[Terminé] Le Départ [Charlotte]

Charlie restait Charlie. Cette idée n'était que remisée dans un coin de son esprit. Pour l'heure, elle avait d'autres priorités et à vrai dire, même si Jason en faisait partie, il se trouvait bien, au Temple. Rien ne pressait au point de risquer sa vie pour le retrouver. Alors pour l'instant, l'option de la lettre semblait la meilleure. En tout cas, Adam semblait approuver cette décision avec un soulagement évident. Son ton s'était subitement radouci, et son regard avec.

"Va pour Sauropolis alors."

C'était surement la meilleure décision qu'elle ai prise depuis son arrivée sur l'île. Tous ses choix n'avaient été que risques sur risques, jusqu'à ce qu'elle finisse par tomber sur son ami. A défaut d'être raisonnable, il l'était pour elle. Il fallait dire aussi que la jeune femme avait une chance insolente! Tomber sur autant de gens qui avaient prit soin d'elle, qui l'avaient conseillée, accompagnée... cela n'était possible qu'à Dinotopia, aussi cruelle puisse t elle être. Dans son monde, les gens n'étaient pas tous si bons, loin de là. La liste des gens qui l'avaient aidée sans espérer de contre partie était bien plus longue ici qu'en Australie, bien qu'elle y ai passé toute sa vie, c'est dire.

Farfouillant dans son sac, la brune en sorti ses quelques feuilles pliées et son crayon, puis après avoir tourné quelques pages comblées jusqu'à étouffer de ses dessins, elle entreprit de rédiger sa lettre à Jason. Elle cherchait ses mots, les choisissant avec soin, tout en croquant dans la pomme juteuse. Un léger sourire apparu sur son visage éclairé par le feu qui réchauffait sa peau. Peut-être y glisserait-elle un de ses dessins, également, pour s'excuser de ne pas l'avoir contacté plus tôt. Elle finit par s'allonger sur le côté, son coude posé au sol afin que sa main retienne sa tête. Épuisée, ses yeux se fermèrent tandis que son bras perdait son appui et la jeune femme s'endormit enfin, crayon en main.

Ce furent les premières lueurs du jour qui caressèrent la peau de Charlie. Lentement, ses yeux s'ouvrirent pour découvrir toutes ces nuances dans le ciel. Elle resta ainsi un moment, à simplement observer les oiseaux qui se réveillaient eux aussi et entamaient leur vol matinal. Finalement, elle émergea, se redressa et s'étira comme l'aurait fait un chat. Comme prévu, la nuit avait été calme pour la jeune femme qui se frottait le visage pour mieux se réveiller et décoller au passage quelques aiguilles de pins qui s'étaient prises d'affection pour sa joue.

"Ca va?"

Si de son côté, elle avait bien dormi, il n'en était pas de même pour Adam qui avait du passer une nuit blanche. Et ça l'inquiétait beaucoup.

"'Va bien falloir que tu dormes, toi aussi."

A ce rythme, et si le voyage s'éternisait pour x raison, il n'allait pas pouvoir continuer longtemps comme ça, à moins qu'il ne se transforme en zombie. Adam avait beau être vaillant, il avait besoin de dormir, comme tout le monde. Et à ce qu'elle sache, il n'était pas doté de ce pouvoir qu'avaient certains volatiles, c'est à dire endormir tour à tour une partie de son cerveau puis l'autre, tout en continuant à voler. A moins qu'Adam ai des ailes, mais ça, elle en doutait fort!

Rassemblant ses petites affaires dans son sac en bandoulière, Charlie se leva enfin et bu une longue gorgée d'eau. Elle en aurait bien appliqué sur son visage également, mais elle savait qu'ici comme ailleurs, l'eau était une ressource précieuse et elle ne savait pas combien de temps devrait lui durer sa gourde. Deux jours de plus, peut-être davantage. Et d'ici là, ils n'étaient pas sûr de pouvoir la remplir, alors il ne fallait pas la gaspiller. La jeune femme pencha sa tête en avant et secoua sa tignasse pour en chasser toutes les petites choses qui avaient pu s'y emmêler durant la nuit. Brins d'herbes, aiguilles et autres morceaux d'écorces. Ses boucles étaient un vrai piège à tout!

"Moi ça va, je suis d'attaque!"

Qu'au moins, il n'ai pas veillé pour rien. Si en plus elle n'avait pas récupéré, elle s'en serait encore plus voulu.

"Hm."

Ne pas s'inquiéter? Comment? C'était son tour à présent. Pas vraiment convaincue, elle se laissa convaincre en se disant qu'il s'avait ce qu'il faisait, que ça n'était surement pas la première fois pour lui et qu'il était bien plus résistant qu'elle. Pourtant, après un bâillement de circonstances, elle lui rendit son sourire. Elle aimait voir son visage arborer autre chose que cet air sérieux et concentré qu'il avait tout le temps. Lorsque c'était le cas, elle se sentait privilégiée.

Charlie n'aurait effectivement pas dit non à un café bien corsé et limite brûlant, mais malheureusement pour elle, ça ne coulait pas du troncs des pins! Ils reprirent donc rapidement la route, abandonnant leur petit camp et son feu déjà éteint depuis longtemps.

Le paysage changeait si vite sur cette île que Charlie avait l'impression d'avoir parcouru des centaines de kilomètres à chaque fois. Les pins étaient désormais bien loin derrière eux, tandis que devant se dressaient d'autres reliefs intéressant. Si elle en avait eu l'opportunité, elle en aurait bien profité pour faire un dessin ou deux. Vraiment, ces montagnes étaient belles à couper le souffle. Et cette sorte de savane également. Les herbes sèches les entouraient, bruissant à chacun de leurs pas et s'entendaient sur d'interminables distances. La vision de ce cours d'eau fut un véritable petit miracle pour Charlie. La chaleur était accablante et la sueur sur son front commençait à ruisseler le long de sa mâchoire.

Si Adam y allait tout en douceur, Charlie elle ne résista pas longtemps à l'appel de l'eau fraîche! Alors que lui s'aspergeait délicatement le visage, la jeune femme s'allongea directement dans la petite rivière, laissant seulement ses chaussures hors de l'eau. Le liquide parcouru tout son corps, se frayant un chemin au travers de ses vêtements jusqu'à venir au contact de sa peau qui ne demandait que ça. La tête d'Adam la fit rire aux éclats, évidemment.

"Bah quoi?" dit-elle amusée en l'éclaboussant au passage.

Charlie fini par se relever, complètement trempée mais parrée à affronter le reste du voyage avec un regain d'énergie conséquent grâce à cette douche improvisée. On ne pouvait pas lui reprocher de faire les choses à moitié!

"Parfaitement ! Rabat joie!"

Tout était bon à prendre pour Charlie, y comprit ce genre de moment complices. Dans un voyage aussi rude que celui ci et dont l'issue était totalement incertaine, il fallait se montrer opportuniste pour tout. La jeune femme se surprit à rire lorsqu'Adam l'éclaboussa à son tour avant de traverser la petite rivière. Si elle dégoulinait littéralement d'eau, celle-ci finirait bien vite par sécher avec ce soleil éclatant au dessus d'eux. Avant de partir, elle en bu une grosse quantité à l'aide de ses mains et finalement, ils se remirent en route.

Adam se figea, alerte, et Charlie se stoppa net dans sa marche. Son coeur se mit à battre plus fort lorsqu'elle remarqua à son tour la forme au loin. C'était un dinosaure. Elle n'en avait jamais vu de tel, ni ici, ni dans ses livres scolaires, mais lorsque son ami se muni de son arc, près à décocher sa flèche, un vent d'angoisse s'empara d'elle. La bête ne semblait pas les avoir vu, ni même être bien dangereuse. Se rapprochant du guerrier, elle posa une main sur son épaule, inquiète.

"Tu crois qu'il nous ferait du mal?"

Sinon, pourquoi l'abattre? Charlie se servit de sa main comme d'une visière pour protéger ses yeux du soleil et à force d'observer l'animal, elle se rendit compte qu'il mangeait de l'herbe tout aussi tranquillement qu'une vache dans un près. Un herbivore!

"Adam!" s'offusqua t elle en fronçant les sourcils.

Elle ne comprenait pas très bien ce qui lui passait par la tête. C'était donc ça, la philosophie des Outsiders? Tuer tous dinosaures qui se trouve sur son chemin, quoi qu'il arrive? Quelle cruauté... mais ne l'avait-on pas prévenue? Elle même ne connaissait pas très bien sa position là dedans, mais ce qui était sûr, c'est que ça lui faisait mal au coeur d'imaginer abattre une créature inoffensive. Elle savait le passé d'Adam et les événements qui avaient provoqué cette haine pour les dinosaures. Peut-être aurait-elle finit par les détester, elle aussi, si elle avait vécu la même chose. Oui, surement même. Sans réfléchir, elle se mit devant le guerrier, barrant la trajectoire de la flèche encochée, et chercha les arguments susceptibles de l'en dissuader.

"Si tu fais ça, y en a peut-être d'autres qui vont arriver ensuite! Et puis il vont bien se douter de qui l'aura tué, tu crois pas? Et si on se mettait à notre recherche? Qu'on nous jetait en prison, ou pire!"

La jeune femme ne connaissait pas grand choses des lois à Dinotopia, mais ce qui était certain, c'est qu'on soupçonnerait tout de suite un Outsider de ce fait. Qui d'autre pouvait tuer un herbivore de sang froid? Ca ne risquait pas d'être un Dolphinback apeuré, pas avec une flèche en tout cas. Non, tout ça n'était vraiment pas très malin selon elle et la jeune femme sentait qu'Adam agissait par automatisme. Ou par haine. La peur au ventre, Charlie fixait Adam. La vérité, c'est qu'elle ne voulait pas qu'il tue cet animal, même si elle tentait de s'en cacher en évoquant des raisons plus pratiques.

Charlie ne prit pas la peine de regarder alentours, fixant son ami de ce regard perçant qu'elle n'empruntait que rarement. Pour Adam, ses arguments ne valaient rien et il ne semblait pas vouloir entendre raison. Du moins sa raison. A présent, elle savait pertinemment que rien ne pourrait le convaincre de ne pas abattre le monstre, puisqu'il était déjà bien décidé à s'en servir de repas.
Tuer cet animal n'avait rien de plaisant pour la brune, dinosaure ou pas. Sil avait été question d'un carnivore, elle n'aurait rien eu à redire, mais là, c'était différent. Au fil des jours passés au contact des dinotopiens et notamment auprès des plus... reptiliens d'entre eux, Charlie n'avait jamais su quoi penser de leur condition. Pourtant, elle devait s'en tenir à l'évidence : elle avait fini par considérer les dinosaures dotés de parole comme son égal, à l'image de Xyria, et ça, elle ne l'avait pas vu venir. Tout était si étrange que même maintenant, alors qu'elle défendait la pauvre bête derrière elle, Charlie n'était plus sûre de rien. Elle repensait à Adam, à son histoire... et quelque part elle s'en voulait de penser de cette façon. Mais c'était surement trop tard, Charlie avait acquis une conviction qu'elle ne voyait pas encore comme telle, embrouillée par ses pensées contradictoires.

En tout cas, se dire qu'il allait leur servir de repas la dégouttait. Pour Adam, c'était bien naturel. Tuer une espèce qu'il haïssait au plus au point pour se nourrir, il ne voyait pas le mal. Mais Charlie avait vécu dans une société où on ne tuait plus sois même depuis bien longtemps, laissant le sale travail à d'autres. Là résidait peut-être une partie du problème. Ca lui tordait le coeur dans tous les sens, mais face au guerrier, elle n'avait ni le choix, ni son mot à dire. Elle resta pourtant face à lui, comme perdue. Encore une fois, sa position était floue, même pour elle. Charlie ne savait quoi penser de tout cela mais elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver ça mal. Heureusement pour Adam, l'australienne ne savait pas si celui là parlait où non, à l'image de Xyria et Mehen, ce qui aurait fait toute la différence de son point de vue. Mais elle préféra ne pas poser la question, au risque d'obtenir une réponse des plus déplaisantes. Se voiler la face allait devenir une habitude pour Charlie.

"Je ne pourrais pas le manger." dit t elle d'un ton on ne peut plus sérieux, avant d'enfin consentir à s'écarter.

Elle n'osa pas regarder la scène, et tourna le dos au guerrier, les bras croisés contre elle, aussi tendue que l'on puisse l'être.

Charlie appréhendait ce qu'il était sur le point de se produire. Ses doigts serraient fort ses bras et ses yeux étaient rivés sur l'horizon, prête à recevoir le cri de la bête touchée en plein coeur. Mais rien de tout ça ne se passa. Adam avait abandonné sa chasse. Pour quelle raison au juste, ça, elle n'en savait rien, et ça lui importait peu à vrai dire. Le résultat était là : le dinosaure vivait encore. Elle s'en assura avant de suivre Adam dans son ombre, soupirant d'avoir fait tant d'effort pour se maîtriser.

Victorieuse, elle ne s'accorda pourtant pas un sourire, ni ne le remercia bien qu'elle en ai eu envie premièrement, comme si elle n'osait pas lui adresser la parole après ça de peur qu'il ne s'emporte contre elle. Après tout, il venait de contrarier son instinct, de se faire violence au nom de principes qui n'étaient pas les siens, et ça n'était jamais très bon pour personne. C'était étrange, comme impression. Et peut-être se trompait elle sur toute la ligne, mais elle préféra ne pas rompre le silence, malgré sa reconnaissance.

L'atypique duo se remit à marcher, jusqu'au couché du soleil. Malgré cela, la température ne semblait pas vouloir baisser, car à mesure qu'ils avançaient, même si l'astre se faisait moins puissant, la chaleur persistait. D'ailleurs, rapidement, les herbes sèches ne furent plus qu'un souvenir, tout comme l'eau qui n'avait finalement pas imbibé ses vêtements bien longtemps.

Charlie était épuisée, mais elle comptait bien suivre le rythme imposé par le guerrier, tout en espérant que la chaleur s'atténuerait et leur laisserait un peu de répit, histoire de continuer à avancer encore un peu plus. Dans ces circonstances, sa peau matte lui était bien utile et elle ne craignait pas les coups de soleils. Elle se disait également que marcher la nuit aurait été beaucoup plus simple à supporter, mais aussi énormément risqué. Alors elle ne fit pas part de cette idée à son ami.

Les deux finirent par ralentir sans que Charlie ne s'en rende compte. Elle ne comprit que bien plus tard que c'était du fait d'Adam, puisque ce dernier observait les alentours, alerte. Tout était incroyablement calme et aucun bruit ne vint trahir une quelconque présence, si bien que la brune se demandait ce qui n'allait pas. Lorsqu'ils changèrent soudainement de direction, elle senti qu'effectivement quelque chose clochait, mais quoi? Elle ne voyait rien, ni n'entendait rien. Mais sa confiance aveugle en Adam la poussa à le suivre sans faire le moindre bruit et à réprimer cette curiosité qui lui donnait envie de le questionner. Alors qu'ils prenaient une toute autre trajectoire, la brune senti la peur monter en elle de manière inexplicable. Elle serra fort la anse de son sac qui reposait sur son épaule, comme pour contrôler le sang qui pulsait dans ses veines. L'ambiance ici était étrangement pesante. Quelque chose n'allait pas, mais quoi?

Le cri figea Charlie qui senti ses poils se dresser sur ses bras. Adam aussi s'était arrêté net. Ce bruit ne présageait rien de bon et expliquait pourquoi tous les deux avaient eu l'impression qu'un danger était non loin, tapis dans l'ombre. Charlie se retourna, pas vraiment certaine de vouloir savoir d'où venait ce bruit si strident. C'est là qu'elle comprit d'où il provenait. Elle ne s'en était pas rendue compte jusque là, mais il avaient en fait contourné une sorte de crevasse profonde et obscure. C'était le nid d'une créature, surement tout aussi inquiétante que le cri assourdissant qui en provenait.

Charlie n'eut pas le temps de faire fonctionner son imaginaire que la bête surgit des tréfonds de la crevasse en un éclair. Elle était immense, mais surtout, volante! Charlie n'en croyait pas ses yeux. Ses ailes déployées avaient une envergure absolument terrifiante, au même titre que son bec dont elle savait que si jamais elle s'en retrouvait prisonnière, c'était terminé pour elle. L'australienne suivait la bête des yeux tandis qu'elle faisait de grands cercles au dessus d'eux tel un vautour. A la différence près qu'elle ne semblait pas vouloir attendre qu'un autre les achèves pour se nourrir de leurs restes.

Si Adam ne l'avait pas poussée, elle aurait surement mit plus de temps à réagir. Et ce laps de temps lui aurait peut-être été fatal, puisque à la seconde ou ils se mirent à courir, le monstre ailé vola bien plus bas, les pourchassant hargneusement tout en faisant claquer son bec. Charlie courrait si vite qu'elle se demandait lequel de son coeur ou de ses jambes lâcherait en premier. La jeune femme suivait de son mieux Adam, mais au bout d'un moment une belle distance s'installa entre eux. Pour autant, elle n'en perdait pas son courage et poursuivait sa course, haletante, avec l'impression qu'elle ne s'en sortirait jamais. Surtout, ne pas céder à la panique.

Plusieurs fois la bête fit des piquets vers le sol, manquant de peu de toucher l'australienne avec ses pattes crochues. C'était un interminable cauchemar, mais il ne fallait pas perdre espoir. Peut-être qu'une fois ces arbres atteint, tout là bas, ils seraient hors de sa portée? Peut-être que ça suffirait à décourager l'ombre angoissante qui les menaçait?

Ne pas céder à la panique. Continuer à courir. Ne pas se retourner. Respirer. Continuer.

Jusqu'à ce qu'elle sente une douleur sans nom au niveau de son épaule. Elle n'eut pas le temps de crier et se fit projeter en avant, faisant une sorte de vol plané dans la caillasse. Charlie était au sol. Un cri de terreur se coinça dans sa gorge. Les serres de la bête s'étaient refermées sur son épaule droite, lacérant ses chaires pour lui laisser trois profondes entailles.
Alors quoi, c'était ça son destin? Survivre à tant d'épreuves, retrouver un être cher disparu depuis des années, et finir en casse croûte pour oiseau?

Si Charlie n'avait pas pu crié lorsque les serres de la bête avaient gravement mordu son épaule, trop surprise et choquée, lorsqu'il se rua sur elle en profitant de sa chute, elle hurla de terreur. Incapable de faire quoi que ce soit pour se défendre, la bête l'immobilisa de tout son poids, la menaçant avec son bec pointé droit sur sa tête. Elle vit bien la lance d'Adam raser sa crête pour aller se planter plus loin et cet échec aggrava encore plus à sa peur. Les yeux ronds, rivés sur son assaillant, Charlotte avait du mal à respirer.
Le dinosaure volant, dont la colère avait été décuplée par la tentative avortée d'Adam pour l'abattre, resserra son emprise sur la jeune femme qui ne pouvait même pas se débattre, transpercée de douleur. Il avait repositionné ses pattes de telle sorte qu'elles englobaient tout son buste et se plantaient désormais dans son dos, pour une meilleure prise, ce qui lui arracha un nouveau cri de douleur. Elle eu tout juste le temps de réaliser ce qu'il allait faire d'elle que le monstre s'envola dans un élan maîtrisé, l'emportant avec elle dans les airs. De là haut, elle comprit où il l'emmenait : dans la crevasse qu'ils avaient contourné un peu plus tôt. Et la profondeur de celui ci était vertigineuse. Si elle se faisait entraîner là dedans, c'en était fini d'elle, aucun doute la dessus.

Mais c'était sans compter la détermination d'Adam qu'elle voyait courir vers eux. Tout n'était pas perdu. Elle le savait, il se battrait jusqu'au bout pour la sauver. La flèche qu'il réussi à tirer déstabilisa la bête qui changea bien malgré lui de trajectoire, sans pour autant s'arrêter. Ses battements d'ailes se firent plus lent, mais ça ne fit que l'enrager davantage. Elle senti la pointe des griffes de l'animal s'enfoncer encore plus dans son dos. Puis sans réfléchir, parce que sa vie en dépendait et qu'elle ne pouvait rien faire d'autre, Charlie se mit à mordre à pleines dents dans la patte de la bête, si fort qu'elle aurait juré qu'elle était entrain de se les briser. Le sang coula dans sa bouche sans qu'elle sache s'il lui appartenait ou non. Durant de longues secondes qui lui parurent des heures, elle luttait contre sa propre douleur pour lui infliger celle-ci. Elle mordit si fort qu'il finit par la lâcher avec cette patte, poussant un cri à son tour. A présent, seul son bassin était maintenu par ses serres, le reste de son corps pendait au dessus du vide. La douleur qui s'ensuivit était terrible. Cette position étirait ses plaies et Charlie sentait le sang couler le long de son dos, jusque dans sa nuque. Cette bête était tenace, mais elle aussi n'était pas prête à se laisser dévorer vivante sans rien tenter. Elle préférait encore s'écraser au sol! Alors elle agita ses jambes autant qu'elle le pu. Encore et encore, espérant qu'un miracle se produise.

Incapable de se redresser pour tenter de le mordre à nouveau, elle ne pouvait qu'observer la scène en priant pour sa vie. Et ses prièrent furent exaucées. Une nouvelle flèche fusa dans les airs pour se planter tout droit dans la hanche de l'animal. Cette fois, c'était fait. D'un coup, pris d'une douleur très certainement fulgurante, ses serres s'ouvrirent et Charlie tomba droit vers le sol. Une chute qui lui sembla durer une éternité. Au moins, elle ne finirait pas étripée par le bec de ce monstre volant! Et au dernier moment, alors qu'elle était préparée à ce que son corps frappe le sol et à ressentir une ultime douleur, Charlie senti quelque chose sous elle. C'était Adam, évidemment. Il venait de la rattraper au vol et tous les deux tombèrent à la renverse sous le poids de la jeune femme littéralement tombée du ciel. Elle qui attendait un miracle, eh bien il avait toujours été là. Charlie eu de la peine à retrouver son souffle et était à deux doigts de tourner de l'oeil. Entre sa chute vertigineuse et ses blessures, rien d'étonnant.

"Ca va. Une vraie saloperie, hein?"

Elle articulait difficilement. Ses yeux étaient larmoyants et elle affichait un étrange sourire sur ses lèvres ensanglantées. Sourire qui n'avait rien de rassurant à vrai dire, bien au contraire, puisque teinté d'une sorte de folie, d'une irationnalité ou signifiant comme une demi-conscience. Une réponse qui fut aussi étrange que la question d'Adam, pour le moins que l'on puisse dire. Car en toute objectivité, elle était loin d'aller bien. Elle était en vie, certes, mais traumatisée pour un bout de temps et surtout blessée. Dans son dos, les bras d'Adam appuyaient sur ses plaies, fines mais profondes, tandis que son épaule saignait encore un peu sous son t-shirt tranché. Il n'y avait plus trace de son sac, surement tombé à un moment ou un autre. Mais ça lui importait peu. En revanche, elle usa de ses forces pour porter sa main à son cou et ne se trouva soulagée que lorsqu'elle senti le métal froid sous ses doigts. Son collier était toujours bien en place.

"J'peux avoir de l'eau?"

Le goût dans sa bouche était absolument immonde, tant qu'elle en aurait presque vomi. Une préoccupation qui pouvait paraître tout à fait secondaire d'un point de vue extérieur, mais Charlie ne sentait plus très bien le reste de son corps. Elle pouvait dire merci aux endorphines... ou à une perte de sang conséquente. En tout cas, ses plaies semblaient ne plus saigner tant que ça malgré leur gravité. Une chance. Car ça n'était ni le lieu ni le moment de se vider de son sang!

Charlie ferma les yeux un instant, se laissant emporter par Adam qui ne vacillait pas malgré sa propre fatigue et l'horreur de la situation. Tout ça devait lui rappeler bien de mauvais souvenirs, se dit-elle. Mais il gardait la tête froide et sa priorité était d'abord de se mettre à l'abri, loin de la crevasse et surtout, hors de portée du volatile si toutefois lui prenait l'envie de revenir pour terminer le travail. Heureusement pour eux, dans leur malheur, la nuit n'était pas encore totalement tombée et la faible luminosité leur avait permis d'y voir suffisamment pour échapper _plus ou moins_ à leur prédateur. Dans le noir, les choses auraient surement été bien différentes et l'issue surement beaucoup plus funeste.

Une fois en sécurité, hors de portée du monstre, il l'a déposa au sol avec précaution. Charlie attrapa volontiers la gourde et se rinça la bouche plusieurs fois, crachant un mélange rougeâtre. Ce sang là n'était pas le sien. Elle essuya également d'un revers de la main celui qui avait eu le temps de sécher au coin autour de ses lèvres et enfin, lorsqu'elle fut enfin débarrassée de cet étrange goût, elle bu quelques précieuses gorgées.

L'australienne ne broncha pas lorsque son ami s'approcha d'elle avec la fiole de désinfectant. Après tout, elle n'était plus à ça près. Tout en se demandant comment elle trouvait encore la force de bouger, elle prit sur elle de s'asseoir afin qu'Adam puisse imbiber de liquide les plus profondes de ses plaies qui étaient aussi les moins étendues. Sur son épaule en revanche, c'était une autre affaire. Les serres de l'animal avaient tranché ses chaires, laissant trois longues et larges entailles bien distinctes sur sa peau. Etant donné leur taille, l'infection était  à craindre.

"Je peux dormir maintenant?" demanda t elle, les yeux déjà mi clos.

Toutes les émotions étaient retombées d'un coup, laissant Charlotte exténuée. Elle ne pu attendre de réponse à sa question presque enfantine et s'allongea à même le sol, sur le côté gauche histoire de laisser ses plaies respirer. Elle dormait déjà.

Et son réveil ne tarda pas, synchronisé avec le levé du soleil. Elle resta un moment allongée, osant à peine ouvrir les yeux. Les souvenirs de la veille lui revenaient, les douleurs avec. Elle aurait tant aimé avoir rêvé tout ça, mais non. Ses blessures étaient bien là. Charlie se redressa difficilement, engourdie par une position qui n'avait été agréable que pour son épaule meurtrie. Cette fois, la jeune femme ne put s'étirer, ayant déjà de la peine à s'asseoir.

Elle mit un certain temps à reprendre ses esprits, mais lorsque ce fut le cas, elle constata avec étonnement le bandage sur son épaule. Il avait tout prévu. Heureusement pour elle, car sans ce bandage, dieu sait quel genre de bactéries préhistorique à tête de dino aurait pu se faufiler dans ses plaies! Adam avait veillé sur elle toute la nuit, une fois de plus, et la fatigue se lisait aisément sur son visage. Il était urgent de trouver refuge quelque part, à la taverne ou ailleurs.

"Même pas mal."

Comment pouvait-on faire de l'humour dans une pareille situation? C'était une manière comme une autre de dédramatiser mais aussi de se donner du courage pour ce qu'elle allait entreprendre : se lever. Charlie poussa sur ses jambes et s'aida d'un arbre pour prendre appui. Son bras droit étant hors service et la douleur sur son dos était supportable uniquement lorsqu'il était droit. Première épreuve de la journée réussi, non sans des grimaces plus qu'éloquentes. La brune tenait debout.

"On y va?"

Malgré son état, elle était toujours déterminée à continuer. De toute manière, ils n'avaient pas le choix. Il fallait avancer, pas question de faire demi-tour. Et surtout, elle n'avait pas manqué de mourir pour rien! Charlie tentait du mieux qu'elle le pouvait de rester positive, même si à ce stade, c'était relativement compliqué. Sans compter le traumatisme qui accompagnait le tout. Quoi qu'il en soit, elle était en vie et elle pouvait marcher. Alors, tout allait pour le mieux, non? Surtout, ne pas trop réfléchir et foncer. C'est ce qu'elle avait toujours fait.

Dans les pires situations, l'humain pouvait parfois se montrer imaginatif. Il fallait surmonter les épreuves de la vie, aussi cruelles soient elles et pour ça l'humour était souvent un bon allier, même à faible dose. Pour Charlie, c'était un moyen de faire face, de dédramatiser son état de santé plus que limite. Elle allait devoir faire avec, quoi qu'il arrive. Adam semblait vouloir la suivre dans cette voie. C'est ce que lui disait ce sourire, en tout cas. Ce qui ne l'empêchait pas de garder son sérieux habituel, n'oubliant pas de veiller à ce qu'elle prenne des forces. Lorsqu'elle eu mangé et bu un peu, Charlie senti que le brouillard qui envahissait son esprit se dissipait. Depuis la veille, son cerveau avait décidé de la plonger dans une sorte de flou émotionnel afin qu'elle ne cède pas à la peur ou au désespoir. Et manifestement, ça avait fonctionné.

Lorsqu'elle commença à vouloir se lever, Adam se précipita vers elle, prêt à l'aider si besoin. Mais Charlie tenait à se débrouiller seule. Si elle ne parvenait pas à se relever, alors marcher serait mission impossible et elle ne voulait pas alourdir le fardeau qu'elle représentait déjà pour son ami. Il fallait qu'elle assume sa décision. Si elle en était là aujourd'hui, ça n'était que de sa faute. Adam en faisait déjà bien assez pour elle, il n'allait pas en plus lui servir de béquille.
Charlie ne posa pas de question à Adam sur ce qui les attendait, plus loin. Encore une fois, elle préférait ne pas savoir, pour ne pas appréhender. Il se passerait ce qu'il devait se passer et avoir peur n'y changerait rien. Le trajet reprit donc pour les deux voyageurs. Si les courbatures étaient désagréables, ça n'était rien en comparaison de ses plaies qui persistaient à la faire souffrir, en dépit des soins apportés par Adam. De son côté, Adam semblait à bout de force. Pour tous les deux, c'était le mental qui les faisait avancer. Il ne restait plus qu'à espérer ne pas rencontrer d'autres difficultés jusqu'à la Taverne. Le soleil ne leur faisait pas de cadeau non plus et ça se voyait à leur front en sueur ainsi qu'à leur cadence qui n'avait plus grand chose à voir avec celle des premiers temps.

Le soir arriva enfin et Charlie se dit que sa bonne étoile avait reprit du service. Rien ne leur était arrivé cette journée. La seule chose qui les inquiétait, c'était l'eau. Même s'ils n'étaient plus très loin de leur but, il n'en restait pas moins que dans leur état et sous une telle chaleur, l'eau était plus qu'indispensable à leur organisme déjà malmené.

"Non ça, ira."

Si elle avait été seule, Charlie n'aurait pas hésité un instant. Mais après tout ce qui leur était arrivé, on était jamais trop prudent. Adam n'était pas à l'abri d'une blessure, lui non plus. Surtout fatigué comme il était. Tomber bêtement, se couper sur la pointe de sa lance par mégarde, c'était bien vite arrivé. Surement pas en temps normal, mais les temps étaient justement loin de l'être.

"On y arrivera."

Dans la voix de Charlie se lisait parfaitement sa détermination. Pourtant, ces paroles avaient également pour but de la rassurer, comme si elle tentait de s'auto persuader de ce fait qui n'en était pas un du tout. Elle espérait du fond de son coeur qu'ils se sortiraient indemnes de cette aventure. Surtout lui. Car après tout, c'était elle qui avait chamboulé sa vie en arrivant au château.