[Terminé] A sec [Quête]

A sec

Le saurien nous écoute avec attention et entre mon jeu d’acteur et la gueule d’ange de mon acolyte, il entre totalement en confiance et en empathie avec notre détresse qui dans mon cas au moins est simplement feinte. Il a l’air véritablement touché et ennuyé d’apprendre ce que nous lui délivrons comme information. La dernière tempête a été rude et il est évident qu’il en a eu connaissance et que d’autres villages ont été touchés également dans la région.

Le saurien nous livre à son tour une information que je garde dans un coin de ma tête, le fait que Prospérine allait nous aider et que c’était évident. Cependant il enchaîne immédiatement en demandant de quel village nous pouvons bien venir. C'est important pour ses notes qu'il transmettra à son patriarche à son retour. C’est donc déjà venu le temps de lui donner l’information la plus importante de toute la conversation et qui pourrait bien tout changer, à savoir notre origine plus que douteuse aux yeux d’un dinotopien et d’autant plus pour un écailleux. Après tout, nous sommes connus pour poser des pièges et la dernière gazette que j’ai pu lire transmettait cette information.

Erik ▬ Eh bien nous venons d’un village qui trouve derrière la chaîne de montagnes. Vous ne pouvez pas le rater, il est amalgamé à un château.

L’allusion suffit amplement, car le mot qui leur sert à nous décrire, outsider, est bien trop connoté pour nous aider dans ce dialogue. Qu’il fasse le rapprochement seul, il ne faut pas donner plus de munitions à son arme que ça. Il va sans doute déjà changer de posture, mais lui aussi nous a donné largement de quoi le manipuler et il se trouve dans le creux de ma main. Il ne le sait pas encore, c’est tout.

Notre jeu a mal commencé, certes, l’opinion publique pouvait jouer contre nous, mais il s’avère qu’il n’a pas reconnu notre provenance et personne n’a eu le temps de lui murmurer la chose à l’oreille. J’adore ce genre de discussions en réalité, ça me rappelle le monde extérieur et mon travail pour trouver le petit élément qui va totalement déconstruire la déposition d’un témoin à la barre et aider mon client à s’en sortir ou n’importe quel autre vice de procédure à montrer à juge. Si l’appel du sang n’avait pas été aussi forte, j’aurais pu devenir un avocat ici sur l’île, mais à quoi bon ? C’est bien plus intéressant de pouvoir utiliser mes talents ainsi et pour la communauté tout en abusant de la gentillesse dinotopienne, un grand coup !

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A sec

Le saurien percute l’information de notre identité non sans un certain émoi. Il a peur, c’est évident, je ne le sens que trop bien. Une expression universelle que je lis dans son regard plus que sur son visage ou sa peau et qui provoque en moi une certaine excitation que je dissimule avec soin. C’est un peu comme quand une femme comprend à quel genre de prédateur elle peut avoir à faire avant que le drame n’arrive. Il ne manque pas de réagir également avec force ensuite, montrant sa colère à l’encontre de notre communauté de rebelles qui s’attaquent à ses semblables.

Erik ▬ Ne soyez pas prompt à mettre tout le monde dans le même sac. Beaucoup de personnes là-bas ne sont que des fermiers, des cultivateurs qui vivent en paix avec vos semblables. Êtes-vous vraiment prêt à condamner toute un village pour les actes de quelques personnes ?  

Le piège dans lequel il a sauté la tête la première au début de cette entrevue et en train de se refermer sur lui. Il ne va pas s'en tirer à si bon compte et le tout sans effusion de sang. Je n’ai aucun intérêt à le tuer en ce moment alors que la peur de ce qu’on peut lui faire se lit dans ses yeux. C’est de loin le plus délectable.  

Les dinotopiens sont fières de leur foutu code de bonne conduite qui ornent la pierre comme un monument dans leur cité aquatique. Les outsiders et moi le premier nous trouvons ça vraiment mièvre, mais c’est leur plus gros talon d’Achilles. Ils ne jurent que par leur générosité, leur bonté d’âme et leur moralité à toute épreuve.

Erik ▬ Ne dit-on pas “la survie de tous ou la mort” dans le code dinotopien ? Nous n’avons pas besoin de vous mentir sur la situation de notre communauté à cause de la tempête. Vous vous êtes engagez à venir en aide à cette dernière à l’instant et vous n’êtes pas un menteur n'est-ce pas ? Que l'on soit des outsiders de ce fait ne change rien au fait que ces gens vont mourir de faim si vous ne leur venez pas en aide.

Je suis plus sarcastique, cynique tout en arborant un sourire de conquérant sur mon visage. Voilà que je dresse la scène de cette comédie qui se joue ici et je fais danser la marionnette saurienne qui m’a donné les fils pour le manipuler. La promesse aveugle ne devrait pas compter car il n’avait pas toutes les données avant de s’engager à nous aider, mais cela n’a pas cour ici comme logique. Il se figure que dans le code il est assez clair que laisser des gens dépérir ne se fait pas, mais les dinotopiens, bien qu’il n’y ait pas de code précis sur le sujet, ne sont pas des gens qui apprécient de mentir. Echec et mate.  

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A sec

Je suis totalement stupéfait par la réflexion de mon comparse qui évoque des proverbes extrêmement tendancieux à l'égard des blancs. Clairement, je ne sais pas s’il essaye vraiment de nous aider ou s’il veut nous torpiller. Il a conscience du fait que je suis celui qui avance les arguments et que sa répartie à lui vient soulever le fait qu’on ne peut pas croire des gens comme moi ? M’enfin, je m’inquiéterai de ce racisme primaire une autre fois. Bien que dans mon sang bouillonne l’envie d’égorger le jeune amérindien qui supplie autant que moi le saurien de donner des vivre, je ne laisse absolument rien transparaître. Le visage de marbre, marqué par un sourire se voulant chaleureux malgré la réponse plus qu’en demi-teinte de la part du dinosaure suppléant de patriarche.

Il revient sur ses propos, c’est intéressant. Je pense que je peux essayer d’exploiter cette faille à mon avantage, car son discours n’est plus celui d’un bon et gentil dinotopien si d’un seul coup il se met à chipoter sur les détails.

Erik ▬ Intéressant. La situation de Prospérine a donc changé depuis la dernière minute ? Une perruche postale est arrivée pour vous prévenir sans qu’on ne le voit ? Car juste avant vous disiez et je cite “nous n’allons évidemment pas vous abandonner dans la famine”, à moins que vous ne croyiez peut-être pas dans ces mots "l’autre d’abord, toi en dernier” ?

Il était prévisible qu’il n’accepte pas immédiatement, mais j’avoue qu’il m’a surpris en campant sur sa position malgré la première annonce d’une des lois de bienséance de l’île. Ce savoir-vivre peu l’entraîner sur le bon terrain et c’est pour ça que j’assène un second coup grâce à une autre de ces règles de vie. Il faut jouer sur l’affect et l’encourager à penser qu’il serait plus honteux et immoral de ne pas nous aider malgré tout ce que cela suppose pour leur société, mais je n’ai pas envie que la conversation ne traine en longueur et on ne sait jamais, Paytah pourrait directement changer de bord et me planter sur place.

Erik ▬ Vous ne tuez pas les carnivores de l’île qui chassent les vôtres. Ici il s'agit de nous donner de quoi planter pour faire des récoltes ainsi que des vivres pour le temps de les faire pousser.

La logique veut qu’implicitement je lui suggère qu’ils vont sauver beaucoup des leurs en nous donnant ce que nous venons chercher, car dans le cas contraire il le sait bien, nous en tuerons plus encore. Je suis certain que l’idée lui a traversé l’esprit en plus de ça. Il n’y a qu’à regarder la façon dont il se tient par rapport à nous et les moments de réflexions qu’il a l’air d’avoir.

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A sec

Le saurien n’est pas vraiment convaincu, mais je crois bien que ma répartie commence à avoir raison de son côté revêche. Il n’est pas étonnant qu’il ne nous porte pas dans son cœur, quoi de plus logique ? Notre clan chasse ses semblables sans distinction entre carnivore ou herbivore. Nous posons des pièges un peu partout dans le but de nous procurer de la viande, mais aussi pour satisfaire dans une certaine mesure notre haine farouche contre eux. Nous avons une très mauvaise réputation et il n’a pas hésité un seul instant pour montrer son animosité envers nous, mais en même temps je sais comment gérer ce genre de personnes.

J’ai commencé à manipuler mes parents quand j’étais jeune, ainsi que mes enseignants et mes camarades afin de leur dissimuler quel petit monstre je pouvais être. Ce genre de monstre qui se montre cruel envers les animaux, aime déclencher des feux pour le plaisir de voir les choses brûler et disparaître et qui conduit naturellement à ce que je suis aujourd’hui. Être un psychopathe n’est pas de tout repos et il faut de l’astuce pour que cela reste sous la surface, bien caché du regard que peuvent porter les gens. Si j’ai pu berner tous ces idiots gamins et des magistrats, des juges, des avocats et autre personnel de la justice, un écailleux n’est rien du tout.

Devant la logique du code de conduite de Dinotopia, le saurien finit par flancher et sa volonté n’est plus la même qu’avant. Il demande en quelle quantité nous avons besoin de vivres. C’est une victoire totale et écrasante, mais il ne faut pas se relâcher pour autant. Rien n’est encore gagné lorsqu’on n’a pas les charrettes avec nous pour transporter le tout jusqu’au château.

Erik ▬ Il nous en faut assez pour notre population, le temps que les prochaines semailles soient récoltables. C’est beaucoup il est vrai, mais il en va de la survie de tous après tout.

Cette ville est assez importante et il est possible qu’elle subvienne déjà aux besoins en nourritures de villages ou villes proches, mais j’espère qu’ils pourront nous aider tout de même. Pour enfoncer le clou il serait de bon ton que je rajoute quelque chose.

Erik ▬ Bien entendu, nous accepterons avant tout ce que vous accepterez de nous donner.

Un sourire vient parer mon visage à ces mots comme pour appuyer à quel point notre demande est humble. Il faut qu’il sente que nous venons ici avant tout pour demander de l’aide et cela lui permet d’avoir l’illusion d’une position de supériorité.

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A SEC

C’est alors que la conversation continue de plus belle en partant sur le sentier de la quantité que nous commençons à gagner du terrain et la partie qui se joue entre personnes bien pensantes. Il ne faut pas longtemps pour qu’il convienne malgré tout, malgré la quantité que nous demandons, à accepter nos demandes. Il n’en faut pas plus pour que j’esquisse un sourire en apparence de gratitude envers l’écailleux, mais en réalité, caché derrière se trouve un sourire sadique de manipulateur ayant réussi son coup. Je suis satisfait d’avoir mené à bien cette tâche confiée par notre chef et de pouvoir m’enorgueillir de l’avoir exécuté avec maestria.  

Mon acolyte est resté silencieux une bonne partie de notre échange, mais je vois aussi à son regard quelque chose qui se cache derrière son attitude décontractée. Je l’ai bien observé pendant notre voyage et je après avoir discuté avec lui et surtout entendu ses propos devant le saurien, je commence à nourrir quelques doutes à son propos. Après tout, il n’est pas sur cette île depuis longtemps et il pourrait tout aussi bien ne pas se plaire tant que ça chez les outsiders. Tout est possible en fin de compte, et il pourrait bien changer de bord sans crier gare. Je garde ça en tête, mais sans plus y réfléchir pour le moment.  

L’assistant du patriarche nous rappelle à quel point les siens sans dans le doute et la crainte envers les gens venant de notre communauté. Aucun d’heure n’approchera de prêt ou de loin de notre château pour nous livrer la marchandise. Dans un souci d’enfoncer le clou une bonne fois pour toute fans cette négociation, je décide de prendre les devants.

Erik ▬ Ecoutez, coupons la poire en deux voulez-vous ? Comme il s’agit d’une grosse demande, nous allons venir la chercher en personne avec nos charriots et nos gens. Les votres n’auront pas à venir jusqu’à nous, nous viendrons jusqu’à vous. De votre côté vous pourrez toujours demander à des gardiens d’habitats de venir d’ici là. Il nous faudrait sans doute cinq jours pour revenir. Cela vous laisse le temps de voir toute la logistique avec votre patriarche, mais nous prenons cet accord pour une promesse qui sera honorée de votre côté. Qu’en dites-vous ?  

 

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A sec

On peut le dire, cette mission ne partait pas nécessairement gagnante et avec tous les bourrins qui se trouvent au château on pouvait en douter. Je ne sais pas si c’est seulement mon talent pour manier les mots, ce côté psychopathe qui me fait analyser les autres comme des proies et trouver un point faible ou un mélange des deux, mais au moins nous avons ce que nous sommes venus chercher.  

La communauté va pouvoir manger à sa faim et ne subira pas les tourments d’une famine douloureuse nous obligeant à prendre plus de risques que d’ordinaire à la chasse. Il faut avouer que si nous faisons trop de vagues, même si Dinotopia est peuplée de pacifistes, nous aurons peut-être du souci à nous faire. Il se peut que la vie que nous menons au château si nous en venons à tuer beaucoup plus de dinosaures ne soit bouleversée.  

Paytah se réjouit de l’issue de cette conversation et il y a bien de quoi. L’idée d’organiser un rendez-vous ultérieur, mais en m’assurant de l’engagement franc et sincère de la part de cette communauté est une victoire intégrale. Ils vont tenir parole car ce sont des Dinotopiens et de surcroît, nous reviendrons plus nombreux avec des chariots et ils ne voudront simplement pas perdre la face devant autant de monde ou risquer qu’une échauffourée n’éclate malgré la présence des gardiens d’habitats.

Erik ▬ Cher ami nous n’allons pas vous ennuyer plus longtemps. Nous faisons grand cas de votre générosité digne d’un grand dinotopien. Nous allons nous hâter à retrouver nos amis pour leur annoncer la bonne nouvelle et revenir dès que possible.  

Paix de l’âme.

D’un petit signe de tête j’invite Paytah à me suivre à l’extérieur après avoir pris congé du secrétaire et assistant du patriarche absent.  

Il va nous falloir deux jours pour rentrer chez nous, peut-être un peu moins si nous nous hâtons particulièrement et il nous faudrait une fois et demie voir deux fois ce temps pour revenir avec du monde et des chariots.

Erik ▬ Plus qu’à rentrer maintenant ah ah !  

Codage par Libella sur Graphiorum