[Terminé] Un après-midi pour deux (Charlie)

Malgré le caractère plus qu'indépendant de Charlie, cette dernière se rendait bien compte qu'elle ne pouvait pas se passer bien longtemps de la présence d'Adam, ou même de Séra qui s'était prise d'affection pour elle, son histoire lourde et toutes les peines qu'elle traînait derrière elle comme autant de poids qui l'empêchait parfois d'avancer. Et pourtant, c'est ce qu'elle faisait. Le temps passait, ses blessures guérissait. Pas toutes, certaines la feraient souffrir pour toujours, mais c'était déjà ça, non? En tout cas, la vie de Charlie chez les Outsiders se révélait bien plus douce que prévue. Là encore, c'était un bien grand mot. La brune n'avait rien prévu en arrivant ici. Ce château dans lequel elle était cherché l'ultime lueur d'espoir qui lui restait n'aurait dû être qu'une étape, mais il s'était révélé être le point final. Aussi douloureux que cela a pu être, Charlie voyait les choses un peu différemment désormais. Elle n'avait plus sa famille, mais avait la sensation d'en avoir une seconde. Cet ami qu'elle avait perdu il y a bien longtemps maintenant, dans des circonstances mystérieuses à ses yeux, s'est en fait avéré être une carte que le destin avait mis de côté pour elle. Une carte bien jouée, d'ailleurs, car sans Adam, pensait-elle régulièrement, son existence aurait été bien différente. Où en serait elle à cette heure s'ils ne s'étaient pas retrouvés? Charlie songeait parfois qu'elle aurait fini par se jeter de cette muraille, ou d'ailleurs.

La jeune femme marchait parmi les Outsiders qui ne la remarquaient plus à présent. Elle faisait partie du décor, et c'était très bien comme ça. Sur le chemin, elle passa devant un groupe d'enfants jouant à la balle, comme ils avaient l'habitude de le faire à cette heure, heureux de se retrouver après le repas. L'un d'eux, Wyatt, venait toujours à sa rencontre pour la saluer et lui parler de ses nouvelles inventions. Le petit bonhomme bricoleur était un vrai rayon de soleil pour la jeune femme. Il n'en avait pas conscience, évidemment, mais Charlie s'était attachée à lui comme à bon nombres de ces personnes qu'elle croisait chaque jour sans même connaître leur prénom mais qui faisait pourtant son quotidien. Leur présence à tous autour d'elle avait quelque chose de rassurant. Cette communauté lui apportait une stabilité, l'impression salvatrice d'être chez elle.

Charlie avait eu vent du retour des guerriers tandis qu'elle travaillait auprès de son amie dans les champs. Il n'était plus question de poivrons cette fois si, mais de céréales dont elle oubliait toujours le nom. Une espèce qu'elle ne connaissait pas, mais qui finirait tôt ou tard par figurer dans son petit carnet à dessin, avec les annotations adéquates. Gravissant quelques escaliers pour s'offrir une meilleure vue, la jeune femme s'installa au bord d'un muret, les pieds dans le vide comme elle aimait parfois le faire lorsque le vent soufflait légèrement et que le soleil réchauffait son dos. De là, elle pouvait voir les guerriers s'entraîner et entendre des bribes de leurs conversations. Adam était là, comme elle s'y attendait. Lorsqu'il ne vadrouillait par hors des murs protecteurs du château, il était là à se perfectionner encore et toujours. Peut-être devrait-elle s'entraîner, elle aussi? Elle aimerait bien apprendre à se battre comme il le faisait. Cette idée la taraudait de plus en plus. Mais ça n'était pas avec ces bandages qu'il accepterait de l'initier à quoi que ce soit! D'ailleurs, celui qui entourait son épaule et passait sur sa poitrine avait le don de l'agacer! Il la gênait constamment, à chaque mouvement, et lui déclenchait parfois des crises de démangeaison. C'était une sensation vraiment désagréable, mais les guérisseurs qui s'occupaient de son cas lui avait bien dit de ne pas y toucher avant une bonne semaine encore, au minimum!

Les mains en appui sur les rebords en pierre, Charlie laissait ses pieds se balancer d'avant en arrière tandis que son index grattait un peu de la mousse qui avait poussé dans un interstice. Elle fut ravie de voir Adam venir vers elle, arborant un beau sourire qu'elle lui rendit.

"Oui, tout va très bien! Ca pousse du feu de dieu, tu veux dire. J'en vois pas la fin!"

Ca poussait tellement que ça faisait plusieurs jours qu'elle fauchait les céréales sans arrêt, se levant très tôt pour pouvoir profiter de la fraicheur matinale et poussant le plus possible jusqu'à ce que ses muscles soient noués et la chaleur trop grande pour continuer. Charlie ne se plaignait jamais. Ni de son dos qui la tiraillait le soir, ni des ampoules qu'elle avait aux mains à cause de la corne qui tardait à venir, pas même lorsqu'on lui avait dit qu'après ce champ, un autre l'attendait le lendemain, tout aussi vaste.

"Sera m'a dit qu'après la récolte, on allait laisser le champ au repos et en semer un autre. Je sais pas encore avec quoi, ce sera la surprise!"

L'australienne était enjouée en parlant de son nouveau travail. On voyait bien qu'elle aimait ce qu'elle faisait. C'était physique, mais ça lui convenait parfaitement et surtout, c'était à sa portée. Personne ne l'avait incité à faire quoi que ce soit au château, mais elle se félicitait de cette décision. Au début, elle donnait simplement un coup de main et désormais, elle faisait partie de l'équipe, comme on dit. On lui parlait des prochaines semences, des jachères et de tout un tas de choses concernant l'agriculture. Charlie en apprenait chaque jour un peu plus et se sentait intégrée. D'ailleurs ce matin là, un type sympa lui avait même procuré des gants que sa femme avait fait exprès pour elle et un chapeau en paille pour ne pas qu'elle prenne "chaud à la tête" avait-il précisé. Elle montra son attirail à Adam, toute fière.

"T'as vu? C'est Prayash qui m'a donné ça. C'est gentil, hein?"

On avait beau dire, les Outsiders étaient aussi chaleureux que le reste des habitants de cette île! Bon, peut-être pas tous, mais comme partout, n'est-ce pas? Les hommes ne sont pas tous nés sous la même étoile.

"Et toi, ça va? Ta patrouille s'est bien passée?"

C'était un peu bête, mais à chaque fois qu'elle savait Adam en dehors du château _ce qui arrivait constamment_ la jeune femme craignait de le voir revenir amoché, voir pas du tout quelque fois. Après ce qui leur était arrivé, Charlie savait que le monde ici n'était pas tout rose, loin de là. Il pouvait se passer un tas de choses dehors, et pas que des réjouissances.

C'est vrai que Sera aimait bien taquiner son monde. Plus d'une fois elle s'était faite avoir par la mère de famille, notamment lorsqu'elle lui avait assuré qu'elle adorerait les nouvelles plantations.

"Qu'est-ce qui pourrait m'arriver de pire que de voir pousser des lentilles?" dit-elle en laissant échapper un rire amusé.

Ca avait été la pire chose qu'elle ai été donné de récoler. Ces plantes poussaient très bas au sol et on avait beau faire, on se retrouvait avec le dos en compote en moins de deux heures! Et surtout, après ce calvaire, ça n'était pas terminé. Il fallait en plus s'amuser à les battre une fois séchées et si c'était plutôt amusant à faire les premiers temps, on en avait vite fait de plus pouvoir se les voir en peinture!

La remarque d'Adam au sujet de son nouvel équipement de la parfaite petite fermière fit rire aux éclats l'australienne. "Moi je les trouve très beaux!" lâcha t elle en vissant son chapeau sur sa tête bouclée. De toute façon, même s'ils avaient été réellement laids, du moment qu'on les lui avait offert avec le coeur, elle les aurait aimés quand même. C'est vrai qu'ils avaient retrouvé leur complicité d'autrefois et ça faisait du bien à Charlie. On aurait pu croire que son souvenir l'aurait plongée dans une nostalgie nocive, mais non. Il était ce lien à sa vie passée qui l'empêchait de virer folle, ce qu'elle avait cru un bon nombre de fois auparavant. Se retrouver isolée de son propre monde, perdue sur une île infestée d'animaux théoriquement disparus et parlant qui plus est, ça n'avait pas été facile à avaler. Adam était en quelque sorte la preuve que ce qu'elle vivait était bel et bien réel en plus d'être un soutient sans égal. Tous les deux se comprenaient parfaitement et désormais, Charlie n'envisageait plus sa vie sans lui. Dinotopia sans Adam serait un véritable enfer sur Terre.

"Tant mieux." fit-elle, rassurée, avant de rediriger son regard vers le terrain d'entraînement. "Tu crois que tu pourras m'apprendre deux ou trois trucs un de ces jours?" Sous entendu, le jour où elle n'aura plus tous ces bandages. "J'aimerais bien apprendre à tirer à l'arc, moi aussi."

Cette pratique lui avait littéralement sauvé la vie dernièrement, alors Charlotte s'était dit que ce serait peut-être une bonne idée de s'y mettre aussi, histoire de ne plus dépendre de quiconque si toutefois un danger survenait.  

Séraphina avait fini par devenir son amie. Certes, elle la couvait comme une mère, mais elle se montrait aussi complice et les deux femmes se confiaient l'une à l'autre. Leur parole était libre et ensemble, elles partageaient le bon comme le moins bon. Charlie était de nature indépendante, mais la vie chez Séra était douce et passer du temps avec la petite famille ne lui déplaisait pas, bien au contraire. D'ailleurs, elle la remerciait à chaque fois qu'elle en avait l'occasion par des services en tous genre. Dès qu'on avait besoin d'un coup de main, de quelqu'un pour s'occuper de son fils ou pour tout autre chose, Charlie se proposait volontiers.

"Pourquoi pas! Ca me fera les bras!"

L'avantage avec les citrouilles, c'est qu'une fois récoltées, il n'y a plus rien à faire d'autre. Enfin pour elle, car en cuisine c'était une autre histoire. Bon, la terre était si bonne dans le coin qu'elles seraient surement énormes, mais ça valait toujours mieux que les lentilles! Et puis surtout, c'était bien meilleur.

"Oh euh... c'est juste pour me défendre, au cas où."

Concernant la pratique du tir à l'arc, Charlie n'avait pas l'intention de s'en servir au quotidien. La chasse, ça ne faisait pas partie de son univers. Encore moins depuis qu'elle s'était faite amie avec une gallimimus, mais ça, Adam n'en savait rien. En cela, la jeune femme n'était pas vraiment une Outsider. Lors des banquets organisés par la communauté, elle ne mangeait que très rarement de la viande. En fait, ça n'arrivait que lorsqu'elle avait vu ladite bestiole arriver au château et qu'elle s'était assurée de sa nature. Manger un carnivore ne lui posait pas de problème particulier, les autres en revanche...

"Tu sais... enfin, on sait jamais."

Après tout ce qu'elle avait vécu, savoir se défendre n'était pas du luxe d'après elle. D'autant que la jeune femme se connaissait bien. Elle savait qu'à terme, elle aurait envie d'aller et venir à l'extérieur et l'intérieur du château à sa guise, sans escorte ou quoi que ce soit d'autre. Se sentir enfermer, ça n'était pas bon pour elle. Et puis d'ailleurs, en restant cloitrée ici, comment pourrait-elle remplir son carnet botanique? Elle finirait bien par ne plus trouver d'espèce intéressante entre les remparts!

Qu'allait répondre Adam à sa demande? Voilà un moment déjà que Charlie y pensait sérieusement, ne sachant trop comment aborder le sujet. Elle savait qu'Adam tenait à elle autant qu'elle tenait à lui et d'une certaine manière, l'initier à l'arc, lui donner un moyen de se défendre seule, ça voulait aussi prendre le risque de la voir partir de ses propres moyens un jour. Certes, lorsqu'on connaissait bien la jeune femme, on savait que rien ne l'arrêtait dans ses décisions, pas même le bon sens. Mais quoi qu'il en soit, Adam devait surement penser à ça présentement. D'un autre côté, lui qui était toujours bien trop protecteur la concernant _d'après Charlie elle-même_, cela pouvait être rassurant de savoir qu'elle était capable de se défendre, pas vrai? Voilà ce qu'elle espérait voir ressortir de sa réflexion.

Aussi, pour s'épargner un refus du jeune homme, l'australienne avait envisagé de demander à quelqu'un d'autre de la former. En secret évidemment, histoire de ne pas attirer la foudre d'Adam sur la personne qui aurait accepté une telle chose, dans l'hypothèse que quelqu'un ai osé l'accepté d'ailleurs. Mais Charlie avait bien vite oublié cette option, ne souhaitant pas blesser son ami de la sorte. Cela dit, elle gardait cette idée sous le coude, au cas où il viendrait à refuser. Sait on jamais.

Pour toute réponse, elle n'eut qu'un "peut-être" bien peu engageant de prime abord, mais qui signifiait au moins qu'il n'était pas totalement hermétique à l'idée. C'était bien peu, mais pour le moment, ça lui suffisait. Elle posa sa tête sur l'épaule d'Adam qui semblait toujours en pleine réflexion. C'était presque gagné, songea t elle. S'il ne disait pas non, c'est qu'il finirait par dire oui, ne serait-ce que pour lui faire plaisir. Charlie en était convaincue.

"Oh, mais j'y comptais." Bon soit, si Adam n'avait pas été dans l'équation, jamais la jeune femme se serait montré si raisonnable. Ca n'était pas dans sa nature. Il n'était question de patience que dans l'optique d'encourager son ami à accepter sa demande. "On va dire que tu me donnera ta réponse le jour où j'aurais plus rien de tout ça! C'est d'accord?" Si attendre n'était pas son fort, pour cette fois elle n'avait pas vraiment le choix et de toute manière, il ne serait pas le seul à lui taper sur les doigts si on la voyait se servir trop intensément de son épaule. Déjà que le travail au champ lui avait été plus ou moins accordé à la condition qu'elle ne force pas trop... ce qu'évidemment, elle ne respectait pas toujours... Si en plus elle commençait un apprentissage, les guérisseurs allaient lui passer un sacré savon.

Sa tête reposait toujours sur l'épaule du brun. Le travail l'avait tant fatiguée qu'avec un mur en plus pour appuyer son dos, elle aurait pu s'endormir comme ça, en dépit du bruit que faisaient les guerriers en plein entraînement. Elle soupira et ouvrit les yeux pour découvrir deux hommes qui se battaient à mains nues, dans une sorte de lutte dont ni l'un ni l'autre ne semblait pouvoir sortir gagnant. Les deux étaient de même corpulence et d'autant qu'elle puisse en juger, ils étaient aussi expérimenté. "Je mise sur le rouquin! Si je gagne... tu portes ce chapeau tout l'après-midi!" dit-elle en sortant de sa poche un petit bonbon aux allures d'ambre emballé dans une feuille de papier que le fils de Sera lui avait offert dans la matinée, jugeant qu'elle travaillait trop et qu'elle méritait bien un peu de réconfort. Ravie de sa mise, Charlie engouffra la sucrerie dans sa mouche pour la laisser fondre sur sa langue. Ca avait goût de plantes. Plus exactement, un mélange de menthe sauvage et de sauge.

Comme pour sceller leur accord, Charlie releva la tête et passa sa main sur l'épaule de son ami pour rester collée à lui. C'est ainsi qu'elle agissait avec ses frères, lorsqu'ils étaient encore en vie et ensemble. En cela, Adam lui offrait une part de chaleur suffisante pour combler une partie du manque que leur disparition représentait. Cette relation était vraiment vitale à l'australienne qui n'avait de cesse de chercher sa compagnie dès que leur emploi du temps respectif le permettait.

"Boarf, je risque pas grand chose moi! Prayash, il va surtout bien se marrer et si sa femme te vois avec, j'suis sûre qu'elle t'en fabriquera un en pensant te faire plaisir! Mon plan est diabolique." dit-elle en lui tirant la langue. Charlie imaginait déjà la tête d'Adam avec ce chapeau de paille. Avec son look, ça risquait de détonner suffisamment fort pour déclencher une crise de fou rire à tout le château! La jeune femme remis un peu d'ordre dans sa chevelure indisciplinée et malmenée par Adam puis se concentra sur le combat dont l'issu dirait si oui ou non, ils allaient rire tout l'après-midi.

"Il s'appelle comment le mien?" dit-elle en pointant du doigt le guerrier qu'elle avait choisi. D'ailleurs, il était présentement en difficulté. Les deux se tenaient par les épaules et le guerrier d'Adam essayait de le faire tomber par terre en faisant des "trucs bizarre" avec sa jambe, d'après les mots d'une Charlie prise dans l'action. Elle trépignait de pouvoir l'encourager, mais sans son prénom, c'était déjà beaucoup moins simple et pas sûre qu'il aime qu'on l'appelle "le rouquin".

"Pff! Alors ça c'est des conneries! Ca veut rien dire du tout! Toi tu mangeais bien des glaces à la fraises avant d'arriver ici. Ca t'empêche pas d'aller tuer du dino pour t'en faire un bon steak, hein?"

Charlie se rappelait de l'adolescent qu'il était et rien ne laissait présager qu'il finirait ainsi, guerrier dans un clan en marge d'une société cachée aux yeux du monde, à tâter de la lance et de l'arc pour abattre des mastodontes de plusieurs tonnes parfois! Bien sûr, elle avait dit ça sur le ton de la plaisanterie mais n'en pensait pas moins pour autant.

"ALLEZ ROLAAAAAAAAAN!" cria t elle à son attention, "FLANQUE LUI UNE RACLEE!!! ALLEZ!!!" Tant pis pour les oreilles d'Adam! Charlie avait bien l'intention de gagner ce pari! Pourtant, les choses ne se passèrent pas du tout comme elle l'aurait voulu. Etait-ce ses encouragements qui avaient déstabilisé le prénommé Rolàn? Ou bien Adam avait simplement raison _c'était difficile à admettre_? L'homme finit à terre, laissant son adversaire victorieux et Adam particulièrement fier qu'il lui ai fait manger la poussière comme il l'avait prédit. "Oh non..." Comme au tiercé, il faudrait peut-être qu'elle se renseigne sur ses chevaux pour la prochaine mise. Déçue, l'australienne souffla tout en applaudissant tout de même. Puisqu'elle l'avait encouragé, elle n'allait pas le dénigrer non plus, même si à cause de lui elle venait de perdre son pari! Elle eu même droit à un clin d'oeil du rouquin une fois ce dernier relevé et Charlie sentie ses pommettes prendre un coup de chaud. Pour se cacher, et puisque c'était sa peine, elle vissa son chapeau sur sa tête et lui tira la langue. "Le droit d'arrêter de frimer?" dit-elle en lui claquant la cuisse avec sa paire de gants.

"Nianiania!" fit elle, boudeuse. Même si le ton était celui de la plaisanterie, Charlie savait qu'Adam pensait ce qu'il disait. Il n'aimait pas plus les dinotopiens que ces êtres à écailles avec qui ils disaient vivre en harmonie. Quant à elle, la jeune femme n'avait pas vraiment d'avis à leur sujet. Il y avait du bon comme du moins bon, comme partout d'ailleurs, même ici au château. Finalement, la seule chose qu'elle leur reprochait, c'est la manière qu'ils avaient eu de vouloir l'embrigader dans leur société si on puit dire, mais aussi ce qu'ils faisaient à son ami dolphinback. Jason s'éternisait dans les montagnes et ça ne plaisait pas à Charlie de le savoir encore là-haut. Surtout que de son point de vue, il ne méritait pas son sort.

Bouder n'avait pas aidé à faire gagner Rolàn. Elle avait perdu le pari qu'elle avait elle-même lancé! Et la voir collée à son chapeau toute la journée ne suffisait pas à Adam, il fallait aussi qu'il s'en prenne à son cadeau! Le couvre chef vola à travers le camp d'entraînement pour finir sur la tête d'un pauvre gars qui n'avait rien demandé, cachant en partie son champ de vision. L'archer, visiblement agacé, lui lança une remarque assortie d'un regard qui n'avait rien de bien courtois. Charlie qui n'avait pas vu qu'Adam s'était éclipsé à ce moment, pointa son index vers elle. "Hé! Mais c'est pas moi!" "C'est ça ouais." lâcha l'homme avant de se remettre à son entraînement, tout en marmonnant dans sa barbe en faisant mine de l'ignorer royalement. Lorsque l'australienne compris le stratagème et tourna la tête pour découvrir qu'Adam s'était planqué durant tout ce temps, elle roula des yeux. "T'es vraiment...!" Elle se laissa glisser le long du muret et s'en alla récupérer son chapeau de paille, puis se mit à courir en direction d'Adam, faussement en colère. C'est qu'elle avait du mal à rester sérieuse et à cacher son sourire. "Je vais te régler ton compte, tu vas voir!"

Chose promise, Charlie se mit à poursuivre Adam aussi vite que ses jambes le permettaient. Elle avait tellement envie de l'attraper qu'elle l'aurait accoursé dans tout le château, jusque dans les tours, sur les remparts et même dans les champs s'il le fallait! Malheureusement pour elle, il connaissait bien mieux les lieux qu'elle, bien qu'elle ai eu le temps de se familiariser avec depuis son arrivée. La jeune femme tenait son chapeau dans une main, ses gants de l'autre, et courrait à vive allure partout où Adam passait. Elle ne se rapprochait pas de lui mais ne s'en éloignait pas non plus. En revanche, c'est son souffle qui finirait par lui manquer bien plus vite que le guerrier.

C'était bon de retrouver son âme d'enfant le temps d'un après midi ensoleillé comme celui ci. Charlie se sentait comme une adolescente, ignorant momentanément tous les soucis de la vie ainsi que les malheurs qui l'avait marquée au fer rouge. En cet instant, c'était comme s'ils ne s'étaient jamais quitté. Leur complicité était toujours là, bien plus forte même, lui semblait il. A croire que leur passé respectif et leur présent commun ainsi que l'absence douloureuse qui séparait ces deux époques avaient renforcé leurs liens. Même si Charlotte ne pensait jamais à l'avenir, elle n'imaginait pas un instant se séparer de lui pour vivre ailleurs. Elle avait le sentiment que jamais plus ils ne se quitteraient.

Passant aussi vite que le vent au milieu du groupe d'enfants qu'elle avait croisé en venant, la brune manqua de se prendre une balle dans la tête. Heureusement, elle l'évita de justesse, ce qui la fit ricaner. Les enfants eux, restèrent bouche bée devant ce spectacle. Jamais encore ils ne l'avaient vu aussi joyeuse, et Adam encore moins. Après ça, elle manqua de bousculer un passant, puis un autre, évitant la catastrophe par on ne sait trop quel miracle. Charlie commençait à fatiguer, il était plus que temps d'attraper ce sale gosse! Mais elle avait beau se démener, elle savait très bien qu'elle n'était pas prête d'y parvenir, pas comme ça tout du moins.

"C'est bon! T'as gagné, j'abandonne!" dit-elle en s'arrêtant net pour se tenir les côtes et reprendre son souffle, grimaçant comme prise d'une pointe assassine. "J'en peux plus, j'suis trop crevée." Marchant lentement pour rejoindre le guerrier, elle grimaçait toujours, une goutte de sueur perlant sur son front, et ajouta : "J'sais pas pourquoi, j'ai super mal à l'épaule. J'crois que j'aurais pas dû m'agiter autant." Elle s'approcha encore, mimant une douleur fictive sous ses bandages. Puis, lorsqu'elle jugea qu'elle s'était suffisamment rapprochée de lui pour mettre son plan sournois à exécution, elle se jeta sur lui, lui grimpant littéralement sur le dos pour lui ébouriffer sa belle tignasse ébène. Pas très fair play, je vous l'accorde, mais personne n'avait établi de règle!

"Han!" lâcha Charlie quand Adam osa se jeter par terre, avec elle sur le dos! Elle s'accrochait comme un diable, frottant les cheveux autant qu'elle le pu le temps d'atterrir au sol mollement. Ils avaient l'air fins! La brune daigna le libérer, n'ayant pas trop le choix, et se mit à rire si fort que des regards interloqués se tournèrent vers celle qui avait plus l'air d'une gamine qu'autre chose en cet instant précis. Avec ses tâches de rousseurs, les fesses par terre et au vue de son attitude, on lui aurait donné toute juste dix ans. Elle reprit les dernières paroles lancées par Adam, moqueuse, riant toujours plus. "L'imbattable? L'imbattable?!" reprenant un peu ses esprits, elle précisa le fond de sa pensée : "J't'ai quand même bien eu sur ce coup là! La tête que t'as tiré! C'était vraiment hilarant!" A la façon dont elle rigolait, on la croyait volontiers.

Charlie se leva enfin et épousseta son pantalon en lin d'une couleur incertaine. Elle qui avait fait semblant de s'en plaindre, elle avait à présent réellement mal à son épaule. Bah, se dit-elle, ça passerait d'ici quelques heures, tant pis. Après avoir crié au loup et fait une belle frayeur à son ami _car elle ne doutait pas qu'Adam s'était inquiété sur le moment_, elle ne pouvait pas se permettre de le lui reprocher. Elle l'avait bien cherché!

"Ca m'a donné soif, cette histoire." Sera l'avait bien sommé de se rafraîchir au puis avant de quitter les champs, mais après cette course folle, c'était comme si sa gorge n'avait pas eu droit à un peu d'eau depuis des siècles. Ramassant ses affaires qui avait fini par terre lors de son bond qu'elle jugeait grandiose, la jeune femme remis son chapeau à sa place et glissa la paire de gants dans sa poche arrière.

"Hé non!" fit elle en recevant sans rechigner la bousculade bien méritée, "Mais face à plus fort que sois, faut se montrer rusé!" Et elle ponctua ses dires avec un clin d'oeil bien placé, relevant le bords de son chapeau pour qu'Adam n'en perde pas une miette. Les deux se dirigèrent tranquillement vers le puits, histoire que la jeune femme puisse s'y rafraichir.

"Me calmer moi? Tu rêves!"

Charlie avait beau dire, courir dans tous les sens après une dure matinée de labeur l'avait épuisée une fois arrivée, elle préféra s'asseoir sur le rebord en grosses pierres taillées de l'édifice pour soulager ses jambes. Un seau avait déjà été puisé et elle n'eut qu'à se servir d'une louche qui traînait là pour boire. Charlie en profita pour passer un peu d'eau fraîche sur son visage, la laissant dégouliner le long de son cou sans s'en préoccuper.

"Non, on a déjà bien avancé ce matin et puis il fait trop chaud pour travailler au champ." L'apprentie paysanne reprit une dernière gorgée de liquide avant de rincer la louche et de la reposer là où elle l'avait trouvée. "Et toi? T'as des trucs à faire?"

Même si l'on avait rien de prévu, en cherchant un peu, on trouvait toujours de quoi s'occuper au château. Là, il fallait réparer telle ou telle chose, ici il y avait des feuilles à ratisser, ailleurs encore, on pouvait proposer son aide à un artisan, un cuisinier. Vraiment, Charlie n'avait pas le temps de s'ennuyer et les Outsiders ayant apprit à la connaître savaient qu'elle était vaillante et toujours partante pour tout et n'importe quoi, du moment qu'elle pouvait aider. C'était sa manière à elle de justifier sa place au camp. Elle en avait ressenti le besoin très tôt. A son arrivée, l'australienne avait été plus que bien traitée et notamment de par le lien qu'elle avait avec Adam. Aussi, elle s'était empressée de trouver une façon de gagner sa place parmi eux, n'étant pas très à l'aise avec toute forme de privilège.