[Terminé] En route vers l'inconnu - Xyria

Accepter... Accepter, c'était un bien grand mot. Surtout pour une jeune femme telle que Charlotte Nelson. Au fil des jours et de ses rencontres, des discussions qu'elle avait pu avoir avec bon nombres de personnes, l'idée selon laquelle elle était bloquée ici avait fait son petit bonhomme de chemin, sans qu'elle parvienne à l'admettre. Et puis finalement, ça lui était tombé dessus. Elle n'avait pas pu faire autrement que de voir la vérité en face. Dure vérité qu'elle avait remisé dans un coin de son esprit, gardant ainsi colère, peine, et tout autre sentiment envahissant pouvant potentiellement la détourner de son objectif premier. Au mieux donc, elle l'avait comprit. Mais certainement pas accepté. Comment le pouvait-on d'ailleurs? Chaque matin, elle espérait encore se réveiller se ce cauchemar. Charlie s'efforça de ne pas perde pied et son sourire s’effaça malgré elle.

"Hm..."

Voilà ce qu'elle accorda à Xyria. Certes, comme elle l'avait bien cerné, Charlie était quelqu'un qui s'adaptait vite, ou du moins en apparence. Au fond d'elle, ça n'était pas le calme plat et la sérénité qui régnaient, loin de là. Derrière le masque, un océan furieux était retenu tant bien que mal, débordant parfois par soubresauts bouillonnants, comme lorsque cette pauvre Iva Dalahan avait dit le mot de trop. Heureusement, la vieille femme en avait vu d'autres et avait su trouver les mots pour la calmer, mais ça n'était pas le cas de tous...
C'est aussi pour le meilleur que Xyria accepta de dévier le sujet de leur petit conversation. L'oeil de Charlie retrouva un peu de son éclat, décidant enfin de quitter le sol boueux pour se fixer devant elle, marquant ainsi son intérêt. Si ces bête sanguinaires lui avaient filé la chaire de poule juste en lisant quelques lignes à leur sujet, l'histoire que lui comptait sa guide du jour faisait battre son
coeur un peu plus vite, avant qu'elle ne lui assure qu'elles n'étaient pas sur leur territoire. Un soupire de soulagement quitta ses lèvres charnues alors qu'elle sentait ses muscles se détendre un peu et son rythme cardiaque suivre la cadence habituelle. Soudainement, elle ne voyait plus les racines traîtres et les arbres _cachant potentiellement des prédateurs_ du même oeil.

"Oh... je suis soulagée d'entendre ça! Au temple, j'ai pu lire quelques trucs à leur sujet et ça m'a valu quelques insomnies d'ailleurs. Mais s'il n'y en a pas dans le coin, tant mieux! Je tenais pas vraiment à les voir cela..."

... les autres non plus d'ailleurs.
Si ces carnivores étaient redoutables, Charlie n'oubliait pas ces petites bestioles qui l'avait attaquée un peu plus tôt dans la journée et qui, sans l'héroïsme de Xyria, auraient fini par la dévorer morceau par morceau, dans la plus grande souffrance. Pourtant, elle préféra laisser cette pensée de côté. Comme on dit, la peur n'évite pas le danger.

"Donc j'imagine qu'ici on ne devrait croiser que des dinosaures de petite taille... c'est ça?"

Une idée, complètement sortie de nulle part et certainement saugrenue, vint à l'esprit de l'astucieuse Charlie.

"Dis... je me demande... les dino... euh, enfin je veux dire... Vous êtes sensibles au bruit? Enfin... est-ce qu'un bruit assez aigu pourrait faire fuir les prédateurs?"

Les confidences de Xyria eurent le dont d'attiser la sympathie de l'australienne. L'aperçu qu'elle avait eu de la société dinotopienne l'inspirait. Cette bienveillance, ce respect, voilà des valeurs chères à son coeur. Et pourtant, les individus restent uniques, avec leur passé, leurs pensées, leur personnalité. Charlie ne voyait pas d'un mauvais oeil les âmes divergentes, bien au contraire. Pour elle, cela signifiait simplement que la personne pouvait penser par elle-même, et en l'occurrence, pour Xyria, cela traduisait une certaine humanité.

"Je comprend. Je ne sais pas grand chose de cette île, mais d'ici quelques temps, je suis sûre que la liste des choses que je déteste sera au moins aussi longue que moi."

Charlotte Nelson était une personne tolérante, bienveillante et ouverte. Mais elle savait que sa vie ici serait difficile. Elle savait aussi qu'elle finirait bien par tous les maudire. Ainsi penserait l'esprit libre une fois confronté à la dure réalité qu'elle mettait de côté, pour l'instant.

"Oh... je vois."

Dommage. Son idée de sifflet lui plaisait bien, pourtant. A l'image des chiens que l'on peut appeler avec un ultrason bien précis, elle s'était imaginée que peut-être, le contraire aurait été possible avec les prédateurs. Trimbaler un sifflet, c'était facile. Mais des boules puantes, comme Xyria, ça n'avait rien d'évident. Et puis encore fallait-il savoir les fabriquer.

"Et comment on fabrique des... des boules puantes?"

Elle se voyait déjà plonger les doigts dans des trucs pas franchement ragoutants et malaxer une pâte faite d'insectes écrasés et de boue répugnante. Soit, s'il fallait ça pour repousser ces monstres, alors elle ne jouerait pas les précieuses.

Evidemment, Xyria ne manqua pas l'immense perche que l'australienne venait de lui tendre, et si elle n'avait pas tourné la tête vers elle en ricanant bêtement, elle aurait pu croire qu'elle était en présence d'un humain. Charlie venait de découvrir que comme eux, les dinosaures avaient le sens de l'humour... ce qui pesait lourd dans la balance quant à savoir comment les considérer. Xyria ne le savait pas, mais elle venait de planter la graine qui, à mesure qu'elle grandirait, finirait de convaincre Charlie de les considérer comme son égale.

"Oh, je ne le prend pas mal. Dinosaure ou pas, je suis petite. C'est pas la première fois qu'on me vanne à ce sujet."

Pour ce qui était de se moquer de sa taille _et de bien d'autres choses encore_ ses frères s'en étaient chargés. Si bien qu'aujourd'hui, aucune plaisanterie sur son physique ne pouvait l'atteindre. Ils lui avait tout fait. La taille, les tâches de rousseur, sa tignasse rebelle du matin, la forme de ses orteils... Alors quoi que puisse dire Xyria Charlotte le prendrait à la rigolade, comme elle avait apprit à le faire.

Lorsque Xyria sorti une boulette herbeuse de sa sacoche, elle reçu toute l'attention de Charlie. Enfin quelque chose de concret qu'elle pourrait expérimenter par elle même et qui avait déjà fait ses preuves. Rien à voir avec le savoir purement théorique qu'elle avait apprit dans les livres, ces derniers temps. Et ça lui plaisait bien plus.

"Ce serait super! Merci." lâcha t elle sans cacher son enthousiasme.

Pour ce qui était de la flore de l'île, Charlie n'avait pas franchement eu le temps de s'y intéresser bien que ce soit son domaine de prédilection. Elle avait bien cru reconnaître une ou deux plantes familières sur le chemin, mais ça s'arrêtait là. Alors forcément, la fleuriste en elle était plus qu’intéressée par le sujet, surtout si ça pouvait l'aider à échapper aux carnivores qui peuplaient les marais et bien d'autres régions de Dinotopia. La brune leva le nez vers le ciel un instant pour s'informer du parcours du soleil. Elle ne savait pas combien de temps il leur restait avant que celui ci ne disparaisse, mais ça devait représenter quelques heures, tout au plus. Enfin, d'après elle. Et Charlie en avait conscience, elle était loin d'être une experte.

Elle était gentille, cette Xyria. C'est ce que Charlie pouvait conclure, après que dans une longue tirade, elle lui ai assurée qu'elle ne la trouvait pas si petite. Mais du haut de son petit mètres cinquante huit, la jeune femme se savait plus proche des pâquerettes que des nuages. Pour autant, elle voulait bien croire que sur l'île et dans certaines circonstances, sa taille pour bien être un avantage. Surtout du point de vue d'un dinosaure.

Prenant note des informations que Xyria lui donnait au gré de leurs trouvailles sur le chemin emprunté, Charlie restait dans un mutisme attentif et concentré. Tout ce qui concernait les végétaux entrait dans sa tête et n'en sortirait plus ensuite. Les végétaux et leurs caractéristiques, voilà qui serait bien utile. Excepté peut-être cette fameuse plante qui attire les insectes... en dehors de la confection de boules puantes, évidemment. Qui avait envie de se retrouver nez à nez avec une nuée de bestioles à pattes? Pas Charlie, en tout cas.

Le soleil fini par entamer sa décente et le dilemme fut posé. Un dilemme qui n'en était pas vraiment un, puisque malgré leur longue conversation, la jeune femme n'en perdait pas de vue son objectif : arriver au plus vite chez les Outsiders. De fait, elle ne pouvait envisager de rebrousser chemin, même si ça signifiait qu'elles devraient marcher encore un peu, voir longtemps, potentiellement dans la nuit noire, à la recherche d'un endroit où dormir enfin. Faisant abstraction de ses pieds douloureux, Charlie accéléra son pas.

"On continu."

En parlant de douleur, elle fut surprise de constater que sa blessure au mollet ne lui faisait plus mal du tout. En fait, elle soupçonnait même les soins prodigués par la gallimimus d'être un poil anesthésiants.

Certes, la jeune femme était du genre bille en tête, mais elle n'avait même pas songé à cette possibilité et le fait que Xyria s'emballe à ce sujet confirma ses pensées à son sujet. En plus d'avoir son petit caractère, elle était bienveillante, comme tous les autres dinotopiens qui avaient croisé son chemin.

"Non, non! T'en fais pas. J'aimerais bien arriver vivante là-bas, de préférence."

Comme le disait si bien Xyria, les nuits sur l'île étaient sans doute bien plus dangereuses que lorsque le soleil rayonne. Là, elles n'y voyaient pas et sans doute les prédateurs se ferraient une joie de les cueillir, aussi facilement qu'on ramasse des fraises. Sans compter le fait qu'elles se trouvaient dans un marais et que le relief n'avait rien d'anodin. Charlie pensait encore aux sables mouvants et n'avait aucune envie de se faire engloutir.
Sans parler des dangers, surement nombreux, la brune voulait arriver en forme chez les Outsiders. Là-bas, elle le savait, elle aurait besoin de toutes ses capacités, motrices ou intellectuelles. Il fallait absolument qu'elle garde la tête froide et pour ça, elle devait se reposer, même quelques heures.

Alors que le duo marchait à vive allure, Charlie observait les alentours à la recherche d'un lieu inspirant pour y passer la nuit. Mais pour le moment, à part des buissons épineux, de vieux arbres tordus et quelques souches pleines d'insectes, rien. Le soleil continuait sa décente, menaçant. Bien que la situation ai toutes les raisons de stresser l'australienne, il n'en était rien. Elle continuait à avancer, sans trop réfléchir. A vrai dire, initialement, elle s'était préparée à passer la nuit seule. Elle s'était déjà imaginée grimper dans un arbre, ou se planquer dans les fourrés, incapable de fermer l'oeil à cause des bruits suspects, des bruissements de feuilles ou des cris lointains appartenant à des animaux dont elle ignorait l'existence. Une nuit effrayante. Alors avec Xyria à ses côtés, Charlie n'avait pas de raison d'avoir peur.

Xyria semblait on ne peut plus soulagée de la réaction de Charlie et le sourire qu'elle lui adressa était contagieux. Elle se trompait sur son compte, au moins en partie. Si pour cette situation bien particulière, Charlotte s'était montrée raisonnable, il n'en allait pas de même la plupart du temps. En effet, l'australienne n'avait généralement pas froid aux yeux, pas qu'elle soit spécialement attirée par le danger, mais disons qu'elle ne le mesurait tout simplement pas. En revanche, sur cette île, elle devait se montrer prudente. Il en allait de sa survie.

Une grotte. Voilà ce qui allait leur servir d'abri pour la nuit. Charlie haussa les épaules. Ca n'était pas un trois étoiles, mais elle n'allait pas faire la difficile. Au contraire, elle s'en réjouissait même. Toute seule, elle n'aurait surement jamais trouvé cette caverne et aurait passé la nuit à la belle étoile. Proie parfaite pour tout un tas de prédateurs qui auraient certainement été ravis de tomber sur cette belle pièce de chaire fraîche servie sur un plateau d'argent.

"J'ai ce qu'il faut, t'inquiètes pas."

Et elle extirpa un petit plaid de son sac bricolé avec un drap. Ce petit passage au Temple, en plus de lui avoir permis de se ressaisir et de se reposer avant le grand départ, lui avait aussi permis de se préparer. Avant de partir, elle avait chapardé quelques affaires à droite à gauche. Le plaid était fin et relativement petit. Elle n'avait pas eu le choix, puisqu'il fallait qu'il tienne dans son sac de fortune. Mais c'était mieux que rien et au moins elle ne mourrait pas de froid cette nuit. Charlie s'installa non loin de Xyria, histoire de ressentir une présence réconfortante et d'ainsi, trouver le sommeil. Elle n'aurait jamais cru qu'un dinosaure puisse la rassurer, et pourtant...

Tout comme elle, la brune forma une sorte de tapis de feuilles sur le sol et s'y allongea, emmitouflée dans son plaid et son sac lui servant d'oreiller. Ca n'était pas du luxe, mais c'était assez pour elle. Dans l'obscurité de la caverne, Charlie se tourna vers Xyria qu'elle distinguait à peine.

"Merci."

Ses muscles se relâchèrent et elle eu tout juste le temps de sentir la fatigue l'envahir avant que Morphée la trouve et l'emporte avec lui.

La nuit fut froide et humide. Malgré la fatigue intense qu'elle avait ressenti avant de s'endormir, elle se réveilla à plusieurs reprises, mais retrouva le sommeil à chaque fois, rassurée par la proximité de Xyria. Pour sûr, si la gallimimus n'avait pas été là, Charlie n'aurait sans doute pas fermé l'oeil _sans parler du fait que déjà, elle serait surement morte dévorée ou engloutie dans les sables mouvants et que donc la question de trouver le sommeil ne se serait même pas posée_.

Après un rêve/cauchemar des plus étranges avec comme principaux personnages, ces petites créatures qui lui avaient mordillé le mollet, Charlie quitta définitivement son oreiller. Le soleil diffusait tout juste ses premiers rayons de soleils, si bien qu'au fond de la grotte, l'australienne distinguait à peine le contour de sa plaie qu'elle examinait avec attention. Elle était saine, ne lui faisait presque plus mal et en bonne voie pour guérir, pas de doute la dessus. Mais une belle cicatrice ornerait sa peau hâlée, ça ne faisait aucun doute. Un bref regard vers Xyria, toujours assoupie, lui rappela la chance insolente qu'elle avait eu depuis son départ du temple.

Après avoir rassemblé ses affaires, Charlie piocha une pomme dans son sac et commença à manger, adossée contre les parois de la caverne qui les avait abrité, tout en attendant que son acolyte émerge. Elle était prête à partir, oui. A vrai dire, l'idée de déguerpir avant que Xyria ne se réveille lui avait traversé l'esprit. Ne lui avait-elle pas prit suffisamment de son temps comme ça?

Le regard perdu dans l'entrée de la caverne où le paysage apparaissait lentement, au rythme du levé de soleil, Charlie croquait distraitement dans son fruit. Son esprit vagabondait entre les souvenirs d'une vie qui semblait déjà si lointaine et celle qui l'attendait, ici. Elle réalisait à quel point les prochaines heures seraient déterminantes, dans celle-ci. On lui avait raconté tant de choses  au sujet des Outsiders... Pourtant, elle n'avait pas peur d'eux. Non, la seule chose qui l'inquiétait vraiment, c'était de ne trouver personne, une fois là-bas. Ni ses parents, ni ses frères. Alors... que pourrait-elle bien faire? Heureusement, Xyria la tira de ses pensées et Charlie préféra de loin reporter son attention sur elle.

"Oui, oui... et toi?"

Malgré sa bonne volonté, Charlotte avait du mal à chasser ses pensées parasites. Beaucoup de sentiments se bousculaient en elle, si bien qu'elle était tout bonnement incapable de les différencier les uns des autres. L'inquiétude, l'excitation, l'espoir, l'angoisse... autant d'émotions qui s'entremêlaient maladroitement et qui perturbait l'australienne. Après avoir terminé sa pomme, elle bu une grande rasade d'eau et se lava très succinctement le visage. La jeune femme passa une main dans ses cheveux, ôtant quelques feuilles qui s'y étaient agrippées durant la nuit. Pour ce qui était de remettre de l'ordre dans ses boucles en revanche, elle n'essaya même pas.

"Prête?"

En réalité, elle n'avait qu'une idée en tête : arriver au château le plus vite possible. A quelle sauce serait-elle mangée, une fois là-bas? Elle n'en avait aucune idée et mieux valait ne pas y penser. C'était presque une devise, chez Charlie.

Pour ce qui était de dormir n'importe où, Charlie était surement la reine pour son espèce tout du moins. Elle ne comptait plus le nombre de soirées où elle s'était endormie sur la table basse ou bien directement par terre parce qu'il n'y avait plus de lit disponible ni quoi que ce soit qui s'y apparente. Des nuits dont on s'étonnait toujours qu'elle revienne en pleine forme alors que d'autres, en plus d'hériter d'une belle gueule de bois, s'en tiraient avec des mal de dos, et que sais-je encore. Pour Charlie, dormir n'était jamais un problème. En revanche, pour la réveiller, c'était une autre affaire. L'australienne avait un sommeil de plomb, comme on dit, et ça n'était pas franchement un avantage lorsqu'on décidait de partir à l'aventure sur une île infestée de dinosaures...

Son sac en bandoulière vissé sur son épaule, Charlie emboîta le pas à Xyria, pensive, tout en essayant de répondre à son clin d'oeil par un sourire qu'elle aurait voulu plus franc. Habituellement, ça faisait parti de ses talents : sourire quand tout va mal, cacher sa peine, ses angoisses, se montrer sous son plus beau jour aux autres en attendant que ça passe. Mais depuis le crash de leur avion, elle n'arrivait pas à agir comme autrefois. C'était beaucoup trop pour elle. Elle avait le coeur lourd et elle avait beau essayer de garder la tête froide, Charlie ne pouvait pas faire comme si tout allait pour le mieux car en réalité, elle vivait son pire cauchemar. Et la question de Xyria, qui pour une naïve comme elle semblait parfaitement innocente, ne l'aida pas vraiment à rester positive comme elle s'efforçait de l'être. La brune ne savait pas très bien quoi faire, en réalité. Depuis tout ce temps, elle était refusée à parler d'eux de peur de faillir. Elle savait parfaitement qu'en pensant trop à eux, les sentiments parasites prendraient le dessus et elle n'avait qu'une crainte : que la douleur la paralyse. Et d'un autre côté, elle sentait ce sourire naître au coin de ses lèvres, sincère celui là. Alors elle s'accorda quelques mots. Pas plus.

"Mes parents sont des êtres d'amour et de bienveillance. Et mes frères... on se ressemble beaucoup."

En sentant son nez la picoter dans un avertissement, elle abrégea et se stoppa net. Un long moment passa avant que Charlie n'ose ouvrir de nouveau la bouche.

"Et toi?"

Si la jeune femme était de nature curieuse, pour cette fois, il s'agissait plutôt de la distraire. Une manière de tourner ses pensées vers autre chose, de ne plus penser à ceux qu'elle avait perdu pour rester maître d'elle-même. Il lui restait du chemin à parcourir avant d'arriver chez les Outsiders, et elle comptait bien y parvenir.

Si l'australienne devait décrire Xyria en un seul mot, bavarde serait le premier adjectif qui lui viendrait en tête. Et heureusement pour elle d'ailleurs. Car grâce à son monologue, les pensées négatives quittèrent bien vite son esprit. A mesure qu'elle parlait de sa famille, l'atmosphère s'allégeait et Charlotte parvint à faire renaître de ses cendres ce sourire qui lui allait si bien. Un masque qui cachait son humeur réelle aux yeux des autres, l'éloignant d'un même coup des questions fâcheuses et la forçant à se focaliser sur le moment présent.

Des jeux olympiques? Elle dû se forcer à contenir son étonnement pour ne pas couper la parole à Xyria, mais ses yeux ronds comme des billes en disaient long. A quoi pouvaient bien ressembler ce genre de compétition sportive, avec des dinosaures? Déjà, elle s'imaginait des épreuves mixtes dans lesquelles les capacités des uns et des autres seraient complémentaires, comme un triathlon en équipe par exemple. D'ailleurs... y avait-il des vélos sur cette île? Que de questions qu'elle remisa dans un coin de son esprit. Peut-être aurait-elle l'opportunité de les poser un jour, lorsque le moment s'y prêterait. Pour l'heure, elle préférait se concentrer sur sa destination, tout en laissant Xyria alléger un peu son coeur. Quoi que le passage sur son père n'avait rien de très léger. Charlie garda pour elle ses "je suis désolée" et autres phrases réchauffées que les gens sortaient pour se donner bonne figure. La brune trouvait ça si creux... Elle préféra faire comme Xyria, rester positive.

"Je suis sûre qu'il serait très fier. Tu sais, sans toi, je serais surement morte."

Cette idée la fit frissonner, mais il fallait se rendre à l'évidence : si Xyria n'avait pas été là pour la sortir d'affaire, elle ne serait plus de ce monde à l'heure qu'il est. En admettant qu'elle ai échappé à ces horribles mini dinos, les sables mouvants eux, ne lui auraient pas fait de cadeau. Quant à la promesse de la gallimimus, Charlie n'en doutait pas un seul instant. A ses côtés, elle se sentait en sécurité, ce qui relevait de l'exploit compte tenu de ses rapports avec les dinosaures depuis son arrivée sur l'île. Elle n'aurait su dire si c'était parce qu'elle finissait par s'y faire, ou bien si c'était juste un cas particulier, mais le résultat était là : elle avait confiance. Et ses valeurs, Charlie les trouvaient honorables, proches des siennes en sommes, même si elles n'avaient absolument pas la même vocation.

"Tu es quelqu'un de bien."

Sur ces paroles, la jeune femme pressa le pas, comme elle l'avait fait la veille lorsqu'il était temps de trouver refuge pour la nuit. Elle ignorait combien d'heures de marche il leur restait à faire exactement, mais à l'horizon, derrières les branches d'arbres tordues, elle cru apercevoir la silhouette sombre et terne d'un château. Son coeur se mit à battre un peu plus fort.

A vrai dire, si Charlie n'était pas sûre que ça la rende objectivement meilleure que les autres, elle s'étonnait elle-même de sa réaction face à Xyria. Jamais elle n'aurait imaginé faire causette avec un dino, et encore moins passer la nuit près de l'un d'eux tout en se sentant en sécurité. De forts progrès, si on comparait à sa première rencontre avec un de ces gros lézards... L'australienne ne mesurait pas encore très bien à quel point ici, ils étaient l'égal des humains, mais entre Mehen et Xyria, elle commençait doucement à le comprendre. Tout ça, leur existence, leur intelligence, ça semblait si... fantastique? Et pourtant, c'était difficile de ne pas y croire, surtout après cette blessure bien réelle sur son mollet.

Si l'évocation des sables mouvants calma les ardeurs de la jeune femme, l'exclamation de Xyria la stoppa net dans son élan. Figée, elle regardait tout autour d'elle pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. Etait-ce un rugissement qu'elles venaient d'entendre? Son acolyte le confirma en nommant le nom de celui qui en était l'émetteur. Et là, même si Charlie était de nature téméraire, elle n'avait aucune envie d'être son casse croûte. L'image du monstre surpuissant qu'elle avait vu à de nombreuses reprises au cinéma lui revint en tête et elle senti ses poils se hérisser sur sa peau.

Silencieuse? Très bien. Charlie hocha la tête et tenta de calmer son coeur qui cognait fort sa poitrine. Elle agrippa la lanière de son sac et se remit en route, tout en évitant soigneusement tous les branchages susceptibles de trahir leur présence. Elle ne savait pas très bien à quel point elles étaient proche de lui, mais elle préférait autant ne pas tenter le diable. D'ailleurs, elle garda pour elle toutes ses questions pour les mêmes raisons. Etaient-elles réellement en danger? Un gros bestiau comme lui avait-il réellement cure de deux si petites proies? Etait-il malin? Comme dans Jurassic park? Est-ce que comme pour les crocodiles, elles avaient espoir de le semer en zigzagant s'il les trouvait? Charlie fit de son mieux pour interrompre ce flux d'interrogations, histoire de se concentrer sur ce qui se passait autour d'elle. Mais plus elle y prêtait attention, plus elle avait la sensation d'être observée. Le sol semblait trembler. A moins que ça ne soit ses jambes qui lui fasse défaut.

Poursuivant leur marche silencieuse, toutes deux aux abois, prête à réagir. Pour ce qui était de la réaction de Charlie si jamais elle devenait la proie du t-rex, autant dire qu'elle ne comptait pas user d'un quelconque stratagème _de toute façon, son instinct le lui interdirait_ : elle prendrait ses jambes à son cou, en direction des bois les plus denses possibles. Tant pis pour les sables mouvants, tant pis pour l'affreuse horde de mini-dinos.

Mais pour l'heure, il ne s'agissait pas de fuir, mais bien de continuer sa route envers et contre tout. Même si la vision de la bête à la recherche de son déjeuner lui glaça le sang et la figea pour un bon moment. Il était affreux, pire que dans son imaginaire. Et bien plus gros aussi. Avec des dents pareilles, elle se ferait arracher la tête en un instant. Une machine à tuer, c'était plus qu'évident en voyant cette silhouette. Ainsi, tout un panel d’exécutions différentes s'offrait à elle, et son esprit fertile s'en donna à coeur joie. Charlie mit un certain temps avant de réussir à mettre de côté ses pensées horrifiques et revenir auprès de Xyria, sans toutefois quitter le chasseur des yeux. Elle fronça les sourcils lorsque la gallimimus exposa leurs options. Aucune d'elles ne lui convenait, c'était évident, mais il semblait qu'elles n'avait pas tellement le choix. En tout cas, faire demi-tour n'était absolument pas une option, encore moins rajouter une journée de marche. Alors Charlie s'essaya derrière un buisson, dépitée. Si elles ne pouvaient pas traverser cette plaine pour le moment, alors soit, elles attendraient. Quelque chose allait bien finir par attirer son attention, ailleurs. A travers le feuillage, la jeune femme fixait le prédateur, priant pour qu'il libère la voie le plus tôt possible.

"Y a pas moyen de faire diversion?" murmura t elle.