[Terminé] Échoué sur le rivage (Sany)

Échoué sur le rivage

Je sens que tout bouge autour de moi, l’avion tremble encore et toujours plus fort alors que la tempête semble vouloir dévorer l’appareil. Les masques tombent, les gens paniquent, ça n’en finit pas et ensuite, un grand bruit sourd, métallique et terrible qui sépare l’appareil en plusieurs morceaux. Puis je la vois disparaître dans les abysses obscures et insondables.

Soudain, je me réveille, ce n’était qu’un cauchemar. Enfin, c’est ce que je pense en premier lieu avant de me rendre compte que c’est une vague qui me réveille. Je suis allongé sur du sable fin, le corps à moitié dans l’eau, la houle venant s’abattre sur mon visage une fois ou deux avant que je ne me décide à me redresser. Mon corps est douloureux, endolori, mais je ne semble pas blessé outre mesure. Peu à peu, mon esprit fait le tri et les événements me reviennent de façon de plus en plus claire. L’amour de ma vie a bien disparu dans les profondeurs ainsi que le reste de l’appareil et c’est un dauphin qui m’a conduit jusqu’ici au rivage. Je me suis effondré après avoir rampé quelques mètres pour me réveiller au même endroit.  

Les émotions se bousculent rapidement dans mon esprit et mon cœur alors que je commence à prendre conscience que tout est fini et que rien ne sera plus jamais comme avant. Mon monde s’effondre et le sol s’ouvre sous mes pieds. Tout se condense dans mon thorax en une emprise douloureuse au niveau de mon cœur et remonte ensuite dans ma gorge dans un cri, animal, bestial et triste. Je ne peux rien faire d’autre que tenir la note pendant un temps qui me semble éternel, comme si tout serait fini une fois que le son ne cesse. Je m’effondre à genou au sol, devant la mer, écoutant mon cri se réverbérer dans les alentours. Je suis à bout de souffle, au bout de ma vie et aucune larme qui ne cesse de couler n’arrive à la hauteur de ma peine.  

Le temps n’a plus d’emprise sur moi et je me morfonds pendant ce qui me semble être une éternité avant de réaliser à nouveau que je me trouve sur une plage que je ne connais pas. Je me redresse pour dans un premier temps détailler ce qui m’entoure, mais je ne reconnais pas la plage sur laquelle je me trouve, ni l’escarpement des falaises que je contemple. Comme nous volions au-dessus de l’océan, je n’arrive pas à savoir où je peux bien me trouver.  

Je devrais essayer de trouver des gens, un village, peut-être que j’ai échoué sur une île de Polynésie ou même pourquoi pas d’Amérique du sud. Mais au moment de quitter ma position, je n’arrive pas à faire plus d’un pas dans le sable. Je tombe à nouveau sol, ne pouvant me résoudre à laisser Abigail au fond de l’eau. Nous avions tant de projets...

Kai ▬ Pourquoi ?! Pourquoi tu me l’as pris !  

J’hurle à tout rompre en moi, comme si ma rage à elle seule pouvait disloquer mon corps au son de mon âme qui se déchire avec violence.  

L’eau arrive à ma hauteur, enveloppe mes avant-bras quelques instants, nettoyant le sable et découvrant mes tatouages. Ces derniers représentent essentiellement des esprits de la nature et souvent liés à l’eau et l’océan, élément qui est très important à mes yeux et pour ma spiritualité. Pour une raison que je ne m’explique jamais, je me sens apaisé dans l’eau et à cet instant, c’est comme une caresse douce, un baume sur mes plaies. Les lois de la nature sont impénétrables... tout ce que j’espère, c’est qu’elle est en paix maintenant, bercée par l’esprit de l’océan qui l’a appelé à lui.

Kai ▬ Pourquoi pas moi... comment je vais faire pour continuer sans toi Abi...  

Echoué sur le rivage

- A très bientôt ! salua la jeune femme, je te tiendrais au courant.

Avec un large sourire, Sany quitta la demeure de son amie après un dernier signe de la main en guise de salut. Ator, son diplodocus, l'attendait patiemment en discutant non loin de là avec un pachycéphalosaure atrocement bavard qui lui contait sa dernière aventure non loin du canyon. A l'approche de la matriarche, Ator prit congé de son ami saurien, non sans manquer d'admiration face au récit de ce dernier. Le long cou attendit que la jeune femme n'arrive à sa hauteur, baissant la tête vers elle.

- Tu en a mis du temps ! fit-il.

- Je sais, mais ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu aussi. Nous avions beaucoup de choses à nous dire.

- J'espère que la prochaine fois, c'est elle qui viendra. C'est long de traverser le désert, surtout en cette saison.

- Arrête de râler. Tu es toujours bien content de voir la mer pourtant.

Bien vrai. Cette étendu d'eau, si calme, si cristalline, insondable et immense avait de quoi apaiser les coeurs. Quand on observait son ressac, on peinait à croire que plus loin derrière l'horizon le Récif de l'Effroi faisait des siennes. Il était temps de quitter Prosperine. Cette petite sortie avait fait un bien fou à Sany, mais elle ne pouvait s'éterniser trop loin de la ville qu'elle gérait. Khasra l'attendait à l'autre bout du désert. La traversée sera longue, certes, mais ce n'était qu'une formalité pour la jeune femme qui en avait tellement l'habitude. Et à dos de diplodocus, autant dire que la durée était grandement réduite. C'était le matin, mais il faisait déjà très chaud. Sany glissa son voile sur sa tête pour se protéger du soleil avant de monter sur le cou de son alter-ego et d'y avancer jusqu'à atteindre son dos. Ce dernier ne perdit pas de temps à se mettre en marche. Une marche calme, mais chaque pas qu'il faisait était une foulée clairement importante et non négligeable.

Et le saurien marchait, encore, toujours. Les dunes de sable d'un côté, l'océan de l'autre. Il progressait sur la plage, laissant le ressac doucement lui caresser les pattes de son eau fraîche et écumeuse. Oui, il appréciait vraiment ce genre de balade au bord de l'eau. Ca avait quelque chose d'apaisant. Et Sany, sur son dos, en profitait aussi. Le visage relevé, les yeux fermés, un paisible sourire sur les lèvres, elle s'imprégnait de ce vent marin qui vint souffler dans les pans de sa tunique satinée et violacée. Mais soudain, un cri atroce déchira cette ambiance pourtant sereine, figeant le dinosaure sur le champ. Sany, prise au dépourvu, s'était redressée, le regard parcourant les lieux. Mais rien en vue.

- Qu'est-ce que c'était ? s'inquiéta le reptile géant.

- Je ne sais pas, peut-être quelqu'un en danger.

- J'ai l'impression que ça vient de derrière la dune là-bas.

- Je vais aller voir, reste ici au cas où.

Aussitôt, la jeune femme mit pied à terre. Elle s'empressa à s'éloigner du saurien qui la suivait du regard en direction de cette montée sableuse plus loin. Elle monta le versant et plus elle montait, plus il lui semblait entendre une voix de l'autre côté. Une fois en hauteur, qui lui donna une jolie vue d'ensemble, elle aperçut en contrebas un homme face à la mer, visiblement ébranlé. Ses vêtements, son état, parlait à sa place sur ce qu'il était. Sany le repéra presque sur le champ et le peu de doutes qui lui restaient s'envolèrent au fur et à mesure qu'elle s'en approchait, qu'elle pouvait d'avantage mieux le voir, descendant la dune après prudence mais empressement.

- Oh mon dieu, tout va bien ?! s'exclama t-elle sur le chemin d'une voix forte pour se faire entendre, vous n'êtes pas blessé ?!

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

Abigail, l’amour de ma vie, comment pourrai-je bien faire pour continuer tout ce que je fais, tous nos projets ? Je n’arrive pas à envisager un monde dans lequel elle n’est plus à mes côtés, elle qui était un tel pilier dans ma vie depuis notre rencontre.

Je reste perdu dans mes pensées pendant un long moment, ne pouvant simplement pas détacher mon regard de l’océan, priant que le grand esprit des abysses me la ramène et que tout ne soit qu’un lointain mauvais rêve. Mais ça n’arrive pas.

Soudain, j’entends une voix qui retentit derrière moi. Je me retourne comme un diable, par réflexe, conditionné par un instant primaire de survie. Je vois une femme en train de descendre une grande dune de sable et se diriger vers moi. Le plus étrange est la langue qu’elle parle. Avec le crash de l’avion, compte tenu de là où nous étions censés nous trouver, je me serais attendu à de l’espagnol ou du portugais pourquoi pas, voir un même un dialecte de Polynésie que j’aurais pu comprendre, mais là, je suis surpris. Cette jeune femme n’est pas une rescapée du crash comme moi, cela se voit à ses vêtements. Toutefois, je suis étonné par le type de cette femme encore une fois compte tenu de l’endroit du monde où j’ai échoué. Ou alors j’ai dérivé longtemps après ma perte de connaissance ?

Kai ▬ Je... je vais bien. Quelques bleus tout au plus, mais rien de casser...

Mise à part mon cœur qui est en mille morceau maintenant. Je ne peux pas ne pas tourner mon regard vers la mer à nouveau, comme pour essayer de chercher des yeux Abigail qui pourrait sortir de l’eau comme par magie.

Je reviens vers mon interlocutrice, toujours surpris que nous nous comprenions facilement.

Kai ▬ J’ai échoué où pour qu’on parle anglais dans ce coin ? On est sur la côte ouest ?

Vu le climat, cela pourrait être une côte californienne pourquoi pas, voire peut-être une côte mexicaine.

Réfléchir ainsi me fait soudainement assez mal au crâne. Je porte dans un geste réflexe ma main droite au niveau de ma tempe pour la masser, mais le mal ne fait que s’accentuer. Je ne suis même pas certain d’arriver à entendre sa réponse à ma question. Je commence à prendre conscience de la présence d’un soleil de plomb, assez haut dans le ciel déjà. C’est un peu comme émerger d’un état de choc en fait et la réalité commence lentement à reprendre ses droits alors que la présence de cette femme ne me faire revenir dans le véritable instant présent. Je sens que ma tête tourne de plus en plus et le mal s’intensifie.

Mes yeux papillonnent et je commence à voir légèrement trouble, sans doute à cause de la déshydratation et le temps prolongé que j’ai passé au soleil et dans l’eau salée. Je tends ma main vers elle dans une sorte de geste de désespoir avant de m’écrouler aux pieds de cette jeune femme.

Quand j’ouvre à nouveau les yeux, impossible de savoir combien de temps il s’est écoulé, mais je crois bien que la même jeune femme est toujours auprès de moi.

Echoué sur le rivage

Sany était plutôt fière d'elle d'avoir demandé à Ator de garder ses distances pour le moment. Malgré sa grande taille, la distance et la dune l'empêcheraient de se faire voir du malheureux qui était échoué sur la plage. Ce n'était pas un mal car c'était sûrement la dernière chose qu'il aimerait voir après ce qu'il avait dû traverser. Autour de lui, personne d'autre. Pas même le moindre débris qui proviendrait du moyen de transport l'ayant entraîner par delà l'océan. Soit ça avait atterrit plus loin, soit le Récif de l'Effroi avait tout englouti. La jeune femme avait de toute évidence surpris l'homme dans son désespoir. Ce dernier s'était vivement retourné comme si elle avait été un quelconque danger. Mais cela n'avait pas arrêté Sany d'aller à sa rencontre, dévalant la pente sableuse avec aisance, mais le visage profondément inquiet. Une fois au pied de la dune, elle avait fait quelques pas supplémentaire en direction de cet inconnu, ne s'arrêtant qu'à quelques mètres de lui. Ce n'était pas la peur qui la rongeait, mais à l'aide de cette distance, elle espérait le mettre plus à l'aise. Il avait l'air on ne peut plus ébranlé et qui sait ce qu'un profond malheur pouvait faire d'un humain ?

L'homme lui répondit malgré tout. Bien. Au moins, ils pouvaient se comprendre. Sany avait beau avoir été une bonne élève dans sa jeunesse, elle était loin de connaître toutes les langues du monde. D'un rapide regard, elle le toisa néanmoins comme pour confirmer ses propres dires. Effectivement, pas de membres tordus d'une drôle de façon, pas d'entailles sanglantes, pas de prostration indiquant une atroce douleur quelque part...Il avait l'air de s'en être très bien tirer en effet. Il avait eut de la chance. Enfin...Physiquement du moins. Sany savait très bien ce qu'un naufrage pouvait faire comme ravage. Charlotte avait été la dernière dolphinback fraîchement échoué qu'elle avait rencontré. Que devait-elle d'ailleurs ? Sany espérait qu'elle avait su trouver sa place dans cette nouvelle vie. A présent, ce serait au tour de cet homme.

- M'en voilà soulagée, souffla alors la jeune femme.

Mais l'inquiétude resta près d'elle, surtout lorsque l'individu vint directement lui demander où il se trouvait. C'était sans doute la question la plus délicate à répondre. Enfin, c'était une parmi tant d'autres.

- N...Non, répondit-elle, contrainte, vous êtes sur une île. Dinotopia. C'est...très à l'écart du reste du monde.

Soudain, elle se rendit compte que le mal rattrapa rapidement cet homme. Il vacilla bien vite, prit d'un brutal coup de faiblesse. Sany tenta tant bien que mal de le rattraper, mais il pesait son poids mine de rien. Tout ce qu'elle parvint à faire, ce fut d'empêcher qu'il ne tombe trop brutalement au risque de se blesser d'avantage. Elle put ainsi l'étendre au sol et mieux inspecter son corps à la recherche de blessures qu'elle n'aurait pas vu. Elle n'était pas médecin mais avait néanmoins quelques notions quand il s'agissait de s'assurer dans quel état était un individu. Son inquiétude ne la lâcha pas d'une semelle. Mais elle tenta par-dessus tout à garder son sang-froid. En tant que matriarche, elle se devait de garder contenance, d'agir avec efficacité avant tout.

- Ator ! appela t-elle aussi fort que faire se peut.

Pendant l'arrivée du saurien, Sany avait ôté son voile pour en couvrir la tête de l'inconnu, afin de l'isoler au mieux du soleil sans pitié.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda le dinosaure une fois sur place.

- C'est un dolphinback. Il faut rapidement l'emmener à Khasra. Fais doucement surtout.

Sany entreprit de remonter sur le reptile, tandis que ce dernier attrapa aussi délicatement que possible l'inconnu dans sa gueule. Il tourna ensuite la tête vers son dos pour l'y déposer, aidé par Sany qui le garda stable près d'elle durant le reste de la traversée. Le crépuscule s'annonçait alors qu'ils rentrèrent enfin à Khasra. L'homme inconscient fut transporté à l'hacienda de la jeune femme qui, aidé par les employés des plantations, amena l'inconnu dans le lit à baldaquin de sa chambre avant de le couvrir par les draps de soie au rebord tissés de filaments dorés. Il ne s'écoula que peu de temps avant qu'il ne reprenne connaissance alors que Sany venait d'allumer un encens pour ses prières de rétablissement. Elle revint auprès de lui.

- Vous vous réveillez enfin, lui dit-elle, avez-vous mal quelque part ?

Sans attendre de réponse, elle saisit la carafe en cristal qui avait été posé sur le guéridon juste à côté, avant d'en remplir un verre d'eau.

- Vous devez boire, fit-elle doucement en s'asseyant sur le bord du lit, le verre en main, vous êtes complètement déshydrater.

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Echoué sur le rivage

Je me sens étrangement bercé par les vagues, je suis au milieu de l’océan, il fait vraiment très chaud, comme s’il c’était le désert brûlant. Un courant aux vagues allant à un rythme des plus étrangement régulier. Je flotte sur le dos, échappant à la conscience et voyant par intermittence le visage d’une femme voilée au-dessus de moi, en contrejour, les rayons d’un soleil de plomb irradiant sur moi. Puis je reviens au milieu de cet océan infini et vide comme si c’était là que se trouvait ma place. Je crois que je perds la raison. De quoi est-ce que je me souviens ? Le crash ! Les scènes de la fin prématuré d’un vol pourtant anodin, la disparition d’Abigail dans l’obscurité des flots, un dauphin qui vient me chercher pour me ramener sur la plage, cette femme qui descend de la dune. Ça me revient doucement.

J’ouvre doucement les yeux et je suis dans un lit à baldaquin très confortable. Je balaye la pièce du regard, mais ce que j’y vois ne m’inspire rien de vraiment connu. Enfin, rien qui ne présume d’un endroit logique où j’aurai pu échouer. Elle m’a dit l’endroit où je suis arrivé, mais impossible de m’en souvenir, je crois que mon esprit était déjà en train de lâcher. Alors que je m’éveille doucement, je vois cette femme, je crois bien que c’est elle, qui vient à mon chevet pour s’enquérir de ma santé.

Kai ▬ Très honnêtement, j’ai mal à la tête, oui.

Cela me revient maintenant. Lorsque l’avion a commencé à piquer du nez, je n’étais pas assis. J’ai trébuché en regagnant mon siège après avoir aidé une personne âgée à boucler sa ceinture et je me suis cogné. Puis il y a eu le choc avec l’eau et j’ai perdu connaissance à la suite d’un autre coup à la tête.

Kai ▬ J’ai reçu au moins de coup à la tête, dont un qui m’a fait perdre connaissance dans l’avion... je crois qu’avec une insolation derrière, ce n’est pas bon. Ab...

Je n’ai pas pu finir ma phrase. Abigail m’aurait surement dit que je suis vraiment inconscient comme toujours et que j’aurais dû me mettre à l’ombre immédiatement avec le soleil et surtout rester allongé pour ne pas trop forcer.

La jeune femme s’installe au bord du lit et me tend un verre d’eau en m’invitant instamment à m’hydrater. Je ne me fais pas prier et je prends ce verre avec délicatesse et gratitude.

Kai ▬ Merci beaucoup mademoiselle.

L’eau est incroyablement bonne. Cela m’étonne et mon visage se marque immédiatement. Je n’ai que rarement bu une eau aussi bonne et c’était à chaque fois dans des endroits tellement reculés que la pollution était presque inexistante, mais même là, ça n’avait rien à voir.

Kai ▬ Waoh, cette eau est délicieuse. Merci beaucoup, vraiment.

Je lui tends à nouveau le verre, vide cette fois, tout en lui souriant. Sa générosité me touche car je comprends qu’elle m’a amené de la plage jusqu’ici et ça n’a pas dû être une tâche facile pour une jeune femme. Je ne dis pas qu’elle n’en est pas capable, mais je suis tout de même loin d’être un modèle réduit et je suis conscient d’avoir une certaine masse.

Je me redresse pour ne pas avoir l’air d’un grand blessé et surtout pour pouvoir la regarder dans les yeux.

Kai ▬ Je vous suis très reconnaissant de m’avoir aidé. Vous avez un téléphone que je puisse appeler mon pays et leur signaler où l’avion s’est écrasé ? D’ailleurs, je m’excuse mais avec ma faiblesse de tout à l’heure je n’ai pas saisi où nous étions. Quelque part en Polynésie ?

Je reste un instant souriant, mais ce n’est que de courte durée quand je vois son regard désolé.

Echoué sur le rivage

A la réponse de l'homme, Sany se pencha vers le sol où traînait une bassine d'eau chaude dans lequel elle trempa un linge blanc. L'inconnu s'était réveillé peu de temps après leur arrivée et elle n'avait pas eut le temps de faire grand chose à part le mettre en lieu sûr. Le centre de soins aurait sans doute été plus adéquate pour son état mais la jeune femme s'était dit que le fait qu'il se réveille entouré d'infirmières pleines d'écailles n'était pas une très bonne idée. Elle avait à peine eut le temps de donner des réponses aux quelques curieux de la ville qui l'avaient vu revenir du désert avec cet étranger.

- Ca ira, rassura t-elle en tamponnant le linge chaud sur le front de l'homme, vous avez été très secoué mais heureusement, vous n'avez pas de blessures grave.

Les murs épais de la bâtisse garantissaient une certaine fraîcheur à l'intérieur, préservant ses occupants de la chaleur torride du désert à l'extérieur. La chambre était relativement spacieux, comprenant un grand miroir contre le mur en face cerné de bordures dorées et sculptées, des tentures aux couleurs chaudes et aux motifs variés, d'une fenêtre typée marocaine bien fermée qui laissait malgré tout passé la lumière du jour, d'une large armoire, d'un bureau, et commode, le tout d'un bois tout aussi joliment sculpté. Un grand tapis écarlate couvrait le sol pourvu d'un plancher et quelques éléments de décorations ornaient également les murs et les meubles, tels que des portraits de famille, et même l'un d'Ator. L'homme ne parvint pas à finir ses explications, ce qui poussa Sany à ne pas ajouter de recommandations supplémentaires. Mais si ça ne tenait qu'à elle, elle aurait ajouté qu'il devait rester au calme quoi qu'il arrive, le temps de récupérer de ce choc crânien et de ce coup de soleil qui l'avait achevé sur le rivage.

Lorsqu'il la remercia, elle lui accorda un doux sourire. Sourire qui s'agrandit légèrement lorsqu'il s'étonna de la qualité de l'eau. Peu de personne se rendait compte de ce détail et, à vrai dire, Sany la première puisqu'elle l'avait toujours connu ainsi. A moins que l'homme n'ait son jugement alterné simplement parce qu'il avait bu la tasse avant.

- C'est une eau très pure, commenta t-elle alors.

Les eaux souterraines de la rivière Subamu n'avaient plus rien à prouver depuis longtemps. Elles étaient préservées de tout ce qui serait susceptible de les souiller de quelque manière que ce soit. Sany reposa le verre vide sur le guéridon, le laissant à porter de l'homme ainsi que la carafe, afin que ce dernier puisse se resservir dès que bon lui semblait. Son inquiétude revint quelque peu lorsque ce dernier se redressa dans le lit.

- Vous devriez resté allongé...commença t-elle.

Naturellement, l'inconnu lui demanda à pouvoir contacté les siens, de l'autre côté des eaux et Sany se mordit doucement la lèvre, ne répondant pas tout de suite.

- Vous êtes sur Dinotopia, fit-elle pour commencer, c'est...une île perdue dans l'océan. Nous n'avons aucun contact avec l'extérieur. Je suis navrée...

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit, laissant apparaître un jeune homme dont le premier réflexe fut de regarder l'étranger couché dans le lit.

- Vous m'avez demandé matriarche ? demanda t-il finalement.

La jeune femme se leva, faisant face au nouveau venu.

- Oui Erkan, j'ai besoin que tu envois d'urgence des patrouilles à la recherche d'autres survivants. Transmets un message aux Ankylos pour fouiller Warmwater Bay et une escadron de skybax sur les îlots Kyun et l'Outer Island.

- Tout de suite !

Sur ce, il s'en alla en refermant la porte derrière lui.

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

La jeune femme est absolument charmante. Elle commente ma réaction en confirmant bien que cette eau est d’une grande pureté. Je m’en étonne encore, mais je ne me sens presque mieux rien qu’en la buvant.

Je lui souris en entendant son conseil. C’est typiquement ce qu’Abigail m’aurait dit également, et je serais bien idiot de ne pas faire ce qu’elle me dit-là. Toutefois, je suis encore trop intrigué par la situation. Des gens sont sans doute à la recherche de l’avion et des survivants. Peut-être que je ne suis pas le seul à avoir échappé à la catastrophe.

J’ai visiblement raison de m’inquiéter avec le regard qu’elle a lorsque je lui demande où je me trouve. Elle se mord la lèvre ; pas besoin d’être psychologue pour savoir qu’elle aimerait ne pas répondre à la question et donc que la réponse ne me plaira pas.

Dinotopia... Je ne connais pas ce nom et pourtant je suis plutôt callé en géographie. Avec Abigail nous nous déplacions à travers le monde pour nos recherches et parfois dans les coins vraiment reculés. Et lorsque ce n’était pas pour nos recherches, c’était pour notre plaisir. Elle poursuit en me disant que je me trouve sur île particulière isolée du monde et qui n’a aucun contact avec le reste du monde, un peu comme l’île sentinelle. Toutefois, même cette île est connue alors pourquoi pas cette dinotopia ? Et pourquoi ce nom ? Comment se fait-il que nous nous comprenions si bien ? S’ils parlent anglais, comment cela se fait-il qu’ils n’aient pas de contact avec l’extérieur ? Beaucoup de question se bousculent dans mon esprit et je décide de suivre son conseil et de m’allonger à nouveau.

Kai ▬ Dinotopia...

Cela me laissait songeur. J’allais reprendre après ce murmure en m’enfonçant à nouveau dans ce lit très confortable quand la porte s’ouvrit d’un seul coup. Un homme entra, plutôt jeune et s’adressa à elle sous le terme de “matriarche”. J’ai déjà été dans ce genre de sociétés, c’est un terme pour désigner la cheffe d’un village ou d’une communauté. Je suis tombé sur une île où ce sont donc les femmes qui sont au pouvoir, vraisemblablement. Je ne suis pas du genre macho, ça ne devrait pas poser de problème. Elle lui donne tout un tas d’ordre vis-à-vis de la recherche de survivants, bien que plusieurs termes m’échappent totalement. Il lui répond par l’affirmative avant de partir sur le champ en refermant derrière lui.

Pendant leur brève discussion, je détaille un peu plus la pièce dans laquelle je me trouve, les œuvres sculptées, les tapis et tentures chaleureuse, ce plancher au sol, les murs de pierre ou de terre qui ont l’air si épais, cette fenêtre me faisant penser au Maroc. Tout est très étrange et n’a pas vraiment de sens dans cette mixité culturelle. Il y a ce qui semblent être des portraits de famille, mais aussi un qui m’interpelé, un étrange animal que j’ai déjà vu dans des livres d’Abigail.

Je prends une grande inspiration, commençant peu à peu à me dire que la façon dont elle m’a répondu ne signifie qu’une chose...

Kai ▬ Matriarche ? C’est bien comme ça qu’on vous appelle ? Je suis déjà allé dans des villages où les femmes dirigeaient, j’espère que ça ne pose vraiment pas de problème que je me trouve dans votre lit. Je n’aimerai pas manquer de respect à vos traditions.

Il m’est difficile de le dire et je ne veux pas le faire ainsi, comme un malheureux malade. Je veux affronter la vérité comme il se doit. J’ai l’impression que jamais je ne pourrais repartir d’ici et il faut que je l’entende de sa bouche pour être sûr d’avoir compris.

Kai ▬ J’ai... j’ai besoin de vous l’entendre dire clairement... par rapport à cette île... vous avez dit que vous n’avez aucun contact avec le monde extérieur...

Echoué sur le rivage

Ce n'était jamais facile d'avouer à un naufragé sa situation, notamment le fait qu'il ne pourra jamais revenir d'où il venait. Sany avait dû le faire avec Charlotte l'année dernière mais ça ne voulait pas dire qu'elle savait désormais s'y prendre correctement pour ça. Cependant, en tant que matriarche, elle se devait d'être capable de faire face à toutes les situations qui se présentaient à elle. Même si ça devait lui peser sur le coeur. Charlotte avait été plus que dévastée à son arrivée ici et le simple fait qu'elle n'ait plus eut de nouvelles après ça l'inquiétait par moment. Bien qu'elle cherchait à rester optimiste et se dire que la jeune femme vivait une belle vie désormais.

L'homme semblait cogiter à sa réponse. Sans doute fouillait-il sa mémoire pour voir si ce nom là lui disait quelque chose, ce qui était clairement impossible. Mais au moins, il gardait tout de même son calme et même sa raison car il écouta sans réticence le conseil de Sany pour demeurer sur les draps du lit. Il répéta le nom de l'île. Sany approuva d'un léger signe de tête. Leur face à face fut interrompu par l'arrivée du jeune homme, qui ne resta pas longtemps sur place cela dit. C'était l'une des premières choses à faire devant un tel drame : vérifier s'il y avait d'autres personnes qui avaient survécu à l'accident. Peut-être faudra t-il fouiller le désert également, sait-on jamais. Impossible de savoir quand le drame avait eut lieu. D'éventuels survivants auraient pu avoir eut le temps de s'enfoncer d'avantage sur l'île. Sany devra en informer les autres villes et villages, histoire que ces derniers ouvrent l'oeil et envoi éventuellement des patrouilles également. Quand l'homme reprit la parole, la jeune femme se retourna vers lui.

- J'ai tenu moi-même à ce que vous l'occupiez, assura t-elle avec le sourire, ne vous en faites pas pour ça. Mais je me rends compte ainsi que je manque à toutes les bonnes manières. Je m'appelle Sany Jeznak, et je suis en effet la matriarche de cette ville. Bien que ce titre n'est pas réservé qu'aux femmes, c'est moi qui en ait la responsabilité à ce jour.

Sany ne savait pas grand chose du Monde Extérieur. Mais à entendre la façon dont l'homme en parlait, elle avait l'impression que c'était peu courant chez eux, le fait que ce soit les femmes qui gèrent une communauté. Le sourire de la jeune femme s'évanouit aux autres paroles de l'homme. Elle baissa légèrement la tête, joignant ses mains comme mal à l'aise.

- Non aucun...Le reste du monde nous ait inconnu, autant que cette l'île est inconnue du reste du monde...Et pour cause, personne n'a jamais pu la quitter. Tous ceux qui ont essayé...ont été tué par le récif qui nous entoure et qui est la cause de votre accident, quelque soit la façon dont vous passiez par ici. Je suis désolée...

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

La jeune femme est très avenante et me rassure quant à la position que j’occupe dans son lit et le fait que cela n’est nullement une gêne pour elle ou un risque d’offense envers son peuple. Je suis plutôt rassuré car une fois cela m’est arrivé d’attirer l’inimitié d’une tribu africaine et j’ai été obligé de passer une nuit dans la savane en guise d’expiation. Ce n’était pas particulièrement dangereux de mon point de vue car j’étais déjà habitué à la faune sauvage, mais une nuit entière sans dormir pour éviter les ennuis n’est jamais très amusant.

Elle se présente et livre son nom. Sany Jeznak. C’est un joli nom, bien que son origine me laisse perplexe sur le coup. Je lui rends un chaleureux sourire tout en l’écoutant me répondre qu’elle est bien la cheffe de la ville, mais que ce titre n’est pas réservé aux femmes. Je suppose donc que je suis arrivé dans une société plutôt égalitaire et cela me rassure un peu.

Kai ▬ Je m’appelle Kai Awana. Enchanté de faire votre connaissance mademoiselle Jeznak.

C’est après ça que ça se complique. Je lui demande sans doute beaucoup d’effort. Je vois bien que cela la met mal à l’aise de devoir me le dire. Mais j’avais raison d’avoir peur, j’ai bien compris ce qu’elle disait sans mots. Je ne partirai jamais de cette île. C’est ce qu’elle me dit en tout cas. D’autres ont essayé avant et ils ont tous péri au large. Je ne suis pas un ingénieur, je ne suis pas un navigateur pouvant braver un récif ou une tempête que personne n’a jamais franchi. Si ceux qui viennent ici sont coincé, alors je le suis aussi. Si personne ne connait cette île, alors personne ne viendra ici.

Je pose une main sur les sienne avant d’attraper son regard.

Kai ▬ Je vous remercie de me l’avoir dit.

Je prends une grande inspiration. Il faut que j’arrive à encaisser la nouvelle. Machinalement, j’attrape un de mes collier, celui avec une perle bleu océan et je la porte à ma bouche pour l’embrasser tout en portant une main sur mon tatouage de l’Océan. J’ai réussi à survivre et à échoué en vie ici, Abigail a disparu, un prix trop lourd à porter à mon sens, mais si c’est la volonté des esprits de la vie, de l’esprit de l’Océan, c’est pour une bonne raison. Ce n’est pas très scientifique de penser ça et je ferais encore rire beaucoup de mes amis s’ils me voyaient, mais j’ai eu beaucoup de chance dans la vie. Plusieurs attaques d’animaux ou problèmes lors d’aventures périlleuses et à chaque fois j’en suis sorti presque indemne. J’ai grandi dans une culture très spirituelle et je n’arrive pas à croire simplement en la chance. Croire aide à affronter ce qu’on ignore encore. Croire dans ces esprits m’évite pour l’instant d’être ravagé par la tristesse et donne un semblant de sens à tout ça.

Kai ▬ C’est une sorte de Triangle des Bermudes cet endroit en fait... des gens disparaissent et atterrissent ici. C’est pour ça que vous parlez ma langue si bien non ?

Une île totalement isolée du monde ne pourrait certainement pas développer une langue comme l’anglais sans raison. Elle est plutôt typée comme fille, si on ajoute l’étrange mixité culturelle dans cet endroit, je crois que je commence à comprendre. Cette île doit voir s’échouer des gens comme moi de façon plus ou moins régulière depuis longtemps et à force de rester ici, les cultures se sont sans doute fusionnées.

Kai ▬ C’est pour ça que je reconnais des choses qui me font penser à différentes cultures. Je suis loin d’être le seul à m’être échoué ici je me trompe ?

Echoué sur le rivage

Sany répondit au salut de l'homme et à sa présentation d'un signe de tête, lui accordant un sourire. Ce court moment était toujours bon à prendre en guise de répit avant que l'homme ne se rende compte dans quel malheur il s'était embarqué malgré lui.

- Je suis enchantée également, même si j'aurais aimé que cela se passe dans d'autres circonstances.

La jeune femme ne cacha pas son inquiétude, et son regret lorsqu'elle devait annoncé à l'homme la vérité des faits. Elle avait même l'impression qu'il avait compris cela avant qu'elle n'ait eut le temps de lui répondre. Le calme olympien dont il fit preuve avait de quoi autant la surprendre que la rassurer. Il sut garder son sang-froid, résigné à son sort. Il n'était ni en colère, ni affolé, ni au bort du gouffre. Quand il la remercia, une main sur les siennes, Sany lui répondit d'un sourire peiné. Elle regrettait cette mauvaise nouvelle, mais la compréhension de l'homme l'aidait aisément à passer outre son ressenti du moment. Elle garda le silence, respectant un moment celui que s'imposait le dénommé Kai. Ce dernier s'enferma un instant dans des pensées qui n'appartenait qu'à lui et Sany devinait qu'il ravalait ses émotions et essayait d'accepter au mieux le coup du destin qui s'était abattu sur lui. Rares étaient les Dolphinback qui y arrivaient aussi bien. La matriarche devait bien reconnaître que ça la rendait assez admirative.

- Un triangle de...Je suppose, selon votre description.

Elle n'avait aucune idée de quoi il parlait. Mais elle avait comprit l'essentiel. C'était à croire qu'il y avait un autre Récif de l'Effroi quelque part dans le monde ? Bien plus connu que celui-ci en tout cas.

- Non, vous avez raison. Bien des personnes de pays différents se sont retrouvées ici et ce, depuis sans doute le début de l'humanité. Je ne vous cache pas néanmoins que de tels drames restent rares. Il arrive que des décennies passent sans qu'aucun naufrage n'est lieu. Vous êtes le premier de l'année...

Elle marqua une courte pause, avant de reprendre :

- Vous avez peut-être faim ? Je sais que vous ne devez sans doute pas vous sentir à l'aise, mais dès que vous irez mieux, vous pourrez vous laver et peut-être mettre des vêtements plus...propres.

Au moins, il était sec. Il avait largement eut le temps de sécher durant la traversée du désert. Mais ça ne changeait pas le fait que ses habits avaient pris l'eau de mer, devaient être imprégnés de sel, d'algues et de sable. L'odeur en disait long d'ailleurs.

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

Sany ne connais pas le Triangle des Bermudes, mais ce n’est pas étonnant outre mesure. Si des gens arrivent ici, ce n’est pas le genre de chose qui nous vient à l’esprit immédiatement. Pour le moment je me raccroche à sa gentillesse pour éviter de m’effondrer et cet intérêt qu’elle a pour ce que je dis l’espace d’un instant est salvateur.

J’avais raison, je le sentais. Jamais je ne partirai de cette île, jamais. Jamais plus je ne reverrai les contrées d’Afrique ou d’Amérique du Sud qui me plaisent tant. Jamais je ne retournerai sur les plages de mon île natale pour profiter de la brise. Je me préparai intérieurement à la réponse de la jeune femme qui ne pouvait pas faire autrement que me confirmer mes doutes avec un visage grave. Toutefois, l’entendre de vive voix est une autre histoire et cela a l’effet d’un ouragan qui ravage ma vie.

L’émotion monte et je peine à garder mon stoïcisme devant ma sauveuse. Je ne verse pas vraiment dans cette idée qu’un homme doit se montrer fort, même si c’est comme ça que j’ai été élevé, mais je ne veux pas l’accabler avec mes problèmes. Bien qu’elle marque un instant de pause après m’avoir répondu, laissant ce silence s’installer assez pour que mes émotions commencent à me mettre en émoi, elle reprend. Une proposition de manger, c’est une bonne idée et une perche admirablement bien tendue pour me permettre de ne pas m’effondrer devant elle. Je percute aussi que clairement je ne sens pas très bon et la possibilité de me laver ne serait pas du luxe pour éviter d’indisposer ainsi cette demoiselle.

Kai ▬ Je vous avoue que je ne serais pas contre manger un morceau et pouvoir me laver. Merci pour tout.Dis-je avec le sourire.

Cela est une bonne excuse pour me retrouver seul un instant alors qu’elle s’absente de la pièce. Je me recroqueville sur moi-même en position fœtale, attrapant mes genoux et je laisse couler les larmes et éclater les sanglots alors que je repense à mon épouse, à mes amis, à nos animaux, à toute cette vie qui n’est plus qu’un souvenir. C’est encore trop tôt pour arriver à accepter ça. Je n’arrive pas à passer outre. Le simple fait d’imaginer une vie sans tout ça... ça me fait l’effet d’un coup de poignard chauffé à blanc dans le cœur.

Au bout d’un moment, je me redresse un peu, en position assise sur le bord du lit et je me sers un verre d’eau avec cette carafe de cristal. C’est étonnant, mais j’admire cette carafe et le savoir-faire derrière qui l’a vu naître. Cette île est peut-être isolée, mais leurs souffleurs de verre son très bons. Je porte à mes lèvre le verre pour me délecter de la fraicheur de l’eau et sa pureté. Je n’arrive toujours pas à en revenir du goût de cette eau. Elle est merveilleuse.

Je me réinstalle allonger pour bien me reposer. Je crois que j’oscille entre conscience et sommeil pendant un moment, comme si mon esprit n’acceptait pas tout ce qu’il devait assimiler. La Matriarche a raison, je dois me reposer un peu encore et reprendre des forces.

Pour une raison que j’ignore mon esprit vagabonde à se demander à quoi ressemble une société coupée du monde extérieur depuis l’aube de l’humanité en ayant accueilli des naufragés au fil des siècles. Je me demande à quoi peut ressembler leur culture, leurs traditions, leurs croyances et leurs habitudes. Une île insulaire, peut-être qu’il y a tout un tas d’animaux différents de chez nous aussi. La fibre du zoologiste en moi commence à prendre le dessus ainsi que ma curiosité en générale et cela me donne un semblant de force. Je ne pense pas que j’arriverai à cesser de pleurer une telle perte que représente ma vie toute entière, mais je ne peux pas rester dans ce lit à pleurer pour toujours. Il faut que j’occupe mon esprit à quelque chose d’utile pour ne pas rester focalisé sur mon chagrin. Je m’assois sur le bord du lit à nouveau, bien décidé à me lever pour me restaurer...

Echoué sur le rivage

Peut-être que d'autres personnes connaissaient ce triangle dont l'homme parlait, mais en tout cas, ce n'était pas le cas de Sany. Elle n'avait pas eut énormément de contact avec les dolphinbacks et ne s'était pas assez intéressé aux choses du reste du monde pour s'être instruite sur le sujet. Mais en écoutant l'homme, il était évident que ce triangle truc soit un nom pour désigner un phénomène tel que le Récif de l'Effroi. Ou alors le Récif de l'Effroi était-il le triangle pour les gens du dehors ?

Sany respecta un moment de silence que l'homme prit pour avaler difficilement la réalité qui avait l'effet d'une bonne gifle capable de terrasser n'importe qui. Oh, elle n'était pas dans sa tête, mais devinait aisément qu'il devait actuellement voir défiler toute son existence, sa raison d'être, ce qu'il avait connu et qu'il ne connaîtra plus jamais. Impossible de savoir ce qu'il ressentait tant qu'on ne l'avait pas vécu à sa place. Mais Sany savait qu'elle serait anéantie si elle devait se retrouver loin de Dinotopia et tous ceux qu'elle aimait. Mais la jeune femme retrouva vite son sourire quand l'homme accepta toutes les propositions qu'elle lui fit. A vrai dire, à chaque fois qu'il répondait positivement -ce qu'il faisait depuis le début mine de rien-, ça lui faisait plaisir. Un homme trop déprimé se serait enfoncé dans le déni et aurait été capable de se laisser dépérir, le surplus d'émotion l'ayant rendu incapable de trouver l'appétit, ou le sommeil.

- C'est tout naturel, répondit alors la matriarche, je reviens.

Aussitôt, elle quitta la chambre. Ce n'était sans doute pas plus mal de le laisser seul un moment avec lui même. Parfois, en présence d'autrui et surtout d'inconnu, on pouvait avoir du mal à se lâcher et à se rendre compte des choses. Sany se rendit dans sa cuisine. La fenêtre ouverte laissait entrer les derniers rayons orangés du soleil qui coloraient la pièce d'une lueur chaude. Au dehors, les plantations d'oranges se désertaient peu à peu de ceux qui y travaillaient, humains comme sauriens. La journée s'achevait et tout le monde était pressé d'aller se reposer et manger un morceau.

En parlant de manger, que pouvait-elle offrir à cet homme ? Qu'est-ce qui passerait le mieux dans un estomac après un tel drame ? Devant sa corbeille de fruit, Sany cogitait un moment. Quelque chose de rafraîchissant probablement pour commencer. L'air était lourd, chaud, sec par ici. Quelques feuilles de salade trouvèrent place dans une coupelle immaculée, auprès de quelques tomates cerises bien rouge. Pourquoi pas quelque chose de typique également ? C'était une plantation d'orange ici après tout. Les meilleures de l'île. En espérant qu'il aime les agrumes, Sany déposa sur le plateau une belle orange bien ronde, colorée et parfumée. S'il désirait quelque chose de plus bourratif au cas où, ce morceau de pain frais devrait faire l'affaire. Le tout accompagné d'un ou deux biscuits secs et légèrement sucré pour la dose énergétique et enfin, un verre de céramique contenant du thé à la menthe, pour la sérénité.

- Mais je vois que vous vous êtes relevé, s'étonna t-elle bien qu'elle souriait toujours alors qu'elle venait de pousser la porte, son plateau en main, je vous l'aurais posé sur le lit. N'oubliez pas que vous devez vous reposer avant tout.

En effet, le dit plateau était prévu à cet effet, disposant d'un tréteau pour le faire tenir sur les draps. Sany le déposa à côté de l'homme.

- Comment va votre tête ?

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Echoué sur le rivage

La matriarche est très avenante et souriante, cela met vraiment en confiance. Je crois que j’ai de la chance dans mon malheur d’être tombé sur une personne comme elle. C’est le genre de personne à avoir le cœur sur la main, mais peut-être que je me fais des idées. En tout cas son sourire est merveilleux et réchauffe le cœur.

Assis sur le bord du lit, je réfléchis un long moment en me demandant ce que je vais bien pouvoir devenir ici. Je ne sais même pas à quoi m’attendre au niveau de cette culture qui m’est forcément étrangère. Je me penche un peu à regarder à droite à gauche. Je ne vois pas de portrait d’elle avec quelqu’un de récent, ce doit être une matriarche solitaire. En revanche je suis intrigué par le portrait d’une sorte de grand dinosaure et c’est ce qui me renvoie un peu au nom de l’île qu’elle m’a donné, Dinotopia. Pourquoi ce nom ? C’est assez, surprenant. Je mets cela dans un coin de mon esprit pour lui poser la question plus tard. Mon esprit ne cesse de vagabonder et soudainement, après la perte la plus tragique, celle d’Abigail, je songe à mon sanctuaire de crocodiliens, qu’est-ce qu’il va advenir d’eux ? Je n’arrive pas à m’empêcher de penser au pire malheureusement.

C’est à ce moment que Sany revient avec un plateau entre les mains. Elle me fait la morale et j’ai l’espace d’un instant des réminiscences d’Abigail et moi, moments que je ne verrai plus jamais se reproduire. Mon humeur s’assombri un bref instant avec de redevenir lumineuse suite à son sourire chaleureux.

Kai ▬ Vous avez raison. Ma femme me rappelait souvent à l’ordre aussi quand il m’arrivait de devoir garder le lit suite un petit incident.

Suite à ces mots, je m’installe à nouveau, allongé sur le lit, prêt à recevoir l’attention de la matriarche et son plateau.

Kai ▬ Je crois que je vais beaucoup mieux. L’eau me fait beaucoup de bien. Je crois que c’était une vive insolation et qu’il n’y a pas de traumatisme crânien.

J’attrape le plateau posé sur les draps pour l’avoir par-dessus mes jambes. Une magnifique orange, des biscuits secs, de la salade et des tomates cerises bien rouges. Cela m’a l’air vraiment très bon et très frais. La miche de pain donne également envie. J’hume le parfum qui se dégage de ce verre de céramique, un thé à la menthe sûrement. J’aime beaucoup ce genre de thé.

Kai ▬ Je vous remercie beaucoup pour ce plateau, c’est très gentil à vous. Je ne sais pas trop quoi dire d’autre, il n’y a pas de mot.

Je commence doucement à manger, sans trop forcer. Je sais ce qu’il arrive quand on essaye de trop manger suite à ce que je viens de vivre et je n’y tiens pas trop. Je mange donc avec prudence et tranquillité. De toute façon, je n’ai pas de véritable sensation de faim pour le moment, ou alors mes émotions font que l’appétit n’est pas au rendez-vous.

Kai ▬ Je... Matriarche ? J'ai beaucoup de question à vous poser. Mais je n’aimerai pas vous déranger avec alors ça peut attendre un peu.

Echoué sur le rivage

Le voile sombre qui s'était emparé de l'homme pendant une fraction de seconde n'échappa pas à la jeune femme. Sur le moment, elle ne comprit pas l'origine de cette fragilité émotive. Jusqu'aux mots de l'homme pourtant serein. Près du lit, après avoir posé le plateau, Sany s'accroupit, devenant volontairement plus basse que l'homme. Peut-être était-ce étonnant de la part d'une femme leader, mais elle avait une raison d'agir ainsi, c'était pour ajouter d'avantage à son empathie, suite à la question qu'elle s'apprêtait à poser :

- Elle était sur ce qui vous a amené ici...? demanda t-elle doucement, les yeux levés vers l'homme.

Sans vouloir se faire de faux espoirs, ça serait bien que la concernée ait survécu elle aussi et qu'on puisse la retrouver dans un avenir proche. Quoi qu'il en soit, cette position d'infériorité ne dérangeait pas la jeune femme qui s'y sentait plutôt à l'aise, sur son tapis écarlate. C'était sa manière de ne pas brusquer l'homme alors qu'elle parlait de sujet délicat. Kai consentit alors à se rallongé sans émettre la moindre réticence. Bien des gens en auraient déjà eu marre de ces draps et n'auraient pas pris leur santé en compte.

- C'est rassurant, répondit la femme qui se redressa pour garder le visuel sur l'homme de nouveau couché, le soleil tape fort en cette période de l'année et j'ignore depuis combien de temps vous traîniez sur cette plage.

Ce qu'il y avait de vicieux avec les insolations, c'était qu'on s'en rendait généralement compte qu'au dernier moment. Ca frappait d'un coup sans prévenir et on ne savait pas vraiment ce qui se passait à sentir le malaise, la migraine et les nausées venir. Sany eut un large sourire. Ce qu'elle lui avait ramené avait l'air de lui convenir et ne tarissait pas son appétit.

- Alors ne dites rien. Vous avez besoin de reprendre des forces.

Comme dit, impossible de savoir depuis combien de temps il n'avait pas mangé, ni bu avant l'arrivée de la carafe. Aux paroles de Kai, le sourire de la jeune femme s'en alla à nouveau, alors qu'elle baissa un temps les yeux, pensive. Après un bref moment de silence, elle le regarda à nouveau, resserrant un peu plus son voile violacé sur ses épaules.

- Je comprends. Je me doute bien que vous avez des questions. Cela ne me dérange pas d'y répondre. Je me demande seulement si...vous êtes déjà en mesure d'entendre ce que j'aurais à dire.

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Echoué sur le rivage

La jeune femme se penche, se diminue par rapport à ma position, elle croise mon regard en contre-bas de moi, comme pour amener une situation moins agressive. Je redoute un instant ce qu’elle à ma dire, mais c’est une question sur ma femme. En même temps, je viens juste de parler d’elle avec une certaine légèreté alors que j’ai le cœur lourd. Mais comme pour le fait que l’île soit maintenant ma prison à vie, il faut que je verbalise la réalité pour lui donner corps une bonne fois pour toute.

Kai ▬ Oui... nous étions dans le même avion. Je l’ai vu disparaître dans les profondeurs, entrainée par un morceau de la carlingue... Elle est forcément morte noyée...

Je ne sais pas encore comment faire face à la disparition de ma tendre Abigail. C’est impossible pour l’instant d’imaginer un monde où elle ne sera pas à mes côtés. A peine ai-je le temps de commencer à penser à tout ça que je me résigne à changer de sujet et à saisir le plateau tout en m’allongeant.  

Il faut que je mange pour reprendre des forces et mettre cette insolation derrière moi. Elle a totalement raison une fois encore de me faire la leçon. Je suis plutôt du genre casse-cou aventurier et je prends assez peu soin de moi dans ce genre de circonstances, alors autant dire qu’avec le ciel qui me tombe sur la tête depuis le crash, je n’ai vraiment pas fait attention.

Kai ▬ Je pense qu’il sera compliqué de savoir pendant combien de temps j’ai été inconscient, il faisait nuit et je me suis réveillé lorsqu’il faisait jour. Je suis tellement resté bloqué dans mes pensées que je ne saurais dire combien de temps je suis resté en plein soleil.  

Je souris à Sany. Si cette femme est aussi prévenante avec un inconnu me ressemblant, alors elle doit être une formidable matriarche prenant soin de son peuple. Je ne me suis pas rendu compte à la première bouchée, mais la salade, les tomates, et surtout cette orange, tout est absolument délicieux sur ce plateau. J’ai rarement mangé des produits aussi bons.

Kai ▬ Waoh ! Une fois encore, je suis étonné, mais c’est vraiment délicieux. Une chose est sûre, s’il y a un point positif à être bloqué ici, en dehors de votre compagnie, c’est bien que les produits soient d’une qualité exceptionnelle ! Je ne sais pas trop comme cela se fait, mais clairement tout à meilleur goût. Au passage, cette orange... c’est fabuleux. Je n’en n’ai jamais mangé d’aussi bonne.

L’appétit me gagne vite à profiter d’un plateau aussi généreux. Je ne doute pas de récupérer assez vite et de pouvoir cesser d’être un poids pour la demoiselle.  

Elle baisse les yeux et prend un air pensif juste avant de resserrer sur ses épaules son voile violacé, comme si elle hésite à répondre à ma question. Elle doute que je sois en mesure d’encaisser ce qu’elle a à me dire sur son île. Je ne sais pas trop de quoi il peut s’agir, mais si jamais il s’agit de sacrifices rituels des étrangers, je vais éviter de mettre le sujet sur le tapis et tourner un peu autour du pot. Je prends un air faussement gêné sur le coup et me gratte l’arrière de la tête tout en souriant.

Kai ▬ Alors commençons par quelque chose de simple, vous avez une idée de la superficie de l’île ? Je veux dire, elle ne doit pas être si grande que ça si personne du monde extérieur ne sait qu’elle existe.  

Je prends une petite gorgée d’eau que je me sers à nouveau avec la carafe. Il faut que je m’hydrate régulièrement, pour que mon corps assimile l’eau. Cela a un pour effet aussi de me nettoyer un peu la bouge. L’intérêt est de préparer un minimum mon palais à boire ce thé. Son parfum est tel que je ne veux rien rater de sa subtilité. Lorsque je le bois, j’ai l’impression d’être en Inde.

Kai ▬ C’est dingue. Ce thé me rappelle l’Inde... Il est délicieux. Cela me fait penser. Je n’ai pas demandé avant de me restaurer, mais il y a des choses que j’ai besoin de savoir vis-à-vis de vos coutumes et nourritures ? Je ne voudrais pas manquer de respect à vous ou à vos semblables en mangeant n’importe quoi, n’importe comment. Si c’est déjà le cas, je m’en excuse.

Echoué sur le rivage

Ah oui, un avion. C'est l'appareil qui volait c'est ça ? Sany regardait l'homme avec peine alors qu'il reconnut avoir vu son épouse se faire entraîner dans les bas fonds. Est-ce que ça signifiait qu'elle était réellement morte ? L'optimisme de Sany avait tendance à lui dire que sans l'avoir vu pour de bon, on ne pouvait le savoir. Le père des frères Scott aussi avait donné l'impression de finir sous les eaux, coincé dans son appareil à cause de sa ceinture. Pourtant, les deux frères l'avaient retrouvé des mois plus tard. Cette leçon avait fait prendre conscience à Sany que rien n'était jamais certain quand aux disparus. Toutefois, ce n'était pas la peine non plus de garder un espoir qui était peut-être faux. Mieux valait croire le pire, et éventuellement avoir une belle surprise plus tard, que d'espérer le mieux et se retrouver gravement déçut en fin de compte.

- Je...Je suis désolée...J'aimerais pouvoir vous dire qu'elle peut encore avoir eut la chance de s'en sortir, on ne sait jamais, mais...

Mais quoi ? Rien du tout. Elle n'avait pas envie non plus de lui dire de ne pas se leurrer, autant qu'elle ne voulait pas qu'il devienne obsédé à l'idée de la retrouver. Dur choix. Alors autant ne pas émettre de choix du tout sur la façon de voir les choses. Les recherches étaient en cours alors le mieux encore était d'attendre leur verdict.

- Tout va bien, vous êtes tiré d'affaire à présent.

Mais, comme elle s'en était douté, il ne sera pas facile de dater le crash du coup, de savoir si d'autres survivants avaient eut le temps de voir plus loin que Kai sur l'île, de savoir déjà s'il y avait d'autres survivants. Les skybax passeront au dessus de l'océan et peut-être trouveront-ils des échoués encore au large accroché à un quelconque morceau de l'appareil ? Il était encore beaucoup trop tôt pour dire de quoi il retournait au sujet de l'accident. L'homme fut autant étonné par la nourriture qu'il ne l'avait été par l'eau. Sany eut un large sourire. Est-ce que tous les dolphinback notaient cette différence ? Sany n'avait pas eut de retour avec Charlotte...Mais cette dernière avait été si bouleversée qu'elle n'avait pas dû faire attention.

- Cela vient peut-être de ce que vous avez traversé. Tout doit vous paraître meilleur après coup.

Une hypothèse comme une autre. Après avoir bu la tasse dans la mer, l'eau cristalline de la carafe devait lui sembler bien meilleure ! Puis, avec une légère pointe de fierté agréablement dissimulée dans sa voix et son sourire, elle ajouta :

- Nous disposons ici des meilleurs orangers de l'île.

On pouvait évidemment les cultiver ailleurs, mais la palme restait clairement aux plantations de Khasra, le climat y étant beaucoup pour quelque chose en plus des générations de cultivateurs qui se suivaient dans l'hacienda. Quoi qu'il en soit, l'homme semblait disposer à vouloir en savoir plus. Ca ne tenait qu'à lui, c'était tout à son honneur et probablement légitime. Rester à savoir quelles étaient ses limites, à quel point il pourrait supporter les réponses. A sa première question, Sany se détourna un moment de lui pour s'emparer d'un petit tabouret qui se trouvait non loin d'elle. Elle revint près du lit avec, et s'installa au chevet de l'homme.

- En effet, environ trois cent kilomètres, un peu près.

Elle connaissait mieux la géographie du désert que celle de l'île entière, mais ça aura au moins de quoi donner une idée à l'homme en matière de taille. Hm, l'Inde...C'est quoi l'Inde en fait ? Apparemment, il y avait du thé là-bas, ou de la menthe. La jeune femme se ressaisit à la question suivante de l'homme. Décidément, il était vraiment attentionné et très enclin à ne pas commettre le moindre impair malgré lui.

- Ah, c'est vrai. Il me semble que dans vos pays, vous avez tendance à manger des animaux. Alors sachez juste que ce n'est pas le cas ici. J'espère que vous n'avez rien contre les fruits et légumes.

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échoué sur le rivage

Abigail peut-elle être encore en vie ? C’est à demi-mot ce que suggère la réponse de ma sauveuse, mais est-ce que cela est vraiment possible après ce que j’ai vu ? Cela me paraît hautement improbable, mais pourquoi pas. Je préfère affronter sa mort et qu’elle me revienne comme un cadeau des esprits que de me bercer d’illusions pendant trop longtemps. Sinon ce serait quoi ? D’abord le retour d’Abigail, puis la possibilité de quitter l’île contre toute attente ? Non, il vaut mieux rester sérieux un instant.

Kai ▬ Vous avez raison. On ne sait jamais. Mais une telle chose est maintenant entre les mains de l’Océan. Il a avalé l’appareil, ses passagers et m’a laissé. Si le grand esprit de l’Océan a fait son choix, je doute qu’il me la renvoie.

Je suis tiré d’affaire, c’est un fait pour ce qui est du crash, mais survivre n’est pas le plus dure sur cette île j’en ai peur. Il va falloir que je réinvente ma vie maintenant pour m’intégrer à une société dont j’ignore absolument tout. Ce n’est pas un défi qui m’est étranger, mais à chaque fois que je suis venu auprès de peuples reculés, j’ai toujours pu rentrer chez moi par la suite et c’est ça qui commence à me faire peur.

Elle a peut-être raison une fois encore, c’est sûrement le crash qui me fait avoir cette sensation, mais peut-être qu’il a autre chose aussi.

Kai ▬ C’est possible oui. Mais c’est peut-être aussi que votre terre est protégée du monde extérieur aussi. Votre terre n’est pas polluée par tout ce que les humains du monde extérieur lui injectent pour des soucis de rendement.

J’ai déjà vu ça en Amazonie. Beaucoup de légumes et fruits que des aborigènes font pousser sont très riche en goût. Quant à l’eau, j’ai déjà vu ça dans les sources de montagnes très pures. Mais là, l’eau c’est encore autre chose, à croire que même l’eau chez eux ne serait pas touchée le moins du monde par la pollution.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me donne une telle valeur. Que ce soit en superficie ou en périmètre, cela m’étonne que nous n’ayons jamais trouvé cette île avant.

Kai ▬ Trois cent kilomètres carrés ? Enfin que ce soit ça ou en périmètre, je suis surpris qu’on n'ait jamais trouvé votre île avant.

Il doit y avoir beaucoup à découvrir sur une île de cette taille. Je crois que j’aurais encore fort à faire pour m’adapter. Peut-être même qu’avec une telle taille il peut y avoir un ou deux autres villages.

Une autre de mes questions trouve réponse grâce à la jeune femme. Je suis à la fois surpris et peu surpris par cette dernière. Il n’est pas rare que les peuples isolés sur des îles consomment principalement des légumes et des fruits et limitent leur consommation de viande. Mais bannir totalement la viande est assez surprenant compte tenue de la possibilité de la pêche.

Kai ▬ Je comprends. Oui nous sommes des consommateurs de viande et je dois dire que j’aime particulièrement ça. Je m’adapterai. J’ai déjà lors de mes aventures en pleine nature fait des concessions et manger des légumes ou des fruits uniquement. Toutefois, je m’étonne, vous ne consommer pas de poissons ou de fruits de mer en vivant sur une île ?

Echoué sur le rivage

Hm. Cet homme venait donc d'un peuple avec ce genre de croyance ? Pourquoi pas. Il y avait tellement de cultures, d'ethnies différentes dans le monde. Sany le voyait bien à chaque nouveau dolphinback, on pouvait s'attendre à tout. Avec une religion propre à l'endroit d'où il venait, ses coutumes et ses traditions. Le genre de chose qui n'avait plus trop d'importance sur Dinotopia, car tous ces peuples se mélangeaient et leur différences se changeaient en similitudes.

- L'avenir vous en tiendra informer, répondit la jeune femme, si jamais vous n'êtes pas seul à être arrivé ici, nous finirons pas le savoir rapidement.

Bien que c'était rare, finalement, les survivants. On avait tendance à dire qu'il y avait peu d'incidents car peu de naufragés atteignaient Dinotopia mais si ça se trouve, il y avait bien plus de drames qu'on voulait bien le croire, à la différence qu'il n'y avait aucun survivant pour le prouver...

- Ah ? fit-elle à l'hypothèse du rescapé, vous injectez des choses à la terre ?

Mais quelle idée. La terre savait se débrouiller toute seule, non ? Il n'y avait qu'à voir ce que le sol pourtant dur et sableux de Khasra était capable de faire avec les orangers. Et pourtant, c'était loin d'être le sol le plus fertile de l'île. Elle haussa les épaules avec évidence.

- Il serait plus sage de dire que ceux qui l'ont trouvé n'ont jamais pu en faire part dans votre monde.

La logique voulait que comme personne ne quittait l'île, personne n'avait pu rapporter son existence au reste du monde. Enormément de personnes devaient pleurer leurs semblables alors que ces derniers étaient pourtant bien en vie, en train de refaire leur existence à Dinotopia. C'était triste. Sany se demandait parfois ce qui se passerait si le Récif de l'Effroi venait à disparaître et que n'importe qui pouvait aller et venir à Dinotopia.

L'homme était prêt à s'adapter à ce nouveau régime qui s'imposait à lui. Disons qu'il n'avait pas trop le choix. S'il espérait tomber sur une vache ou un poulet, il serait vite surpris. S'il tenait tant que ça à la viande, sa seule chance serait de rejoindre les Outsiders, mais Sany allait éviter le plus longtemps possible leur sujet. De toute manière, Kai n'avait pas l'air trop dérangé par une alimentation végétale, bien qu'il s'étonnait de ne pas voir de poissons au menu.

- Rarement, avoua la jeune femme, nous avons su nous débrouiller pour faire le moins de mal possible à la faune de l'île. Il n'y a pas de raison d'aller chercher des poissons dans la mer alors qu'on peut avoir toute la nourriture qu'on veut depuis la terre.

L'alimentation n'était généralement pas ce qui posait le plus problème aux nouveaux venus. Pas qu'elle sache en tout cas.

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Echoué sur le rivage

La matriarche a un vraiment un bon fond. Je sens qu’elle ne veut pas me donner de faux espoirs vis-à-vis de la suite des événements et la possible survie d’Abigail. Mais en même temps elle se montre honnête avec ses propres convictions et me dit que rien n’est joué tant que les patrouilles ne rentrent pas avec la certitude que.

Kai ▬ Merci. C’est gentil de votre part.

La réponse de Sany est d’une telle évidence. C’est un fait, pourquoi injecter des choses dans la terre ? Nous sommes assez d’accord sur ce point.

Kai ▬ Aaaah. Ce n’est pas facile à expliquer. Disons que le monde marche sur la tête. C’est sûrement compliqué à comprendre de votre point de vue, mais il y a beaucoup de gens qui pensent pouvoir faire ce qu’ils veulent, en dépit du bon sens et de la nature. Aussi, pour produire toujours plus sans aucune raison de le faire, ils utilisent des produits plus nocifs les uns que les autres et autant dire que la terre n’aime pas ça à la longue.

Finalement ce n’est peut-être pas un mal qu’elle ignore des choses du monde extérieur. Elle serait surement choquée de voir dans quel état les hommes peuvent mettre leur propre monde. Dans mon malheur, je suis peut-être tombé sur une terre idylique, bien que rien ne soit à ce point aussi beau.

Je comprends la logique de sa réponse. Si personne ne parvient à quitter l’île pour signaler qu’elle se trouve là, alors personne ne peut le savoir tout simplement. Toutefois, en 2021, elle est loin de se douter de l’avancée du monde et de sa situation. Nous connaissons et cartographions d’autres planètes de notre système solaire. Nous connaissons certes moins les fonds marins que l’espace, mais pour ce qui est de la géographie, il est en réalité parfaitement surprenant qu’une telle île n’ait pas été découverte.

Kai ▬ Certes on peut le dire ainsi. Mais aujourd’hui il y a tellement de chose qui volent dans le ciel et l’espace pour photographier chaque parcelle de la planète que ça semble presque être un monde perdu et protégé d’une façon ou d’une autre du monde extérieur.

Je me demande si ce n’est pas la tempête qui a piégé l’appareil. Peut-être que d’une certaine manière elle empêche les satellites d’avoir des images de l’île. Cela me fascine totalement. Cela semble trop irréel pour être vrai et agace mon côté scientifique tout en stimulant la passion du croyant.

Elle me répond sans détour sur le fait qu’ils ne consomment que peu produits de la mer car ils produisent bien assez de nourriture en la faisant pousser pour ne pas avoir à chercher de poissons dans la mer.

Kai ▬ Je peux comprendre ça. Je vous avoue que si consommer des produits de la mer ne dérange pas votre peuple, je pourrais m’accommoder de manger des légumes et parfois du poisson. Comme je disais, avec mon métier j’ai souvent été obligé de faire avec les coutumes des gens qui m’aidaient.

C’est là que j’ai compris une chose qui semblait sans doute très importante. Ces gens, très proches des vegans que l’on peut voir dans le monde extérieur, semblent en effet plutôt en forme et vu la qualité de leurs légumes, ce ne serait pas étonnant qu’ils consomment tout un tas de produits plus exotiques et typiques de leur île pour réussir à vivre sans carences.

Kai ▬ Dites-moi, comment est-ce que ça se passe quand quelqu’un comme moi arrive sur votre île ? Je veux dire... je ne vais pas rester chez vous. Il faut que je me trouve un chez-moi je suppose et quelque chose à apporter à la communauté non ? Mais je doute fort que ce à quoi je suis formé vous aide ici.

Comme si un zoologiste expert en reptiles pouvait être d’une quelconque utilité sur une île insulaire peuplé de végétariens.

Echoué sur le rivage

Sany était d'un naturel optimisme. Sans preuve, elle ne donnait jamais confirmation aux faits. Même si c'était assez difficile dans le cas de corps disparaissant dans le tréfonds des abysses. Elle s'intrigue rapidement de la façon de faire des gens dans le Monde Extérieur. D'autres Dinotopiens savaient peut-être plus de choses qu'elle sur le sujet, notamment de très anciens Dolphinback ou leurs descendances, mais elle était Dinotopienne depuis des générations et des générations. Autant dire que le Monde Extérieur était aussi inconnu d'une autre planète. Kai tenta alors de lui expliquer la chose. Et sa réponse plongeait la matriarche dans l'incompréhension la plus total.

- Pourquoi le faire alors ? Si cela abîme la terre, ça doit sans doute abîmer ce que vous semez, non ?

Oh, d'où la différence de goût ? Hm. Mais c'est un peu débile du coup, non ? Pourquoi faire quelque chose de mauvais pour obtenir quelque chose de mauvais ? Ca n'avait aucun sens ! Quand à l'avancée du monde, elle ne pouvait que le croire. A chaque nouveau Dolphinback qui venait, beaucoup de curieux aimaient lui demander comment ça évoluait dans son monde. La technologie faisait des choses si incroyable que Sany peinait à croire en la moitié. Et n'arrivait pas à comprendre l'utilité de l'autre. Se rendre sur la lune ? Mais pourquoi faire ? En revanche, de naufrage en naufrage, il y avait bien une chose qui n'avait jamais changé dans les témoignages, c'était la guerre dans le Monde Extérieur. Une fois la guerre par ci, une autre fois par là. A croire qu'ils ne faisaient vraiment que ça là-bas, à tour de rôle pour chaque pays.

- C'est à cause du Récif de l'Effroi, expliqua à son tour la jeune femme, c'est un genre de phénomène naturel qui encercle notre île et qui...Eh bien, empêche tout appareil d'entrer ou sortir...

Sans compter le champ magnétique qui brouillait les réseaux, d'où le fait que les rares téléphones portables survivants aux accidents ne marchaient pas.

- Disons que nous réservons les produits de la mer pour...seulement quelques exceptions.

Elle préféra taire pour le moment le nourrissage de reptiles volants et de tigres à dents de sabre ! Sany devait bien admettre que la question de l'homme la ravissait quelque part. Rares étaient les nouveaux venus déjà prêt à faire le nécessaire pour s'intégrer. D'habitude, ils sombraient dans le déni, ne voulaient rien savoir si ce n'est trouver un moyen de quitter l'île malgré tout ce qu'on pouvait leur dire. Pour beaucoup, il leur fallait un certain temps pour avaler tout ce qui leur arrivait.

- Nous avons un protocole dédié aux personnes comme vous. Et chez nous, les personnes comme vous sont nommés Dolphinbacks. A vrai dire, ça ne me dérangerais pas que vous vous attardiez ici...D'ailleurs, prenez votre temps. Vous devez avant tout penser à vous et récupérer de ce que vous avez vécu. Mais quand vous serez prêt, vous pourrez vous rendre au sénat de Waterfall City, l'une de nos capitales. C'est là-bas que s'enregistrent les nouveaux arrivants. C'est aussi là-bas que l'on pourra vous assigner à quelqu'un qui s'occupera de vous jusqu'à ce que vous puissiez être indépendant...Il serait également préférable que vous commenciez un cursus scolaire.

Elle marqua une courte pause avant d'ajouter :

- Ici, ce n'est pas réservé aux enfants. Les Dolphinbacks de tous âges s'y instruisent et y apprennent à s'intégrer dans notre communauté.

Codage par Libella sur Graphiorum

ECHOUE SUR LE RIVAGE

La mondialisation et la consommation à l’excès. Voilà de quel monde je viens en réalité et lorsque je porte mon regard sur ce dernier, mon jugement est très mauvais. Avec Abigail, nous n’étions pas dupes et nous militions énormément pour que les choses changent. Je me suis rendu dans beaucoup trop d’endroit en constatant que les pays les plus riches les prenaient pour leurs décharges.

Kai ▬ Autant être honnête, le monde est dirigé par de hommes avec peu de scrupules pour qui le profit est le mot d’ordre. C’est pour produire plus, plus vite et en toute saison qu’ils font subir ça au sol. D’autres société pollue le sol, l’air et les rivières ou les océans pour produire telle ou telle marchandise, un vrai enfer pour les animaux sauvages.

Combien d’animaux ai-je aidé à se libérer de prison de plastique ? Aucune idée tant il y en avait trop. Moi qui adore l’eau, il est particulièrement dure de constater le nombre de rivières totalement détruite et impropre à accueillir la vie.

Le Récit de l’Effroi, il a dont un nom. A la fois sans doute un véritable récif, mais en même temps cette tempête lointaine et insondable qui a dévoré notre appareil. Rien ne sort ni n’entre dans cet œil. C’est bon à savoir et je commence à comprendre.

Kai ▬ Hum... je comprends oui. C’est en effet possible. Je ne suis pas physicien ou météorologue. Mais si l’île n’a pas été trouvé par les moyens technologiques que nous avons à l’extérieur, c’est bien qu’il doit y avoir une explication.

Un peu comme les légendes sur le Triangle des Bermudes et son action magnétique. Il doit y avoir quelque chose, peut être des particules dans l’air de cette tempête ou des ondes pourquoi pas qui empêchent de capter quoi que ce soit et de voir quoi que ce soit même avec des satellites. C’est donc bien inévitable qu’une fois ici on y reste.

Si leur quotidien est basé sur l’alimentation à base de légumes, il est logique que le poisson représente donc peut être un certain luxe. En plus, si l’île n’a pas vraiment de points d’eau intérieur où il pourrait y en avoir, cela complique les choses. Enfin, s’ils ne font pas d’élevage alors autant dire qu’il en va de même pour les poissons. Ces gens ont l’air de vivre d’une certaine manière bien plus en harmonie avec la nature. Quand je l’écoute parler, j’ai presque l’impression que pour elle, aller chercher des poissons dans la mer n’a aucun sens si ce n’est de soustraire pour notre plaisir un animal de son environnement.

Kai ▬ Oui je vois, sans doute pour de grande occasion si vous vous modérez autant en temps normal. Vous devez faire pousser des produits qui arrivent à combler tous les besoins complexes de notre corps. C’est fascinant. Je ne vous cache pas que le scientifique que je suis a vraiment hâte de parcourir votre île. Il doit y avoir des choses fabuleuses à apprendre d’un écosystème insulaire aussi ancien. Vous devez avoir des espèces qui n’ont pas été vue depuis longtemps dans le monde extérieur, voir même des espèces totalement inédites à cause de l’isolation.

Chassez le naturel et il revient au galop comme on dit. Une fois encore, l’idée d’une île inconnue de tous depuis des centaines d’années voire même l’aube de l’humanité, c’est inespéré. Les espèces animales potentiellement présentes ici sont coupées du monde depuis autant de temps et ont continué d’évoluer en vase clos. Un tel écosystème représente le rêve de toute une vie pour un zoologiste.

Kai ▬ Hum. Je comprends oui. Dolphinbacks... c’est à cause des dauphins qui nous aident ?

C’est bel et bien un dauphin qui m’a aidé en se laissant attraper pour me ramener à la plage. Sans lui, je serai sans doute mort noyé moi aussi. Cela signifie bien que tous ceux qui arrivent ici le font de la même manière...

Je souris immédiatement alors qu’elle me dit en trainant un peu le ton que je peux rester ici autant qu’il me plaira.

Kai ▬ Vous êtes gentille. Je ne voudrais vraiment pas gêner. Je ne m’en irai pas trop vite. J’ai une dette envers vous et je compte bien aider du mieux que possible ici avant de me rendre à cette... Waterfall City ? Une ville que je pense apprécier si j’en crois son nom. Est-ce obligatoire d’être assigné à une personne ? J’aimerai parcourir un peu l’île avant de vraiment entamer un quelconque processus pour intégrer votre société, vous pensez que cela sera possible ?

Waterfall City, avec un nom pareil, je m’attends à beaucoup d’eau ce qui m’étonne autant que cela m’intéresse. En revanche, cela m’intrigue qu’il ait une notion de capital sur une île. Serait-elle plus grande qu’elle ne me laisse à penser ? Mais je crains légèrement cette idée de sénat devant lequel me présenter. J’espère vraiment que j’aurai le droit à un peu de latitude pour avoir le temps de prendre du recul par rapport à tout ça. J’aimerai bien faire le tour de l’île pour la “cartographier” et me rendre un peu compte de ce que cela représente d’être ici à Dinotopia avant de pleinement entrer dans le moule.

Elle me parle ensuite de cursus scolaire ouvert aux gens dans ma situation. C’est vraiment parfait en fait. C’est sans doute une fois encore le chercheur qui parle, mais apprendre de nouvelles choses a toujours été une source de bonheur pour moi.

Kai ▬ Un cursus scolaire... Cela ne me gêne pas vraiment. Je trouve ça même assez pratique. Je suppose qu’il y a beaucoup de choses à apprendre sur votre île que ce cursus m’aidera à obtenir. Vous avez surement une langue propre à Dinotopia. D’ailleurs, pourquoi ce nom ?

Echoué sur le rivage

Sany avait déjà eut vent plus ou moins des problèmes qui se déroulaient dans le Monde Extérieur. Etrangement, les Dolphinbacks changeaient de mentalité en arrivant ici. Au départ, ils voulaient tous repartir. Parce que leur monde leur manquait, les technologies, leur confort familier et tout un tas de choses qui faisaient qu'ils admiraient grandement leur univers. Puis, petit à petit, quand ils s'adaptaient, s'intégraient, découvraient Dinotopia, ils prenaient conscience qu'un monde sans toutes les choses inutiles et dévastatrices du leur fonctionnait très bien et même mieux. Et à la fin, ils en venaient, pour la plupart, à diaboliser leur univers d'origine.

- J'avais entendu dire que votre monde était loin d'être parfait. Mais c'est toujours difficile de l'entendre.

Parce que les nouveaux venus faisaient part de ce genre de discours. Ce n'était pas un, ou deux à l'esprit un peu méprisant non, c'était tous. Donc c'était sûrement vrai ce qu'ils disaient. Et ça en était d'autant plus triste. Un véritable monde apocalyptique semblait tourner de l'autre côté de l'océan. La jeune femme approuva les dires de l'homme d'un hochement de tête. Le Récif de l'Effroi séparait l'île du reste et à entendre l'homme, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose dans un sens en fin de compte. Bien des hypothèses et des légendes tournaient autour du Récif de l'Effroi, et bien des savants de l'île s'y étaient penchés plus d'une fois. Ce n'était pas les discours qui manquaient sur le sujet. Mais la violence du phénomène était tel que ce n'était pas comme si on pouvait aisément l'étudier pour autant.

- Oh, ça je ne vous le fait pas dire...répondit Sany avec un petit sourire malicieux.

C'était plutôt une bonne chose qu'il évoque ce fait. Est-ce que ça voulait dire qu'il s'attendait à voir des dinosaures ici ? Elle en doutait fortement.

- Alors comme ça, vous êtes scientifique ? Mon mentor en était un. A ses côtés, j'ai étudié le Grand Désert sur toute ses coutures. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eut de scientifique à Dinotopia, venu d'ailleurs je veux dire. Le dernier en date est un biologiste arrivé en 1862, ça commence à faire long !

Elle approuva d'un signe de tête ce que l'homme devina aisément. La plupart du temps, les dauphins étaient là pour secourir les naufragés. Rares étaient ceux qui parvenaient ici de leurs propres mains. Ceci dit, ce n'était pas impossible pour autant.

- Les dauphins sont les gardiens de l'océan chez nous.

Et ils étaient probablement l'une des rares espèces animales connu autant sur l'île que dans le Monde Extérieur. Encore vivante en tout cas.

- Non, vous ne me devez rien voyons. Mais vous ne gênez pas, je vous le promets.

Elle lui afficha un sourire, avant de le perdre aussitôt, songeant alors un instant à ce qu'il lui demandait.

- Eh bien...Non, bien sûr que non, ce n'est pas obligatoire mais...Vous allez être perdu sans personne et vous n'aurez pas de toit où vivre. Dinotopia est loin d'être une île sans danger. Partir à l'aventure sur un coup de tête ne serait pas une bonne idée.

Au moins, il n'était pas réticent à l'idée d'intégrer une classe. Les Dolphinbacks n'étaient généralement pas à l'aise d'être en cours avec des enfants mais si cet homme se débrouillait bien, il passerait les classes à la vitesse de la lumière. Et, aux yeux de Sany, il avait vraiment l'air très intelligent et instinctif. Pas de doute qu'un enseignement ne sera qu'une formalité pour lui.

- En effet, le cursus scolaire permet l'intégration dans la vie active et, vous vous en doutez bien, vous permettra de savoir tout ce qu'il y a à savoir ici.

Elle marqua une nouvelle pause à la dernière question de l'homme. Pas une pause pour réfléchir à quoi répondre, mais vraiment pour laisser le temps au silence de s'installer entre deux alors qu'elle gardait un fin sourire aux lèvres.

- Il s'agit d'une fusion entre les mots dinosaure et utopie, finit-elle par avouer.

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

Le monde extérieur est loin d’être parfait, c’est une évidence, mais il va me manquer tout de même. Mes visites dans certaines réserves du monde entier, nager avec des phoques ou dormir avec des lions, toutes ces choses faisaient partie de ma vie autant que ma femme et mes amis. Je me suis tellement battu pour aider à ce que les gens ouvrent les yeux sur l’enjeu écologique que je trouve ça très douloureux de ne pas savoir si les choses vont changer ou non...

Kai ▬ Vous savez, il y a des gens bien quand même dehors, qui se battent pour que les choses changent et j’ai l’impression que ça commence à venir.

Il ne me reste plus que l’espoir que les choses continuent à aller dans le sens d’un changement des consciences. Il faut que les grands projets de dépollution du monde voient le jour.

Kai ▬ J’espère que les idées que certain ont lancé vont abouttir et qu’on pourra aider la planète à guérir des blessures que nous lui avons infligée.

Il faut espérer maintenant et se dire que le monde va mieux, mais comment ne pas penser au monde extérieur ? Je me vois mal ne jamais regretter de ne pas savoir.

Ce qu’elle me dit là n’est pas banal en réalité. Je suis assez surpris, mais il faut se dire aussi qu’il faut avoir la chance de survivre à l’arrivée sur Dinotopia. Ce n’est pas une mince à faire. Je lui lance néanmoins un large sourire amusé par la situation avant de lui répondre.

Kai ▬ Ah ! Et bien c’est une sacrée coïncidence çà ! Je suis biologiste également. Zoologiste pour être précis. Ça me rend triste quelque part, car les animaux que j’étudiais ou secourais... je ne les reverrai plus et j’étais devenu très ami avec certain d’entre eux.

Une fois encore, la mélancolie revient juste après la joie. Je pense à tous les animaux dans les lagunes chez moi qui vont être à la merci de n’importe qui. Je repense également encore une fois aux animaux que j’ai connu dans les différentes réserves, soignés et chouchoutés par des amis zoologistes. Il n’y a rien de la beauté du monde extérieur que je ne reverrai jamais en réalité et je commence à mesurer tout ce qui au-delà de mon épouse va me manquer...

Mon idée de faire le tour de l’île pour me faire un peu à cette nouvelle vie n’enchante pas vraiment Sany et je peux le lire sur son visage comme dans ses dires. Il est vrai qu’une île inconnue reste dangereuse et contrairement au monde extérieur, il y a surement des animaux que je ne connais pas ici. Il y a toutefois des comportements universels. Cela ne m’effraie pas outre mesure, j’ai de l’expérience et je sais me préparer en fonction. Mais je vais peut-être y réfléchir un peu plus.

Kai ▬ Je vois à votre visage que l’idée ne semble vraiment pas bonne. Si ça peut vous rassurer, j’ai déjà été dans des lieux dangereux, j’ai l’habitude en un sens, mais je réfléchirai à au moins prendre des renseignements avant dans ce cas. C’est juste que... je trouve ça difficile pour l’instant de me projeter sans faire un petit tour de l’île... je ne sais pas trop comment expliquer ça.

Il serait bon que je me renseigne au moins sur les coins les plus dangereux, mais si je fais le tour de l’île en longeant la côte pour cartographier l’île, je pense que je peux rester protéger. Les carnivores s’il y en a sur l’île ne sont en général pas des animaux aimant les côtes.

La matriarche me livre alors le mystère du nom de cette île, mais cela me laisse encore plus perplexe en réalité. Je ne vois pas trop le sens de tout ça. Il faut que je creuse encore un peu la question car je trouve ça vraiment fascinant et Abigail m’en voudrait de ne pas poser la question.

Kai ▬ Dinosaure et utopie ? On dirait presque que cette île était faite pour ma femme alors. Elle étudiait ces créatures disparues. C’était son métier et sa passion. J’ai vu d’ailleurs un portrait là d’un dinosaure. Vous devez avoir des squelettes d’une qualité exceptionnelle pour faire de telle déductions sur leur apparence. C’est de là que vient le nom je suppose ? De l’abondance de fossiles.

Echoué sur le rivage

Sany observa l'homme, un léger sourire aux lèvres. Son but n'avait jamais été de dire du mal de son monde, loin de là. Elle avait toujours espéré en effet que tout ne soit pas tout noir non plus. Après tout, les Dolphinbacks étaient pour la plupart des gens très bien et lui le premier.

- Dans ce cas, j'espère de tout coeur que votre monde puisse s'améliorer avec le temps.

Qui sait ? Un jour, les prochains naufragés apporteront des nouvelles réconfortantes de l'extérieur. Ils pourront ainsi rassuré leurs semblables bloqués ici depuis des années qui s'interrogeaient sur ce que devenait le reste de la planète. Sany voulait y croire autant que son hôte. Après tout, même si elle vivait à l'écart sur son île, en fin de compte là dehors ça restait son monde aussi. Ils étaient tous sur la même planète. La Terre. Et il fallait la préserver.

- En effet, quelle coïncidence, s'amusa la jeune femme, vous vous entendriez bien tous les deux. Lui aussi avait un...goût prononcé pour l'exploration dès son arrivée.

Elle posa une main sur l'épaule de l'homme avant d'ajouter :

- Ne le soyez pas. Vous l'avez dit vous-même : il y a des gens bien dans votre monde. D'autres prendront soin d'eux et poursuivront vos oeuvres.

C'était normal d'être malheureux pour ce qu'on avait perdu. En dehors de sa curiosité et de son enthousiasme certain, Kai ne perdait pas de vu pour autant ce qui avait été important pour lui dans sa vie d'avant.

- D'ailleurs, de quel pays venez-vous ?

Sany était très loin de tous les connaître, mais peut-être que, par chance, il lui citerait un nom qu'elle aurait déjà entendu au moins une fois.

- Je ne voulez pas vous précipitez en vous expliquant ce qu'il aurait été convenu de faire pour vous, fit-elle dans un semblant d'excuses, mais c'est vrai que ça m'inquiéterais de vous savoir en vagabondage. Si vous désirez mieux connaître l'île, nous avons des cartes, et tout ce qu'il faut.

Cette pauvre femme. Si effectivement elle avait disparu sous les flots, c'était une grande perte. Sany ne savait presque rien d'elle mais il lui suffisait d'entendre le ton utilisé par Kai lorsqu'il parlait d'elle pour qu'elle ne doute pas une seule seconde qu'il s'agissait de quelqu'un de bien.

- Votre femme se serait vraiment plu ici je pense, s'avança t-elle sans doute un peu trop.

Ce fut là, sa seule réponse à l'homme sur les hypothèses qu'il venait d'émettre. Puis, sans ajouter un mot de plus, la matriarche se leva de son tabouret et s'éloigna du lit. Elle avança jusqu'à la fenêtre qu'elle ouvrit, laissant entrer une vague d'air chaud dans la pièce malgré l'heure tardive. Les murs d'en face se teintèrent d'une coloration orangée sous les rayons crépusculaires et l'astre du jour ne formait plus qu'un demi-cercle à l'horizon. Finalement, Sany resta près de la fenêtre et adressa un regard par dessus son épaule vers l'homme.

- Pourriez-vous venir je vous prie ?

Depuis l'appartement, les hectares de plantations d'orangers s'étendaient à perte de vue. A cette heure-ci, il n'y avait quasiment plus personne parmi eux. Néanmoins, au loin encore on pouvait apercevoir les silhouettes sombres en contre jour de forme imposante qui vagabondaient paisiblement à l'horizon, leur long cou dépassant aisément la cime des nombreux arbres fruitiers.

Codage par Libella sur Graphiorum

Echoué sur le rivage

Sany est une femme incroyablement bien et cela me met en confiance pour la suite de mon séjour... enfin de ma vie ici. Je crois que je lui fais de plus en plus confiance et son sourire et ses paroles me réchauffent.

Kai ▬ Je l’espère de tout cœur.

Je ne me vois pas pessimiste dans la vie, bien au contraire. Je fais partie de ces gens souvent agaçants qui pensent que les choses peuvent toujours s’améliorer et que tout est possible avec beaucoup d’effort, de volonté ou d’entraide.

Je ne pose aucune limite à ce que je peux faire ou découvrir. Pour le plus grand malheur d’Abigail qui a souvent entendu parler d’accident dans lesquels j’ai été impliqué en haute montagne ou en Amazonie. Fort heureusement, jamais rien n'allant au-delà de blessures superficielles, plus de peur que de mal comme on dit. Mais cette nature ici pourrait me coûter cher en cas de réelle malchance, car je doute qu’ils aient la médecine moderne pour aider.

C’est amusant, mais j’aime beaucoup la voir sourire. Le fait d’avoir une conversation aussi légère à propos de cet autre infortuné biologiste arrivé bien longtemps avant moi me fait oublier ma situation.

Kai ▬ C’est dommage en effet. Parler entre biologiste est toujours fascinant. Mais peut-être avez-vous des scientifiques versés là-dedans. Nous avons tous nos spécialités, j’espère rencontrer d’autres zoologistes ou scientifiques s’apparentant à cela.

Ce serait intéressant de pouvoir rencontrer d’autres personnes un peu comme moi ici et avec lesquelles converser à propos de la faune locale et de son rapport aux humains qui vivent sur l’île.

La matriarche pose une main sur mon épaule et ajoute quelques mots réconfortants. J’espère qu’elle a raison et que d’autres continueront notre œuvre. Je suis convaincu que c’est le cas. Je ne suis qu’un rouage tout petit dans l’immensité du monde et il ne faudra pas longtemps pour que quelqu’un me remplace. Du moins, c’est ce que j’espère. Ce que j’espère, c’est que les animaux que j’avais en protection seront bien traités.

Kai ▬ Merci, je l’espère aussi.

Puis elle enchaîne avec une question sur mes origines. Il faut dire que la jeune femme a l’air d’avoir des notions du monde extérieur et il y a eu d’autre naufragés comme moi avant donc il se peut qu’elle connaisse quelques que pays du monde.

Kai ▬ Je suis originaire de Polynésie, c’est un archipel. Mais j’ai longtemps vécu pour mes études aux Etats-Unis d’Amérique. Sinon j’ai voyagé un peu partout pour étudier les animaux dans leur milieu naturel et leurs rapports avec les hommes.

Je suis un peu gêné maintenant que la Sany s’excuse presque en pensant m’avoir un peu bousculé dans les démarches que j’aurai à faire bientôt pour m’intégrer. Je lui retourne un grand sourire pour lui faire comprendre que tout va bien.

Kai ▬ Ne vous en faites pas, je me préparerai avec soin avant de partir. Je ne me mettrai pas en danger. Je songeai surtout à longer la côte dans un premier temps et prendre un peu de temps pour moi et me faire à l’idée de rester ici. Enfin, si on m’y autorise avec d’aller à l’école. Je ne sais pas trop à quel point je serai libre de faire comme je l’entends de toute façon. Vous parliez d’une forme de tutelle après tout.

Je ne voulais vraiment paraître ingrat ou présomptueux face à ma sauveuse qui faisait déjà tant pour m’aider.

Sany a fait une réponse très laconique, mais qui me fait sourire. J’aime à penser qu’Abigail se serait plu ici en effet. Mais je reste sur ma faim avec mes questions en suspens. Cependant, la matriarche se lève pour se diriger vers la fenêtre qu’elle ouvre en grand avant de m’inviter à la rejoindre.

Kai ▬ Je pense que je peux faire ça malgré ma situation oui. Dis-je un peu blagueur par rapport à ses conseils passés de rester allongé.

Je sors du lit et me lève pour rejoindre Sany à la fenêtre. Je commence à sentir le fond de l’air chaud qui entre à l’intérieur de la pièce. Je vois dans un premier temps les vastes hectares de plantations d’orangers à perte de vue, mais quelque chose capte bien plus vite mon attention. Des créatures massives, au long coup, comme des silhouettes dans le crépuscule.

Kai ▬ C’est impossible...

J’avais l’impression d’être ce personnage de film découvrant pour la première fois un dinosaure. Mon esprit va à cent à l’heure, mais se fige en même temps. Mes jambes flagelles et j’éprouve le besoin de me poser à nouveau sur le rebord du lit. Ce n’est pas de la peur, mais bien de l’excitation et mon visage est plus souriant que jamais.

Kai ▬ Ce sont bien des... ce sont bien des dinosaures ?! Mais comment est-ce possible ?!