[Terminé] Chapeau de paille et bottes de cuir - Adam

Chapeau de paille et bottes de cuir

Charlie ne sut quoi répondre à Adam. Peut-être qu'effectivement, s'il lui avait donné quelques cours de lui-même, histoire qu'elle puisse se défendre, les choses auraient été différentes. Oui mais voilà, Charlie était une adulte et elle n'avait absolument rien à reprocher à Adam. La vérité, c'est qu'elle n'avait pas fait les bons choix. Certes, la jeune femme avait des circonstances atténuantes, c'est le moins que l'on puisse dire, mais ça ne changeait rien aux faits. Si elle avait inquiété Adam au point qu'il traverse l'île entière à sa recherche, si elle l'avait blessé avec ses cachotteries, ça n'était que par sa faute à elle. Par ses paroles, ses agissements, son sale caractère et tout le reste.
Au moins, il admettait que son idée n'était pas si mauvaise, bien qu'il n'ai pas tellement apprécié sa réalisation en elle-même... n'était ce pas tout ce qui comptait, au final? Charlie le croyait, et décida de s'en contenter. Elle eut enfin un vrai sourire. "Merci." fit elle en se collant à lui, quitte à se gêner mutuellement dans leur marche.

Approchant du banquet, Charlie lâcha la main d'Adam pour se cramponner à son bras. Dans un même temps, son regard quitta les étoiles pour tomber sur les silhouettes qui s'affairaient autour des tables. Si quelque uns étaient encore occupé à la cuisson de la prise du jour, d'autres discutaient, un verre à la main, sous l'éclairage des flambeaux, guirlandes et autres bougies allumés ça et là. L'heure était venue de dîner. Sera leur fit de grands signes en les voyant arriver ensemble. "Ah! Vous voilà tous les deux!" s'exclama t elle. Il n'y avait pas qu'à Adam que la brune avait caché certaines choses, et elle devrait bientôt lui raconter ce qu'elle faisait de ses après-midi en solitaire. Mais pour l'instant, Charlotte voulait profiter de l'instant, de la fraîcheur de la nuit à peine tombée, des victuailles et surtout des boissons. Elle fit un signe de la main à Sera et s'installa sur un bout de banc libre. Les conversations allaient déjà bon train et à peine Charlie eut elle posé ses fesses qu'un vieux monsieur se précipita pour lui servir un verre plein à raz bord d'un liquide foncé où flottaient des baies, des herbes et qui sentait fort le vin ou quelque chose s'en approchant au moins. "Teh, tu m'en diras des nouvelles, petite!" Il avait l'air si fier qu'elle préféra attendre qu'il s'éloigne un peu avant d'y tremper ses lèvres, histoire d'être sur de ne pas le vexer s'il s'avérait que la chose n'était pas à son goût. "C'est quoi, tu penses?" demanda la brune à Adam.

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Chapeau de paille et bottes de cuir

Il fallu attendre qu'Alderic entre en scène pour que le brouhaha ambiant s'apaise, que les enfants se calment, rappelés à l'ordre par leurs parents et que chacun prenne place autour des tables. Le festin pouvait commencer, et les conversations reprirent plus posément. Charlie n'étais pas pressée de manger, mais la boisson qu'on lui avait servit l'intriguait. "Ah." fit-elle. La mixture était donc moins compliquée qu'il n'y paraissait, quoique le vin était une chose précieuse sur cette île où on faisait tout soi même et à petite échelle. La brune ne tarda pas plus longtemps et se jeta à l'eau. Le goût l'a surprit tant qu'elle grimaça d'abord, à deux doigts de tout recracher, mais en se forçant à garder le liquide dans sa bouche, elle pu quand même l'apprécier. Ca n'était pas si mauvais, en fait, c'était même plutôt bon! Cela dit, c'était fort et inhabituel pour elle et le vieil homme qui l'avait servi s'en doutait bien. Il ne l'avait d'ailleurs pas quittée des yeux contrairement à ce que la jeune femme avait pensé et s'était beaucoup amusé du spectacle. Elle entendit un éclat de rire à l'autre bout de la table, et lorsqu'elle comprit le qui et le pourquoi, elle se mit à rire aussi, leva son verre à son intention et en bu une nouvelle gorgée qui passa beaucoup mieux maintenant que son palais était averti. "C'est pas mal, en fait." admit Charlotte qui avait retrouvé un peu de couleur en passant.

Les plats passaient de main en main et à son tour, la jeune femme se servi raisonnablement, ne prenant que quelques légumes et un bout de pain aux céréales, boudant les tranches de viande qui fumaient encore. Elle confia le plat à Adam et se mit à grignoter quelques pois cassés du bout de sa fourchette, distraite par les conversations de ses voisins, les œillades de Sera et d'un de ses collègues. Un certain Ruben attira son attention. Il roulait des yeux, exagérant son exaspération quand au discours ennuyeux de la personne qui se trouvait à ses côtés, juste pour la faire rire. Avait-il comprit qu'elle n'avait pas le moral? Quoi qu'il en soit, lorsqu'il fit semblant de se coincer de la mie de pain dans les oreilles, elle se mit à pouffer comme elle le faisait aux champs. Ses âneries l'avaient même fait cracher son eau dans les semis, un jour. La brune était généralement bon public, mais il fallait vraiment qu'elle soit bien fatiguée pour ricaner comme elle le faisait. Elle se senti un peu idiote et n'avait pas envie de se faire remarquer avec ses yeux gonflés. Charlie préféra donc arrêter d'alimenter les gags de Ruben en détournant le regard, se concentrant sur le maigre contenu de son assiette et son verre de vin. Au moins, elle avait trouvé ce qu'elle cherchait. Ce banquet lui changeait effectivement les idées. Elle accorda un sourire à Adam.

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Tout comme bon nombre de personnes, Charlie fut également happée par le récit du chasseur. Ce dernier mettait beaucoup d'énergie dans son histoire, faisant de grands gestes et ne lésinant pas sur les détails. Le guerrier demandait parfois confirmation à ses comparses, même Adam avait été sollicité et l'australienne souriait à chaque fois que ce dernier acquiesçait, donnant de la crédibilité au conteur. Ayant terminé son repas, la jeune femme se laissa emportée par l'histoire, sirotant son verre de vin infusé qui, déjà, lui montait un peu à la tête. Elle avait trop peu manger aujourd'hui et la fatigue aidant, l'alcool avait le champ libre. Charlie aurait pu s'endormir ici même s'il n'y avait pas eu tant d'agitation autour.

Elle cru bon de prendre une part de cake au miel pour accompagner la fin de sa boisson, histoire de ne pas roupiller sur la table et fatalement, Ruben en profita pour attirer son attention et lui faire une énième plaisanterie à distance lorsqu'il fut question de ces gros rongeurs que l'on voyait parfois, les joues pleines de graines, déguerpir à toute vitesse à leur passage près des réserves. Il avait coincé deux gros biscuits dans chacune de ses joues et la regardait comme si tout était parfaitement normal. Elle ne pu réprimer un rire, incapable d'ignorer ses pitreries. Charlie priait surtout pour qu'il n'avait pas vu trop clair sur son visage et qu'il ne lui poserait pas de question le lendemain matin, aux champs. Ruben était très gentil avec elle, mais Charlie s'était bien assez confiée ces derniers temps. Maintenant, elle espérait pouvoir passer à autre chose.

Leur dessert consommé à la vitesse de la lumière, les enfants s'étaient levé de table et jouaient un peu plus loin dans son dos. L'un d'eux avait sorti une petite flute de la besace qu'il avait traîné avec lui tout le repas, et se mit à jouer des notes au hasard, faisant danser ses copains. Charlotte se retourna, s'adossant au bord de la table pour observer la scène éclairée par les flambeaux disposés ça et là, n'oubliant pas de garder son verre avec elle. "T'as des souvenirs? De quand on était petits?"

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Dix ans... Ces deux mots étaient un coup de massue qui enfonçait un peu plus le clou perçant son coeur et qui n'avait d'autre intérêt que de rouvrir la plaie qui mettait à chaque fois trop longtemps à guérir. Dix ans... dans dix ans, que resterait il de ses souvenirs à elle? Son sourire se figea, triste et vague sous son regard lointain. "Moi je me souviens de tout..." En réalité, Charlie ne parlait plus de leur enfance... mais elle se força à y revenir, reprenant le fil initial de ses pensées. "Enfin je me souviens surtout des bêtises qu'on a faites." dit-elle en riant.

Devant eux, les enfants qui ne connaîtraient la fatigue que lorsqu'ils seront contraints de regagner leur lits, s'amusaient encore comme des fous tandis que leurs parents discutaient ou bien débarrassaient la table du banquet. Charlie les observait sans se lasser, serrant à présent le bras d'Adam qu'elle maintenait contre elle. Elle soupira et ajouta avec ironie, "De vrais anges..." avant de rire à nouveau, plus franchement cette fois. "Pendant longtemps j'étais en colère de t'avoir trouvé ici. Parce que je me disait que le sort s'acharnait. Comme si tout était prévu, tu vois ce que je veux dire? Comme si ta vie avait été écrite en fonction de la mienne, pour que je souffre le plus possible... et que ta seule raison d'être, c'était de me maintenir en vie dans cet état pitoyable, qu'on soit malheureux ensemble le plus longtemps possible... Evidemment, c'est idiot et totalement égocentrique... mais j'étais trop... enfin tu sais... Je pouvais pas voir les choses autrement. Aujourd'hui Adam... Je suis contente de t'avoir près de moi." dit-elle en lui adressant un sourire sincère. "Je suis contente qu'on se soit retrouvés, même ici... Et je suis contente de savoir qu'on ne se séparera plus jamais." Il fallait que Charlie ai beaucoup réfléchit et qu'elle ai assez pansé les blessures de son coeur pour dire cela, tout en acceptant les horreurs qui s'étaient produites et le fait qu'elle finirait ses jours sur cette île maudite. "Tu te souviens quand on s'est revus? Le temps qu'on a mit à se reconnaître?" En réalité, cette journée avait été terrible pour elle et elle le serait toujours, malgré ce qu'elle venait de confier à Adam, mais elle tenait à voir de la lumière, même dans les jours les plus sombres. "T'as beaucoup changé."

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Adam avait parfaitement raison. Autant Charlie avait très à coeur de se souvenir du moindre détail concernant sa vie d'autrefois et surtout, ses proches, autant c'était un calvaire pour elle qui n'avait pas le choix que d'enterrer tout cela. Question de survie, il était impossible de continuer à vivre dans le passé, dans ses souvenirs, de nager dans ce chagrin immense qui l'avait submergée _et la submergeait encore parfois_ au point où elle avait cru s'y noyer plus d'une fois. Pour aller de l'avant, elle devait accepter cette perte, laisser venir à elle cette nouvelle vie, aussi difficile, aussi cruel et douloureux que ce soit. Et tout ça, ça n'était possible que grâce à Adam.

Charlie sourit, loin de trouver son ami d'enfance égoïste. Ici, ils ne faisaient qu'un à présent. Elle prit sa main dans la sienne, émue d'entendre ces paroles qui lui faisaient si chaud au coeur.
Les souvenirs de cette journée si singulière de bien des façon lui revenaient en tête avec une telle netteté qu'elle avait l'impression que c'était hier. "C'est vrai." Lorsqu'elle avait entendu son prénom, le déclic était venu. C'était si improbable, impossible même, qu'elle n'y avait pas cru d'abord, malgré l'évidence frappante. "Non." affirma la brune qui souriait toujours en laissant son regard suivre le jeu des enfants, "Non pas du tout." Physiquement déjà, il n'avait plus grand chose à voir avec celui qu'elle avait connu autrefois. Seuls ses yeux et certains traits de son visage persistaient, mais cette île l'avait beaucoup changé, naturellement. Le guerrier qu'il était devenu n'avait rien de décevant aux yeux de Charlotte qui se décida à lui avouer. "Je t'admire beaucoup. Pour ce que tu es aujourd'hui. La vie que tu as construit ici, ce que tu fais pour le clan... Ton courage, ta force. Vraiment, je t'admire." En disant cela, la jeune femme sentait son coeur battre un peu plus fort.

Effectivement, Charlie voulait bien le croire. Elle n'avait pas dû changer tant que ça. Physiquement déjà, elle avait conservé ses tâches de rousseurs, ses bouclettes caractéristiques, son rire aussi. Et son caractère n'avait pas tant évolué non plus. Toujours aussi bornée et casse-cou. "Pas trop déçu?" le questionna t elle en retour d'un ton taquin. Peut-être l'était il, en un sens. Charlotte n'était pas du tout adaptée à la vie sur l'île, contrairement à lui. Certes, ça ne faisait pas aussi longtemps que lui qu'elle vivait là, mais elle avait ce sentiment que jamais, elle ne s'y ferait vraiment. Peut-être s'apercevait il de cela lui aussi? Peut-être que sa faiblesse le décevait, en un sens? Elle l'avait dit sur le ton de la plaisanterie, mais quelque part, Charlie se posait vraiment la question.

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