l'homme qui la tenait rejoignit le choeur sordide que formait les autres, le petit bout de femme laissa aller son instinct. Elle donna un coup de coude aussi fort qu'elle le pu dans les parties intimes de son agresseur, celui qui semblait être le chef de la bande, ignorant la lame qui venait de cisailler son cou. Le lasso l'avait certes tirée en arrière, mais il n'avait pas cru bon de la ligoter avec, aussi, ça ne l'entrava pas le moins du monde lorsqu'elle se rua vers lui, poussée par une colère noire. L'homme souffrait, manifestement, et elle en profita pour se saisir de son couteau de fortune après lui avoir donné deux ou trois coups de poings au visage _ça faisait vachement mal, d'ailleurs!_. Il était au sol, et Charlie à califourchon sur cet être misérable, arrêta son mouvement, à deux doigts de lui enfoncer son couteau dans le coeur. Par quel miracle avait-elle réussi à retourner la situation? Elle n'en avait pas conscience pour le moment, mais c'était bien le cas.

"RECULEZ!"

Elle avait hurlé de toutes ses forces. Combien de temps avant qu'il ne parvienne à trouver une faille et finisse le travail? Charlie n'était pas forte, elle l'avait seulement prit de court. Pour l'instant, elle avait le dessus, mais ça ne durerait pas éternellement.

Les yeux de Charlotte était emplis d'une haine intense, la même qui lui avait permis ce coup de folie en lui offrant la dose de courage nécessaire. Pendant un instant, il n'y avait plus rien d'autre qu'elle, ce type aux yeux écarquillés, et entre eux, l'arme qu'elle tenait si fort entre ses doigts que ses phalanges en étaient blanches. Même les insultes ne parvinrent pas à percer cette bulle étrange dans laquelle l'australienne se trouvait. L'homme et la lame. La lame. Il suffirait d'une simple pression, le poids de son corps en avant et... C'était du sang qui coulait de son cou, là?
Un silence de mort s'installa autour d'eux tandis que Charlie appuyait un peu plus la pointe du couteau contre la poitrine du chef de la bande. C'était comme si elle hésitait à laisser sa colère prendre le dessus. Elle revint à elle lorsqu'elle réalisa qu'un des chasseurs tentait de se rapprocher d'elle.

"Stop."

A deux, ils seraient bien capables de retourner la situation à son désavantage, cette fois, et elle ne tenait pas à tout faire foirer. Pas maintenant. Charlie se risqua à jeter un coup d'oeil à l'homme qui s'était approché d'elle et en avait profité pour faire taire sa petite troupe de tarés. Il s'était débarrassé de sa lance. Il croyait peut-être l'amadouer en faisant cela, mais ça ne fit que renforcer sa méfiance. Et puis d'ailleurs, c'était quoi ce sourire étrange? Sa tête ne lui revenait pas. Lui aussi, elle l'aurait volontiers tabassé.
Voilà maintenant qu'il se découvrait un nouvel intérêt pour la brune. Pourquoi ça l'intéressait? D'abord il voulait tuer Xyria, maintenant il voulait faire connaissance?

"Va te faire f*****."

S'il se doutait déjà de qui elle était, ici, à Dinotopia, alors à présent il n'y avait plus aucun doute. Charlie n'était pas d'ici, c'était plus qu'évident. L'homme se mit à rire, si fort que s'en était presque gênant.

"Relâchez-là."

La pointe du couteau tranchant avait transpercé les vêtements rapiécés du type sur lequel elle se tenait et qui n'osait pas bouger. Soit il avait encore mal à l'entre-jambe, ce qui expliquerait cette grimace qui lui tordait le visage, soit il avait peur de ce qui voyait dans les yeux de Charlie, et à raison. La jeune femme n'était plus vraiment elle-même.

Ce serait si simple de laisser le poids de son corps aller, d'enfoncer ce poignard dans le coeur de cet être abjecte qui prenait plaisir à faire souffrir. Il voyait dans ses yeux une certaine forme de peur alors que plus tôt, elle avait vu son sort s'y sceller. Que serait-il advenu d'elle, une fois Xyria mise à trépas sous ses yeux? Ils ne l'auraient certainement pas relâchée. Oui, ce serait si simple de mettre fin à ses jours. Il l'aurait mérité. Pourtant, son sort ainsi que celui de son amie dépendait de la vie qu'elle avait entre les mains.

Ce qui suivit la fit fulminer de rage. Elle en aurait presque vomi de dégoût. On lisait parfaitement la haine dans son regard. Comme eux? Certainement pas. Charlie était loin de leur ressembler. Elle était un électron libre, un être qui n'avait de place dans aucun clan, et dans tous à la fois, mais certainement pas le leur. Ce qu'ils faisaient la répugner au plus au point. La chasse au dinosaure, elle aurait pu le comprendre, comme elle l'acceptait en vivant avec les Outsiders. Mais ça, tendre un piège à une proie montée d'un humain, un semblable?! Et menacer de tuer son amie devant elle? C'était la preuve d'une cruauté sans limite. Ces gens là n'avaient donc aucun principe? Aucune valeur?

L'homme se mit à déblatérer des choses, expliquant les idées qui l'unissait à ce groupe. S'il disait essayer de lui ouvrir les yeux sur la vérité, sur ce qu'était Dinotopia et ses habitants, pour Charlie ça sonnait comme de l'endoctrinement. Elle avait le sentiment qu'une secte  essayait de la recruter. Mais l'homme n'avait aucune idée de qui était Charlotte Nelson et ses menaces, la façon dont il avait de la considérer et l'impasse qu'il venait de relever n'eurent que pour effet de la repousser encore davantage.

"Jamais! Je suis déjà libre. Plutôt crever que de devenir comme vous." Déterminée, la jeune femme leva ses yeux noirs de colère vers l'homme. "Recules. Recules j'te dis!!! Et vous là-bas, c'est la dernière fois que je le dis, relâchez là tout de suite!" Tous s'exécutèrent, persuadés qu'ils reprendraient le dessus dès que l'occasion se présenterait à eux. Ce petit manège ne pouvait durer qu'un temps. Du moins, c'est ce qu'ils pensaient, mais Charlie voyait les choses autrement.

"Xyria, enlève le lasso de ma taille et attache le. Solidement."

L'idée était simple. Si ce type, leur chef, était leur garantie de s'en tirer en vie, alors soit, elles l'emporteraient avec elles le temps qu'il faudrait pour les semer. Il prendrait place derrière elle, sur le dos de Xyria, pour s'assurer qu'aucun d'eux ne s'amuse à tirer de flèches sur elles. Il ferait office de bouclier.

Dans l'esprit affolé de Charlie défilait la scène que sa haine rêvait de voir se dérouler. Aveuglée par tous ces mauvais sentiments que lui inspiraient ces hommes, en addition avec tous les autres qui la prenaient par vague depuis son arrivée sur l'île, elle s'était sentie capable de le faire. Rien que pour ça, elle leur en voulait plus encore _bien que l'expression soit bien trop faible de son point de vue_. C'était leur faute si elle se retrouvait dans cette position aujourd'hui, leur faute si elle était à deux doigts d'enfoncer une lame tordue dans la poitrine d'un homme! Ca aussi, ça la rendait malade! Ils répandaient le malheur autour d'eux et gangrénaient les coeurs les plus tendres avec leurs actes barbares et leurs sinistres paroles. Charlie les haïssait profondément.

Les secondes défilaient trop vite à son goût et la jeune femme craignait de voir la situation lui échapper à chaque instant. Il y avait tant de scénarios possibles à cette attaque... et si peu de fins heureuses se présentaient à elles... La brune avait envie de presser son amie. *Allez Xyria... allez...! Plus vite!* mais elle n'en fit rien et se contenta de maintenir sa menace tout en surveillant la troupe malfaisante de son regard noir. Elle crût qu'il s'était passé plusieurs dizaines de minutes avant que Xyria ne finisse d'attacher leur otage muet de stupeur et s'allonge près d'eux. La lame affutée que tenait fermement Charlie, jusqu'alors pointée vers le coeur de l'homme, trouva une nouvelle place sous sa gorge. Il ne semblait visiblement pas très à l'aise, ainsi ensaucissonné et chargé sur le dos d'une bête qu'il méprisait de toute son âme. Jusqu'au dernier moment, elle maintiendrait le tranchant de l'arme contre sa peau.

"Eloignes toi lentement... lentement..." Les hommes ne bougeaient pas, mais tous les fixaient, un sourire au coin des lèvres. L'un d'eux porta son index à son cou et fit mine de le trancher, sordide promesse qui sembla attiser encore un peu plus la folie qui brillait dangereusement dans ses yeux. Les membres de ce clan sorti tout droit d'un roman horrifique se rapprochèrent les uns des autres, toujours en les fixant, mais chuchotant entre eux. Ils manigançaient déjà pour les ravoir. Bientôt, la jeune femme ne voyait plus que des silhouettes entre les arbres. "A trois, tu fonces, OK? Un..." elle jeta le couteau dans un buisson,  "Deux..." ses mains agrippèrent les liens qui entravaient leur otage, formé par son lasso, "TROIS!" et elle fit basculer le bonhomme, la tête la première, sans se soucier de ce qu'il adviendrait de lui si jamais cette dernière faisait la rencontre d'un rocher, ni de ce cri, mélange d'étonnement et de frayeur, suivit de ce bruit mat, point final de sa chute. Il fallait maintenant compter sur le peu d'avance qu'elles avaient pour semer leurs poursuivants qui, Charlie en avait le pressentiment, les pourchasseraient sans relâche dès qu'ils s'apercevront qu'elles se sont débarrassé de leur charge, si ça n'était pas déjà le cas d'ailleurs. Cette fois, leur destin se trouvait entre les mains de Xyria.

A trois, Xyria fonça comme une fusée entre les arbres, franchissant tous les obstacles comme si de rien. Leur vie dépendait du temps qu'elle mettrait à quitter cette forêt de malheur et de sa capacité à semer le danger qui les suivait à la trace. Quant à Charlie, elle faisait de son mieux pour ne pas gêner son amie dans ses mouvements, se faisait la plus petite possible sur son dos. Malgré tout, la jeune humaine n'évita pas toutes les branches qui fouettaient son visage et deux d'entre elles parvinrent à faire des estafilades sur ses joues. Mais ça ne comptait pas, ni ça, ni la blessure qu'elle avait à son cou et qui saignait pas mal, tâchant même les belles écailles de Xyria au passage. La gallimimus prit néanmoins le temps de la remercier pour son soutien. La laisser tomber? Jamais Charlie n'aurait pu s'y résoudre. En dépit du stress de la situation, la jeune femme sourit sans rien dire. Elles n'étaient pas encore tirées d'affaire, mais au moins elles étaient en vie, pour l'instant. En tout cas, Xyria faisait son possible pour qu'elles le restent.

Charlie attrapa la branche que lui tendait son amie. Une flèche avait réussi à se frayer un chemin jusqu'à elles, mais sa trajectoire hasardeuses n'eut pour seul effet que de les avertir de la présence relativement proche de leurs poursuivants. La jeune femme s'exécuta, faisant tomber quelques boules de poivre dans l'action. Ca n'était pas la position la plus confortable pour confectionner quoique ce soit, mais elle n'avait pas vraiment le choix. Et puis d'ailleurs, la perspective de faire souffrir un tant soit peu ces barbares l'enchantait, aussi ne se contenta t elle pas d'une seule mais de trois. Finalement, après avoir bourré le plus possible les boules puantes, la brune lança derrière elle la salve à l'odeur pestilentielle et croisa les doigts pour que leur plan fonctionne. Le résultat ne mit pas longtemps à se faire connaitre. Des cris de surprise retentirent plus loin. Certains se mirent à insulter le ciel et la terre et tout ce qui leur venait en tête, d'autres toussaient, hurlaient de douleur. Peut-être qu'elle avait un peu trop forcé sur le poivre. Ou pas assez!

"Ca marche Xyria, ça marche!"

La fin du cauchemar rima avec le son des plaintes de leurs poursuivants, ce qui n'empêcha pas Xyria de continuer sa course, l'idée étant de s'assurer qu'elles iraient en paix pour la suite de leur voyage. C'est soulagée que Charlie vit apparaître la fin de la forêt dense. Enfin elle étaient sorties de ce pétrin plus gros qu'elles! Si Adam apprenait ça... il ne la laisserait plus jamais mettre un orteil en dehors du champs, c'était très clair. Pourtant, elle savait que les nouvelles blessures qu'elle arborait n'étaient pas discrètes, surtout celle qui cernait son cou. Ca, elle ne pourrait pas lui cacher.

L'odeur de l'atmosphère changea également autour d'elles. Charlie n'était pas trop sûre, mais elle avait l'impression qu'il était plus humide. Elle comprit que les nuances qu'elle ressentait dans l'air étaient dues à l'iode émit par l'océan dont elles s'étaient rapprochées.

Aux paroles de Xyria, Charlotte leva le nez vers le ciel. Des patrouilles skybax... même si elle savait bien qu'ils étaient là pour protéger les dinotopiens, la jeune femme n'était pas très sereine à l'idée que des dinosaures volants passent au dessus de sa tête. Ce type de bête là lui avait vallu une expérience suffisamment mauvaise pour lui laisser cette vilaine cicatrice à l'épaule et de nombreuses nuits plus qu'agitées. Ceci dit, elle préférait encore ça aux sauvages qui avaient failli prendre la vie de la gallimimus. La jeune femme poussa un long soupire.

"D'accord."

"Ca va." fit-elle en essuyant tant bien que mal le sang qui avait coulé le long de sa gorge. En réalité, l'australienne avait un mal de chien à la hanche. Elle faisait de son mieux pour s'en cacher, mais une fois l'adrénaline retombée, c'était plus difficile d'ignorer la douleur. La plaie faite par la flèche irradiait sa chaire, comme si une substance, du piment ou autre chose, avait enduit la pierre taillée. Heureusement pour le moment elle ne marchait pas et dans cette position, elle parvenait à garder contenance. "Et toi? T'es pas trop fatiguée? Je peux descendre." Si elle n'était sortie totalement indemne de cette histoire, Xyria aussi en avait prit pour son grade, sans même parler de la frayeur qu'elle avait du avoir.

Comment ça, elle sent? Charlie avait presque oublié la nature de Xyria. Elle était une gallimimus et pas une humaine, son odorat était surement bien meilleur que le sien, mais tout de même, cela la surprit. Elle hocha la tête quand à la décision de Xyria et à sa demande. "Oui, bien sûr, tu peux compter sur moi." L'australienne s'inquiétait plus pour son amie que pour elle. A vrai dire, elle ne s'était jamais trop soucié de ses propres blessures et ce, peu importait les circonstances. D'abord elle n'aimait pas montrer sa souffrance, et ensuite elle estimait que du moment qu'elle était consciente et qu'elle pouvait se déplacer, ça n'était pas trop grave. Souvent, il fallait prendre soin d'elle contre son gré car elle-même ne le faisait que superficiellement. Il faut dire qu'avec ses deux frères, Charlotte avait fait dix fois plus de sottises qu'elle n'avait de cicatrices sur ses jambes. La jeune femme avait été à bonne école pour les âneries, comme on dit, et chez les Nelson on a pas l'habitude de s'arrêter pour un peu de sang qui coule.

Bientôt, les deux voyageuses arrivèrent sur la plage, là où personne ne pouvait les atteindre sans qu'elles voient le danger venir de très loin. Ici, rien ne pouvait les surprendre et ces sauvages qui avaient malencontreusement croisé leur route ne les retrouveraient jamais avec leurs yeux tous gonflés et leur narines encombrées.

De nouveau, Charlotte hocha la tête avant de descendre, faisant attention à ne pas trop brusquer ses muscles. Effectivement, en posant ses pieds sur le sable, la jeune femme senti une certaine raideur. Mais plus douloureux encore, sa hanche qui la brulait au point de serrer les dents pour ne pas laisser échapper un petit cri de douleur. Si elle y avait été un peu plus franchement, elle se serait surement vautrée. La brune marcha doucement vers les sacoches puisque son corps ne lui permettait pas d'avancer plus vite, et farfouilla à l'intérieur pour en sortir une sorte de besace. Elle étala soigneusement son contenu sur un linge posé à même le sable et se mit à genoux près de Xyria. "A toi d'abord. Dis moi quoi faire." Si dans son monde elle savait parfaitement se servir d'un antiseptique et poser un pansement, ici c'était une autre affaire.

Xyria avait vu juste sur le caractère de l'australienne : difficile d'être plus entêté qu'elle. Aussi, sa manière d'aborder les choses avec Charlotte était tout à fait appropriée. En effet, les deux acolytes étaient exténuées, blessées, et Charlie pouvait bien penser ce qu'elle voulait, elle ne pouvait pas nier que cette entaille au cou l'avait inquiétée elle aussi sur l'instant. Un centimètre plus profond et... autant ne pas y penser. Elle était têtue, oui, mais pas totalement bornée au point de refuser de prendre une seconde pour elle. D'ailleurs, elle n'avait pas vraiment la force d'aller à l'encontre des demandes de Xyria, alors elle s'exécuta et s'empara de la fiole désignée. Comme promis, le liquide la brûla tout d'abord, intensément au point qu'elle manqua de lâcher la bouteille de désinfectant, puis vint alors cette fameuse chaleur, moins douloureuse, et enfin plutôt agréable.

Vint donc le tour de la gallimimus. Charlie s'appliqua à faire ce qui lui avait été demandé. Elle prit grand soin à n'oublier aucune plaie, plaçant le coton dans les trous qu'avaient formé les flèches après les avoir enduites de liquide. "Ca va? Je ne te fais pas trop mal?" s'inquiéta t elle.

Finalement, lorsqu'elle eut terminé de soigner sa courageuse amie, Charlie posa les genoux à terre, dégrafa les boutons de son pantalon et dégagea sa hanche. Ca n'était pas beau à voir, vraiment pas, et c'était surement celle qui lui faisait le plus mal. "Ca brûle." dit-elle alors qu'elle prenait la mesure de ce qui lui était arrivé.

L'état de la dolphinback était, à vue d'oeil, des plus inquiétant. D'abord, il y avait ce choc reçu à la tête au moment où le lasso l'avait projetée sur le sol. Le sang avait coulé le long de son front, mais s'était finalement arrêté de lui même. Plus de peur que de mal donc de ce côté là. Ensuite, au moment où elle avait réussi à prendre le dessus sur son agresseur, la jeune femme avait senti le couteau qu'il tenait glisser le long de son cou et la rage qu'elle avait ressenti à cet instant lui avait fait oublier la douleur. Là encore, ça n'était pas si profond que ça aurait pu l'être. C'était impressionnant, certes, mais ce qui inquiétait vraiment la jeune femme, et elle s'inquiétait rarement à son sujet, c'était cette plaie qu'avait laissé une flèche passant le long de sa hanche alors qu'elle fuyaient. "J'ai l'impression que... tu crois qu'ils ont mis quelque chose sur la pointe de cette flèche?" Plus le temps passait, plus la brûlure s'intensifiait au point qu'à mesure qu'elle marchait alors qu'elle faisait le tour de Xyria, elle s'était mise à boîter.