[Terminé] En Terres Sauvages (Pastel)

Mehen sortit subitement la tête de l'eau. Il était épuisé. Faut dire qu'un tour du côté du Récif de l'Effroi, ça n'avait rien d'un moment de détente. Il avait été agité par les courants, frappé par les vagues...Bien que tout ceci soit moins fort sous la surface, il fallait bien que le saurien remonte de temps en temps pour reprendre de grandes bouffés d'air. La pluie et les nuages noirs l'avaient menacé à chaque fois et les éclairs qui avaient régulièrement zébrés le ciel n'avaient rien eut de rassurant. C'était pourtant un quotidien pour de nombreux pilleurs d'épaves, et pour le parasaurolophus qui pouvait remercier le Dieu Ogthar d'être né hadrosaure pour pouvoir réussir ce genre d'exploit. -Quoi que s'il serait né cératopsien, il se serait bien trouvé une autre voie à suivre !-

Mehen nagea vers la côte, pressé de retrouver la terre ferme et se reposer enfin comme il se devait. Pour tout ce qui était aquatique, il avait beau avoir une endurance phénoménale, il avait également ses limites. Ses forces avaient été dévorés par le Récif de l'Effroi, mais il continuait de penser que ça en valait toujours la peine. Après tout, il fallait bien se rendre là où se trouvaient les épaves pour dénicher les trésors. En effet, le saurien n'était pas allé risqué sa vie pour le plaisir de l'adrénaline, loin de là. Il avait voulu explorer l'épave de l'avion qui avait amené la dernière Dolphinback en date, Charlotte Nelson, sur Dinotopia. Bien sûr, les pilleurs d'épaves étaient passés avant lui depuis un moment. Mais il n'était pas rare qu'ils soient passés à côté de bien des choses. C'était son avec son sac autour du cou que le dinosaure amphibie regagna le rivage. Cela faisait du bien de ne plus être dans la zone agitée de la mer. C'était encore mieux une fois qu'il sentit ses pattes toucher le fond.

Le reptile se hissa hors de l'eau, sur ses quatre pattes, complètement trempé. Il avança un peu sur le sable de la plage des Terres Blackwood et s'arrêta pour souffler un peu. Autant dire qu'il avait fait son sport de la semaine avec tout ça ! Mais il était satisfait. C'est alors qu'il se figea en entendant du mouvement dans les broussailles non loin de lui et se mit sur ses gardes. Pourvu que ce ne soit pas un carnivore. Après tout, en ce début de saison humide, le vent avait tendance à se lever sans crier gare. D'ailleurs les nuages dans le ciel promettaient une pluie pour bientôt. Mais pour le moment, le saurien resta immobile, attendant que le potentiel danger passe, avec un peu de chance.

Bien que Mehen avait l'habitude de l'exploration, il ne se rendait en terrain risqué que s'il n'avait vraiment pas le choix. Hélas, l'avion de Charlotte s'était écrasé sur la côte Est des Terres Blackwood. Un endroit pas très réputé pour sa sécurité ! Et Mehen était loin d'être un pro de la défense, bien qu'il n'hésite pas un seul instant à défendre sa vie en cas de nécessité. Mais bon, cerné de raptors ou face à un t-rex, le parasaurolophus n'aurait que peu de chance de survie. Il n'avait pas de cornes, pas de griffes. Généralement, il se battait à coup de pattes et de queue. Ce qu'il faisait aussi, c'était la fuite en milieu aqueux. Les carnivores le suivaient quasiment jamais dans l'eau. Et là, près de l'océan, le saurien avait son échappatoire.

Alors il attendit. Il attendit que, des broussailles, quoi que ce soit jaillisse. Il se tenait prêt à fuir à toutes pattes vers le ressac en cas de prédateurs trop imposants. Mais il était chanceux. Ce n'était rien de tout ça. Un visage familier surplombé d'un chapeau fit son apparition de derrière le taillis et Mehen souffla, aussitôt soulagé, alors que le gallimimus qui venait de surgir exprima son enthousiaste de le revoir. En effet, cela faisait bien longtemps. Si longtemps même que Mehen ne l'aurait sans doute pas reconnu sans son chapeau.

- Nom d'un raptor, lâcha-t-il, professeur ! Ce que vous êtes furtif. Je m'attendais à tout sauf à vous voir débarquer ici.

Le saurien se souvenait de cette fois où il avait rencontré Pastel Absolem pour la première fois, à l'académie de Waterfall City, alors qu'il avait été invité à donner une conférence sur le Monde Extérieur à tous ces charmants élèves. Ca les avait beaucoup intéressé d'ailleurs. A l'époque, Mehen n'avait pas autant d'assurance que maintenant mais il avait été fier d'avoir fait bonne impression malgré tout.

- Eh bien, je reviens d'un petit tour dans le Récif de l'Effroi, en quête d'artefacts humains pour agrandir les collections de mon musée. Et vous donc ?

Mehen ne se plaignait pas d'avoir été surpris par le gallimimus. C'était plutôt une bonne surprise. Il aurait pu tomber sur bien pire en ces lieux. Qui plus est, il s'agissait d'une vieille connaissance et il n'était pas mécontent de le retrouver. Même si c'était assez pittoresque que cela se passe dans un endroit pareil. A la réaction du parasaurolophus, Pastel y trouva quelque chose de comique. Non, en effet, le gallimimus n'avait pas cherché à faire dans la discrétion. Mais néanmoins, c'était l'effet que cela avait fait sur Mehen. Il faut dire qu'il n'en fallait pas beaucoup pour étonner ce dernier. Et puis, le gallimimus ne s'était pas non plus montré en fanfare après tout. Un bon saurien averti savait de toute manière qu'il ne fallait pas faire trop de remue-ménage en territoire ennemi. Mehen ne prenait pas mal la réaction de Pastel, il se contenta de sourire, bien conscient qu'il en faisait peut-être trop. A son tour, le gallimimus se mit à raconter ce qui l'amenait ici et, à vrai dire, ça surprenait un peu le jeune reptile.

- Vraiment ? Tout seul ? Sans escorte ? Pourtant, n'est-ce pas aux gardiens de gérer ce genre de choses ? Ca me semble un peu trop dangereux comme mission. Oh...Sans vouloir vous offenser bien sûr ! Je ne doute pas un seul instant de votre courage ou de votre agilité. Mais tout de même...

Bon, si c'était pour ses recherches, il était vrai qu'il se devait d'aller sur le terrain. Mais quand même, tout seul comme ça ? Il aurait pu demander justement à ce qu'un skybax ou autre ne l'accompagne pour éviter les dégâts. C'est qu'on ne plaisantait pas avec les raptors. Et un rugissement non loin de là ne fit que confirmer les pensées du parasaurolophus.

- Je le suis toujours, je vous l'assure. Ce n'est pas la première fois que je m'éloigne autant des zones sécurisées. Je m'en passerais bien mais bon, il faut aller là où se trouve les épaves après tout.

Les carnivores venaient heureusement assez rarement près des côtes. Il n'y avait rien pour eux à part de l'eau et du sable. S'ils voulaient trouver des proies, ils avaient plus de chances en forêt ou plaine.

Il était vrai que Mehen ne faisait pas mieux que Pastel de ce côté là. Après tout, lui-même se rendait seul en zone dangereuse sans se faire escorter. Cette imprudence n'était pas la bienvenue mais bon. Le parasaurolophus n'avait pas envie de déranger les gardiens juste parce qu'il avait envie d'aller fouiller les épaves au fond de l'eau. Jusqu'à présent, il s'en était toujours bien sortit, alors pourquoi changer ? Il avait l'habitude de ce genre d'exploration. Il connaissait les risques et savait s'en tirer. Mais à part ça, il était vrai que s'il n'était question que de recherches, ça ne devrait pas trop intéresser les gardiens. Et même si Pastel ne le mentionna pas tout haut, Mehen était d'accord avec les pensées du gallimimus : tout seul, on était plus discret. Pour simplement étudier, c'était appréciable.

- Je comprends, répondit le saurien, je ne doute pas de vos connaissances qui vous permettent de savoir vous en sortir dans les environnements hostiles.

Il n'empêche qu'en cas de problème, ce n'était pas ses connaissances qui pourront le tirer des griffes des prédateurs. Mieux valait prévenir que guérir et simplement ne pas se faire repérer. Mehen avait la même préférence pour agir : la discrétion avant tout. Et le fait qu'il ne s'éloignait presque jamais des points d'eau afin de pouvoir fuir facilement. Le jeune saurien était plus rapide à la nage qu'à la course.

- Quelques bricoles oui, répondit le reptile en souriant et suivant Pastel des yeux, avec un grand besoin de restauration.

Il agita son sac à son cou pour appuyer ses mots avant d'ajouter :

- Et vous ? Vous avez des allosaures, certes, mais pas d'Utharaptor ?

Tout comme Pastel, Mehen avait toujours accordé plus d'importance au savoir qu'à...qu'à autre chose en vérité. Pourtant, il avait touché à bien des domaines au cours de sa vie : l'agriculture à Vidaba, le pillage avec Aaron ou encore l'exploration comme ça lui arrivait de le faire. Mais rien ne valait mieux pour lui que quand il se trouvait dans son musée et qu'il offrait son savoir à ceux qui le désiraient. Evidemment, c'était un savoir qui n'avait rien à voir avec la science de Pastel et qui ne permettrait à personne d'assurer sa survie en milieu hostile. Le fait de savoir ce qu'était une voature n'allait en rien aider qui que ce soit à échapper à un prédateur. Mais bon, chacun son domaine. Mehen était ravi de pouvoir apprendre à d'autre tout sur l'existence d'un monde inconnu d'une bonne majorité de l'île et dont on savait l'existence plus que vraie.

Quand Mehen interrogea alors le professeur sur sa quête, le début de sa réponse le laissait perplexe, ne voyant pas du tout le rapport entre du sable et les raptors. Mais Pastel le lui expliqua clairement et rapidement. Par ailleurs, quand ce dernier lui demanda d'observer, le parasaurolophus ne le fit pas répéter et avait effectivement jeter un coup d'oeil au sable tout en écoutant les conclusions du gallimimus, hochant la tête par moment. Ah ces prédateurs. Non content de s'en prendre aux herbivores, ils s'attaquaient aussi eux-même ! Pas étonnant qu'ils n'aient pas évolués de la même manière ! Mehen gardait le silence tout en essayant de suivre convenablement ce dont lui parlait Pastel. Mais à un moment donné, des grondements non loin de là interrompirent le cours de dernière minute. Mehen s'était figé, à l'écoute, et surtout près à se jeter à l'eau en qu'à de dangers imminents. Mais le calme retomba presque aussi vite qu'il était venu.

- Me joindre à vous ? Vous n'y pensez pas, c'est dangereux !

Mehen était, certes, un explorateur, mais le genre d'exploration qui faisait tout pour éviter les dangers. Pas leur foncer dessus.

Et oui, c'était dangereux et comme tout bon Dinotopien, Mehen faisait tout pour éviter de se mettre en danger. Inutilement du moins. Affronter une tempêtre en haute mer était une chose, aller lorgner des raptors en pleine baston en était une autre. Il pouvait comprendre que Pastel puisse prendre des risques pour la science comme il le disait si bien. Parce que c'était son job après tout. Tout comme Mehen prenait des risques pour faire le sien alors qu'il lui suffisait d'embaucher des pilleurs d'épaves pour faire la sale besogne. Mais aux côtés de Aaron, le parasaurolophus avait appris à faire les choses lui-même. Aussi, observer des prédateurs n'était pas son domaine. Il ne voyait donc pas de raison d'accompagner le gallimimus dans cette périlleuse mission. Même s'il n'était pas fier de l'abandonner pour ça.

Mais il eut pas le temps de lui répondre que les grondements reprirent. Heureusement pour Pastel, Mehen était quelqu'un d'assez réactif. Car malgré toute sa bonne volonté, le gallimimus aurait sans doute eut bien du mal à tirer les deux tonnes du parasaurolophus hors du danger. Aussi, quand Mehen sentit la patte de son camarade sur la sienne, il entreprit de le suivre docilement dans les broussailles pour s'y cacher avant l'arrivée de prédateurs. C'était en effet trois raptors dont la vue ne rassurait pas Mehen plus que ça. Au moins, Pastel n'aurait pas besoin de se déplacer pour les observer ceux-là. Ces derniers étaient toujours en train de se battre d'ailleurs. Mais ils ne tardèrent pas à prendre la poudre d'escampette, pour que revienne le silence peu après. Mehen suivit le gallimimus hors des fourrés, avant de se dresser sur ses pattes arrières pour mieux voir l'allosaure au loin.

- Vous ne souhaitez plus faire vos observations ? demanda-t-il en retombant au sol, je ne voudrais pas vous empêcher de faire quoi que ce soit. Surtout ne vous en faites pas pour moi. Je peux rejoindre une zone sûre par mes propres moyens si nécessaire, il me suffirait de passer par la mer.

Le nageur qu'il était n'aurait aucun mal à longer la côte à bonne distance en prenant un nouveau petit bain, jusqu'à atteindre un endroit hors de danger. Ce n'était pas ce qui manquait sur les plages d'ailleurs. Il pourrait même trouver un fleuve et passer par là pour rejoindre l'intérieur des terres et surtout un village ou une ville. Ca ne manquait pas non plus aux abords de l'eau. Mehen était gêné. Avait-il posé problème dans le programme du gallimimus ? Lui avait-il fait manquer son occasion exceptionnelle pour la science ? Il n'espérait pas.

La plupart des dinosaures -et humains- et autres créatures en fait, savaient nager. Mais c'était néanmoins une activité pas forcément réalisable pour tous. Un t-rex dans l'eau où il n'avait pas patte ne ferait pas long feu. Ce n'était pas avec ses petits bras qu'il pourrait trouver un bon moyen de faire de la brasse ! Et les dinosaures les plus imposants étaient généralement trop lourds et avaient besoin de faire énormément d'effort pour tenir leur tête hors de l'eau. A côté, ils étaient avantagés en fait, car en étant très grand, ils pouvaient aller loin dans l'eau en gardant patte ! Surtout les longs cous. Enfin, il y avait les espèces qui n'étaient pas faites pour barboter comme les skybax ou les stégosaures (les ailes mouillées pouvaient devenir un fardeau pour les uns et les autres se noieraient sans être totalement dans l'eau avec leur petite tête portée vers le bas !) Pour les gallimimus, Mehen supposait que nager n'était pas un soucis. C'étaient des dinosaures légers -exprès pour courir vite- et habiles. Mais bon, ils étaient sûrement plus à l'aise sur un terrain plat que dans l'eau. Mehen, le parasaurolophus, comme les autres hadrosaures, faisait partie de ces espèces qui étaient faites pour le monde aquatique. Par pour rien que le Marais Hadro était nommé ainsi et que le camp Hadro était composé de saurien comme lui.

Pour cela, Mehen avait proposé à Pastel d'aller faire ses affaires alors que lui rentrerait à la nage. Ce n'était pas un problème à ses yeux et au moins, il ne serait pas un fardeau pour le professeur qui n'avait sans doute pas que ça à faire de jouer les gardes du corps. D'autant plus que le parasaurolophus était du genre indépendant et préférait quand on lui faisait confiance sur ses capacités à survivre en milieu hostile sans avoir besoin de chaperon. Mais la réponse du professeur l'étonna. Il aurait juré que ce dernier accepte de rattraper les raptors pour ne pas perdre cette science qu'il chérissait tant.

- Mais...C'est gênant, les raptors seront sans doute loin et auront même fini leurs ébats. Je m'en voudrais que vous perdiez ainsi de vue vos sujets d'études...

Il baissa un moment le bec puis regarda à nouveau le saurien.

- Enfin, je ne dirais jamais non à un peu de compagnie pour rentrer mais tout de même. Rien ne vous oblige à ça, vous n'êtes pas gardien.

Pourtant, à l'entendre parler, on aurait pu croire, songeait-il. Sur ce, Mehen emboîta le pas de Pastel sur le sentier, quittant ainsi la plage et supposant à quel point il venait de perturber le programme de son congénère.

Evidemment, mettre la vie d'autrui en priorité était tout à fait normal. Mehen ne reprocherait jamais à Pastel d'avoir fait ce choix. Lui-même l'aurait fait si la situation aurait été inversée. Mais tout de même, il s'en voulait un peu quand même. Il aurait pu rentrer seul, il le savait. Les zones hostiles ne l'effrayaient pas. Il avait tout autant l'habitude de l'exploration et de parcourir ces terres que le gallimimus. Il estimait alors que ce dernier aurait pu ne pas se priver de ses recherches pour quelque chose qui n'en valait sans doute pas la peine. Le parasaurolophus n'avait pas envie d'être responsable sur ce fait, d'être celui qui avait contraint le professeur à faire machine arrière.

Aussi, aux paroles du mâle, le saurien hocha simplement la tête. Comme dit, il ne pouvait pas non plus jouer les ingrats et en vouloir au gallimimus de faire la plus logique des choses : ne pas vouloir le laisser seul face au danger. Même le plus couard des Dinotopiens ne pourrait pas se permettre une telle chose. La solidarité faisait partie des plus grandes forces des habitants de cette île, au même titre que l'union faisait la force. Un saurien averti en vaut deux comme on dit.

- Pas d'offense, répondit Mehen, je comprends parfaitement.

Le jeune hadrosaure continuait de suivre le gallimimus jusqu'à une plaine quelque peu aride. Il serait temps que la saison des pluies arrive.

- Je vous suis, ajouta t-il, peut-être croiserons-nous une patrouille également.

A nouveau, les deux sauriens poursuivirent leur chemin, passant dans une spacieuse forêt de pins dont l'odeur était bien apprécié du parasaurolophus, ainsi que le confort de progresser sur un tapis d'aiguilles de pins.

Mehen suivait Pastel en silence, traversant la forêt en sa compagnie jusqu'à la route la plus proche. La prochaine communauté n'était plus très loin. Il le savait. Mais la pluie ne tarda pas à faire son entrée, rafraîchissant l'atmosphère, ce qui n'était pas plus déplaire au parasaurolophus. Il savait bien lutté contre le Récif de l'Effroi alors une averse, ce n'était rien à côté. Soudain, le gallimimus s'arrêta sans crier gare, le museau vers le sol qui commençait à devenir boueux à cause de la pluie. Puis finalement, il demanda à courir. Il avait sans doute ses raisons de demander ça, un danger que Mehen n'aurait pas vu probablement. Aussi, le saurien suivit son congénère à la même cadence que lui, soupçonnant ce dernier de ne pas y aller à fond au risque de le perdre de vue. C'était un gallimimus après tout.

Peut-être aurait-il pu s'en sortir sans effort s'il n'avait pas été ralenti par le parasaurolophus ? Peut-être aurait-il pu éviter l'embuscade des raptors qui venaient de cerner les deux sauriens. Mehen regardait autour de lui ces prédateurs prêt à leur bondir dessus, Pastel sur la défensive. C'est alors que ce dernier suggéra qu'il allait se débrouiller seul face aux carnivores et que le parasaurolophus n'aurait plus qu'à s'enfuir. Mehen lui tourna un regard interdit. Et puis quoi encore ?

- Hors de question de vous abandonner, fit-il, vous pensez vraiment faire le poids contre cinq raptors ?

Que la réponse soit positive ou négative, il s'en moquait pas mal. Il n'allait pas laisser quelqu'un derrière lui, point barre. Tout autant que Pastel n'avait pas voulu le laisser plus tôt. Les raptors ne perdirent pas de temps de toute façon. A peine que Pastel en repoussa un que tous se jetèrent sur les deux proies et un second fut violemment repoussé par Mehen d'un puissant coup de queue.

Mehen n'était pas spécialement un professionnel du combat. Il restait, comme la majorité de la population dinotopienne, un fervent défenseur de la paix et de la non-violence. Cela dit, il ne se laissait pas dévorer aussi facilement tout de même. S'il fallait donner des coups, il le faisait. Il restait un dinosaure après tout, un animal. Il avait l'instinct de survie et n'avait pas honte d'user de sa queue pour repousser les prédateurs. C'était tout ce qu'il y avait de plus naturel. Après, évidemment, il ne chercherait jamais à les tuer et s'il pouvait éviter de les blesser, ça l'arrangeait tout autant. Il faisait comme il pouvait en tout cas. Les raptors cernaient les deux sauriens et se jetaient sur eux, espérant les submerger par le nombre. Le gallimimus usait majoritairement de son bâton, là où Mehen utilisait sa seule arme naturelle, à savoir sa queue, pour repousser l'ennemi. Mais ces derniers se relevait toujours. Maigrichons mais tenaces.

Dès qu'une voie fut libre, les deux herbivores parvinrent à s'échapper des prédateurs. Ces derniers s'élancèrent évidemment à leur poursuite. Mehen traçait son chemin autant que sa corpulence le lui permettait. "Je savais que j'aurais dû passer par la mer !" songeait-il, dépité. L'apparition d'un allosaure sortit le parasaurolophus de ses pensées, qui freina subitement dans la terre rendue glissante par la pluie. Il avait effectivement prit à gauche comme l'avait indiqué son congénère, mais n'alla pas bien loin lorsqu'il se rendit compte que ce dernier ne l'avait pas suivi. Voyant le gallimimus foncé sur les carnivores, Mehen s'était aussitôt arrêté, interdit. Etait-il fou ? Lui et les raptors furent ainsi prit en chasse par l'imposant saurien et Mehen ne perdit pas de temps à s'élancer à son tour à leur poursuite. Pas question de laisser cet inconscient de professeur à la merci de cette créature. Mehen se hâtait autant qu'il pouvait à tenir la cadence. Mais des quatre espèce présentes, il était de loin le moins rapide. Les raptors et le gallimimus l'étaient par nature et l'allosaure avait des pattes si grandes que ses foulées étaient immenses par rapport à celle du parasaurolophus qui ne pouvait compter que sur sa position de quadrupède pour espérer tenir la cadence.

Mehen ne comptait pas rattraper les prédateurs et leur mettre des bâtons dans les pattes. Il était bien conscient que, d'une part, il ne pourrait jamais les rattraper, et d'autre part qu'il ne pourrait jamais les battre. Surtout pas un allosaure d'ailleurs. Il voulait simplement pas laisser le gallimimus tout seul. Il ne doutait pas de ses capacités à s'en sortir, mais c'était juste plus fort que lui. Il ne voulait pas l'abandonne,r même si c'était Pastel qui lui avait demandé de partir. Seulement, au bout d'un moment, malgré tout les efforts qu'il mit, les prédateurs et leur proie furent trop rapides pour lui. Il ne fallu pas longtemps pour que tout ce petit monde disparaisse devant Mehen, parmi les arbres et les fougères épaisses de la forêt, laissant derrière le parasaurolophus qui finit par s'arrêter, les flancs agités par sa respiration profonde et rapide.

Le silence ne tarda pas à suivre dans les bois. Essoufflé, Mehen l'écouta un moment, cherchant à percevoir le moindre son capable de trahir la chasse qui se faisait quelque part, mais rien. Il ne pouvait plus rien pour le gallimimus et ça lui déplaisait fortement. Mehen soupira, dépité, puis fit demi-tour dans la forêt pour rejoindre le village où il était prévu qu'il se rende avec le professeur, souhaitant de tout son coeur que le mâle s'en sorte. Sinon, il devra envoyer une patrouille des bois à sa recherche. Aussi, le saurien pressa le pas, se disant qu'il valait mieux agir vite. Chaque seconde pouvaient être fatales. Le parasaurolophus ne tarda pas à quitter la forêt. Au loin, le village se faisait voir et ce n'était pas pour lui déplaire. Avec un peu de chance, Pastel y serait déjà qui sait ? En haut d'une tour au centre du village brillait une petite roche solaire qui assurait la sécurité de la bourgade face aux prédateurs. En contemplant sa lueur proche, Mehen savait qu'il était désormais à l'abri de tout danger.

Sachant qu'il ne risquait plus rien étant donné qu'il était assez proche du village pour que les effets de la roche solaire soient efficaces face au moindre prédateur qui voudrait faire de lui son repas, Mehen avait abandonné sa cadence de course, toujours quelque peu essoufflé, mais bien décidé à ne pas trop traîner néanmoins car le gallimimus encore dans la forêt pourrait bien avoir besoin d'un coup de patte. Mais en s'approchant des remparts de la bourgade, le parasaurolophus ne tarda pas à entendre un bruit de pas de course qui se rapprochait de lui. Mehen s'arrêta alors, jetant un regard par dessus son épaule. Il aperçu aussitôt avec un grand soulagement la silhouette familière de Pastel qui cherchait à le rattraper et sourit. Ce vieux bougre s'en était tiré sans encombre ! Voilà une angoisse en moins pour le jeune saurien trentenaire. Il décida d'attendre que ce dernier le rejoigne à l'allure qui lui semblerait la mieux adapté.

- Non, je suis incorrigible, répliqua-t-il, amusé, au professeur, et je ne suis pas mécontent non plus de vous voir sans une écaille de moins !

Le saurien souffla des naseaux avant d'ajouter :

- Je continue de penser que j'aurais pu rentrer seul mais soit, cette mésaventure s'est bien terminée alors je vous donne raison. Ehm...Pour vous faire plaisir tiens !

Bien qu'il se serait naturellement passé de cette mauvaise rencontre, il ne disait pas non à un peu d'aventure de temps en temps. Surtout si elle s'achevait toujours aussi bien qu'aujourd'hui. Et qui plus est pour la partager avec un autre. Ce n'était jamais de refus d'entraîner les congénères dans les ennuis !