[Terminé] Une promesse à tenir - Xyria

La nuit avait été agitée pour la jeune femme qui, comme on peut s'y attendre, a vu se dessiner dans son esprit l'ombre obscure qui était venu lui rendre visite dernièrement. Mais la fatigue aidant, elle ne s'était pas réveillée pour autant et avait eu droit, une fois les cauchemars éclipsés, a une longue période de sommeil réparateur. Au petit matin, Charlie qui désirait laisser autant que possible ces histoires derrière elle _tout en sachant que ça n'était pas aussi simple_ et aller de l'avant, s'était préparée pour partir le plus tôt possible. En quittant cet endroit, elle espérait atténuer un peu son mal-être.

De son côté, pensa Charlie, Xyria n'aurait surement pas craché sur quelques heures de sommeil supplémentaire. Avait elle eu du mal à s'endormir après ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'elle avait fermé l'oeil un peu trop profondément? La jeune femme la soupçonnait de s'être inquiétée, tout comme le reste du village, certainement. Eux aussi avaient certainement eu du mal à trouver les bras de Morphée. Et tout comme Charlie était pressée de partir, ils devaient attendre son départ avec autant d'impatience. Quoi de plus normal, après tout, lorsqu'on sait. Ils savaient ce qu'elle avait fait et en dépit des raisons qui l'avait poussée à commettre cet acte, il n'en restait pas moins le résultat sanglant que l'on avait découvert sous les reflets lunaires et la peur logique, humaine, instinctive, que certains ressentaient à son égard. Tout cela, Charlie en avait bien conscience malgré l'absence de commentaires ou d'œillade désagréables sur son passage. Ce genre d'attitude n'était pas commune de la société dinotopienne, et pourtant l'australienne n'était pas naïve au point de croire que tout était oublié.

La brune hocha la tête à la réponse de Xyria, contente de sentir l'heure du départ approcher à grands pas. Elle se serait bien passée de ce passage à la taverne, mais n'avait absolument pas coeur à se séparer de son amie. Alors, bien que sa tête était déjà loin d'ici, elle choisi de l'accompagner boire cette fameuse tasse de café. Un breuvage qu'elle n'avait jamais trop apprécié dans son ancienne vie, mais qui avait fini par se faire une place dans la nouvelle comme quelque chose de réconfortant, de par l'odeur qu'il dégageait et les souvenirs qui en découlaient. "Je te suis."

Dehors, les rayons du soleil étaient encore faibles et la luminosité était bien celle d'une fraiche matinée, mais l'absence totale de nuage dans le ciel présageait une journée chaude, rude pour deux marcheuses. Charlotte regretta de ne pas avoir pensé à prendre son chapeau de paille que lui avait confectionné Sera pour son travail au champ.
Encore peu de villageois avaient émergé et le bar n'était pas très fréquenté. Tant mieux, car la brune voulait éviter de répandre l'aura de cette sombre nuit qu'elle traînait avec elle plus qu'elle ne l'avait déjà fait. Elle voulait oublier, et se faire oublier. Etait-ce seulement possible? Elle l'espérait.

Charlotte s'empara de la tasse ébréchée qu'on lui servit pour l'engloutir aussi vite que possible, bien que la boisson soit brûlante. Ses yeux ne se risquaient pas à regarder autour d'elle, fixant ou bien ses mains, ou bien le comptoir et guettant la gallimimus pour connaître son avancée. Lorsqu'elle eu terminé son café, annonçant le top départ, Charlie repoussa la tasse, salua rapidement l'homme qui tenait les lieux et elles quittèrent définitivement ce village qu'elle avait bousculé malgré elle.

A chaque pas qui l'éloignait un peu plus de cet endroit, la brune sentait son coeur s'alléger un peu. Très vite, leurs silhouettes n'étaient plus perceptibles depuis l'entrée du village et lorsqu'elle se retourna, ne voyant que quelques traces de fumée flotter dans les airs, Charlie poussa un soupire de soulagement. Partir d'ici ne guérirait pas tous ses maux, mais c'était déjà un début et elle espérait ne pas avoir à y remettre les pieds.

"Ca va pour l'instant, merci." En réalité, Charlie appréhendais remonter sur son dos. Elle avait encore mal à la hanche, bien que la douleur ne soit pas insupportable, et préférait encore la ménager en la gardant la plus droite possible. D'ailleurs, sa démarche était un peu étrange et on aurait presque pu croire qu'elle avait une jambe de bois, mais elle faisait de son mieux pour avancer à une allure convenable. Au moins, pensa Charlie, le poison qui l'avait tant fait souffrir avait fini par disparaître et la blessure avait commencé à cicatriser.

Bientôt, leurs pieds et pattes foulèrent le sable de la plage. Naturellement, elles se rapprochèrent de l'eau, préférant marcher sur une surface moins meuble qu'à ses abords, ce qui les auraient très vite fatiguées. La jeune femme repensa fatalement à son arrivée sur cette île. C'est sur une plage qu'elle avait été retrouvée par Corben, dans un état proche de la crise de nerf, dans une panique totale. Ce fameux jour, elle s'était réveillée et avait tout perdu, absolument tout. La mine de Charlie se fit plus sombre alors que ses pensées étaient tournées vers le passé, mais elle fit son possible pour les chasser et releva la tête pour scruter l'horizon. Elle avait toujours aimé sentir les embruns et décida de se focaliser sur le positif. L'odeur iodé soulevée par le vent léger, le bruit des vagues qui s'échouaient tout près, le bruissement des végétaux qui bordaient la plage et le chant des quelques oiseaux qui parcouraient le ciel bleu.

"Je me demandais... Tu sais, les perruches postales? Est-ce qu'elles peuvent te livrer un message si tu n'es pas chez toi? Enfin je veux dire, est-ce que je pourrais en recevoir une par exemple, maintenant?"

C'était une question qui l'avait taraudé la dernière fois qu'elle avait envoyé une perruche à Jason. Charlie s'était demandé comment ces petits oiseaux faisaient pour retrouver les destinataires des messages qu'elles portaient.

"Ah oui, c'est une bonne idée!" répondit une Charlie enthousiaste. Comme indiqué, le bâton se trouvait dans le sac que transportait Xyria depuis leur départ. Elle ne prit pas la peine de l'ouvrir, attrapant simplement le bout qui en dépassait pour l'en extirper et s'en servir d'appui pour le reste de leur marche. Si la jeune femme ne s'était pas sentie spécialement à l'aise quand à son usage premier, il aura été au moins utile pour soulager sa hanche. A présent, elle ressemblait plus à un de ces vieillards baroudeurs que l'on pouvait voir dans certains films d'aventure, qu'à la jeune femme énergique qu'elle était en quittant le château. Avec ses vêtements tâchés, éventrés par endroits, ses blessures, sa démarche et ses cheveux en bataille, Charlie faisait peine à voir. Pourtant elle n'avait rien perdu de sa détermination première, et même, cette dernière s'était renforcée. Elle avait hâte d'atteindre leur but et se disait que le pire était très certainement derrière elles. Leur arrivée sur la plage dessina même un sourire sur ce visage aux traits fatigués et Charlie se laissa aller à quelques légères pensées.

La réponse de Xyria la fit rire. Elle s'imaginait recevoir un message d'Adam, là, alors qu'elle marchait le long de cette plage, si loin du lieu qu'elle commençait à considérer comme sa maison. Un message plein de reproches, et plein d'amour aussi, caché entre les lignes, qui, même s'il la faisait culpabiliser un peu, lui ferait du bien au moral. Et cette perruche, à bout de souffle, qui pesterait d'avoir eu à la chercher des jours entiers sur l'île. Oui, aussi improbable soit elle, cette idée lui plaisait. Charlie scruta un instant le ciel, espérant apercevoir l'une de ces perruches au loin, mais évidemment elle ne vit rien d'autre que les volatiles habitués à zoner au bord de l'eau.

Tandis qu'elles avançaient à un rythme convenable, le soleil se hissait de plus en plus haut, la chaleur de ses rayons s'intensifiant par la même occasion. Leur agréable promenade donnait maintenant des suées à la jeune femme dont le front se perlait de gouttes et heureusement, une légère brise subsistait pour apaiser ces sensations. Bien qu'habituée à la force de cet astre, Charlie n'était pas dans sa meilleure forme et n'aurait pas dit non à une bonne climatisation et un toit au dessus de sa tête. "Ah... parfois les voitures me manquent!" Ces engins avaient peut-être des défauts, mais en contrepartie, leur confort était indéniable. Avec un tout terrain, elles seraient déjà à Waterfall city depuis longtemps, pensa Ben.

"Oh mais... je n'ai pas d'argent." lâcha Charlie avant de se reprendre, "Enfin, je n'ai rien à échanger." Tout ce qu'elle possédait tenait dans le fond d'un petit sac. Quelques souvenirs de sa défunte famille, le collier qu'elle portait toujours à son cou, les deux ou trois objets qu'elle avait prit sur elle pour le voyage et ses vêtements. En vivant avec les Outsiders, la jeune femme n'avait jamais eu le besoin de troquer quoi que ce soit. Elle travaillait dans les champs volontairement pour mériter sa place au banquer du soir et participer à la vie du château, voilà tout, Charlie n'avait pas besoin de plus. Cependant, si toutefois elle devait repartir à l'aventure pensa t elle, il serait bon qu'elle puisse se constituer un inventaire plus conséquent, histoire de pouvoir se procurer de quoi manger par exemple. Elle y avait réfléchis une ou deux fois, ou plutôt elle avait survolé cette idée. Peut-être pourrait-elle vendre ses dessins? Ou apprendre à fabriquer des chapeaux, comme Sera savait le faire?

Il lui arrivait parfois d'oublier qu'ici, certaines choses n'existaient ni matériellement, ni dans l'imaginaire. Tout comme l'argent qui servait de monnaie d'échange dans son monde, les voitures n'avaient pas leur place ici. Pourtant Xyria semblait en avoir vaguement déjà entendu parler, ce qui lui évitait de rentrer dans des explications maladroites. "Oui c'est ça. En fait ça ne fait pas vraiment de fumée, ni même beaucoup de bruit..." Ce qui était tout relatif. Dans une ville ou le brouhaha de fond est constant, on ne remarquait même plus le bruit que fait une voiture, mais sur l'île en revanche, cela relèverait surement du vacarme. "Disons qu'au quotidien, ça ne me manque pas, mais dans notre situation... aller un plus vite serait bien pratique. C'est moins rapide qu'un avion ou qu'un train, mais pour te donner une idée, on serait déjà à Waterfall city depuis plusieurs jours! Enfin, à condition d'avoir une tout terrain." plaisanta la jeune femme qui s'imaginait rouler sur les chemins accidentés qui leur arrivait d'emprunter. "Et puis il y a la climatisation." L'australienne ne dirait pas non à de l'ombre et un peu d'air frais. A ce stade de la journée, le soleil tapait si fort que lorsqu'elle se touchait la tête, ses cheveux étaient brûlants. En s'en apercevant, elle tira une chemise crasseuse du sac que transportait Xyria et tâcha de s'en faire une sorte de turban tout en expliquant ce qu'était une climatisation. "C'est un système qui rafraichit l'air de l'extérieur pour l'envoyer sur les passagers. On peut en avoir dans les voitures, dans les magasins aussi, et même dans les maisons. C'est vraiment agréable."

La brune retrouva le sourire. S'il y avait bien une chose qu'on ne pouvait pas enlever aux habitants de cette île, c'était la générosité. A son arrivée, tout un tas de personnes lui étaient venu en aide et alors qu'elle y repensait, leurs noms respectifs lui vinrent en tête. Des personnes envers qui elle se sentait redevable ici, il y en avait beaucoup et malgré cela, il arrivait parfois à Charlie qu'elle l'oublie. Ici, ça n'était pas son monde à elle et bien des choses étaient différentes, notamment sur le plan humain de manière générale. Aussi, les paroles de Xyria étaient rassurantes. Tout comme on leur avait porté secours au village précédent, on les aideraient au suivant. Une réflexion qui n'était pas naturelle pour Charlotte qui, de là où elle venait, ne connaissait pas tant de certitude quant à la gentillesse de ses congénères. Cela arrivait certes, et les gens étaient souvent meilleurs qu'on ne le pense, parfois même surprenants, mais ça n'était pas toujours le cas malheureusement et bien souvent, on ne pouvait compter que sur soi même.
Ceci dit, elle songeait tout de même à cette histoire de troc. Sans Xyria à ses côtés, la jeune femme préférait autant procéder à d'honnêtes échanges si toutefois il s'évérait qu'un jour elle en ai besoin. Elle garda ça dans un coin de son esprit.

La réflexion de la gallimimus fit éclater de rire l'australienne, pas moqueuse pour autant. "C'est vrai que tu es très rapide!" dit-elle alors qu'elle riait toujours. S'appuyant sur son bâton pour s'aider à avancer, la jeune femme tentait d'imaginer si, à son tour, c'était Xyria qui débarquait dans son monde à elle. Peut-être que comme elle lorsqu'elle avait aperçu son premier dinosaure, elle s'évanouirait en voyant la circulation démente des grands axes ou la hauteur des buildings de certaines capitales. Cependant, mieux valait pour son amie et les autres de son espèce qu'une chose pareille n'arrive jamais. Son sourire s'effaça. Il lui était souvent arrivé de penser à ce qui se produirait s'il se trouvait qu'un beau jour, on découvre l'existence de cet endroit et à chaque fois, c'était des scénarios catastrophe qu'elle voyait. Rien de bon, rien de bénéfique, juste du gâchis et des choses plus tristes les unes que les autres.

Jusqu'au soir, Xyria et Charlie poursuivirent leur marche sans que la brune n'évoque ces sombres pensées qui lui avaient tenu la jambe toute la journée. Aucun évènement désagréable ne vint les perturber et lorsque le soleil se coucha enfin, soulageant Charlie qui était en sueur, elle émit un souffle de soulagement. Elles se rapprochaient sérieusement de leur but et rien ne lui faisait plus plaisir. "Camping sur la plage?" fit-elle alors qu'elle abandonnait enfin son bâton une fois assise. "Je pourrais m'endormir juste comme ça." Allongée à même le sable, elle scrutait le ciel en appréciant le bruit des vagues qui s'échouaient sur la plage.

"Tu sais, parfois je me dis que les choses auraient été très différentes si... s'ils n'étaient pas tous morts." C'était aussi dur à dire que de recevoir un coup de poignard en plein coeur, mais Charlie ne pleura pas et sa voix ne flancha pas. "Je crois qu'on aurait été très heureux en fin de compte, ici. Mes frères se seraient éclatés. Ils auraient adorés voir des dinosaures, c'est sûr. Et mes parents... ils auraient eu une deuxième vie en quelque sorte, plein de choses à découvrir. Oui... je crois qu'on aurait été très heureux ici." dit-elle finalement, avant de tomber de fatigue.

Dit, à quoi tu penses?" A la manière dont mon peuple gâcherait tout en découvrant cet endroit. Aux vies qu'il prendrait sans se soucier de rien. A l'horreur qui se répandrait sur cette île et dans les familles qui y vivent. A tous les malheurs qu'on a déjà créé et à tous ceux qu'on créera encore. A la chance que vous avez de vivre cachés, loin de tout ça. Mais à la place, Charlie se contenta d'afficher un masque souriant et répondit. "A rien, à rien.".

La nuit était tombée et sonnait la fin de leur marche éreintante. Xyria lui confia un sac de couchage, de ceux que l'on fabrique sur l'île et qui n'ont pas grand chose à voir avec ceux aux couleurs flashies et aux matières synthétiques qu'elle a pu utiliser par le passé. La brune se glissa à l'intérieur et se remit en place, le visage tourné dans les étoiles scintillantes.

La jeune femme sourit lorsque son amie parla de son père de la même manière qu'elle aurait pu parler du sien. Des défauts, sa famille en avait, mais aux yeux de Charlie, ils étaient des êtres parfaits dans leurs imperfections. Elle qui les chérissait plus que tout au monde, devait apprendre à vivre sans eux à présent et c'était surement l'épreuve de sa vie. Pourtant, tout comme Xyria, elle en était venue à la même conclusion. "Oui, je crois que t'as raison." Chalrie avait pensé au pire plus d'une fois. Cet acte définitif, douleur ultime avant la délivrance. Pourtant, et essentiellement grâce à la présence d'Adam _fait qui relevait du miracle en soit_, elle avait réussi à balayer cette idée et à avancer en faisant vivre le souvenir de sa famille en elle. Chaque nuit, elle repensait à eux, tristesse et tendresse mélangées, mais il n'était plus question d'abréger sa vie épargnée par le sort. Elle devait vivre pour eux. Oui, voilà sa conclusion.

Charlie s'était endormie les larmes aux bords des yeux et au réveil, elle eu du mal à les ouvrir. Elle n'eut que quelques mètres à parcourir dans le sable humide pour atteindre l'océan et se rincer le visage. De l'eau salée, valait mieux que pas d'eau du tout et si le sel finirait par lui donner une impression poisseuse, pour l'instant elle rafraîchissait sa peau. Son regard vissé vers l'horizon traversé par quelques nuages, elle espérait que leur voyage allé touchait bientôt à sa fin. Une fois de plus, elle tenta d'apercevoir une perruche à sa recherche, mais rien à part des mouettes n'attira son attention. Dommage, pensa t elle. Charlie aurait voulu communiquer avec Adam. Il lui manquait terriblement, et sa nouvelle maison aussi.

Le bruit émit par une Xyria au réveil étant assez conséquent, Charlie tourna son regard vers elle tandis que son visage dégoulinait encore d'eau salée. Premièrement surprise, cette vision l'amusa finalement lorsqu'elle se rendit compte que ça n'était que son ami qui émergeait et non pas une espèce méconnue de dino sortie de nulle part pour leur faire des misères au petites heures du matin. Puisqu'elle se remit face à l'océan, l'australienne ne vit pas la panique gagner Xyria l'espace d'un instant, sinon elle même aurait senti son coeur se serrer.

"Oui, très bien. Toi aussi à c'que je vois." dit-elle alors qu'elle repensait à sa manière de s'étirer sur le sable légèrement humide. Souriant à l'horizon, Charlotte accepta la proposition de la gallimimus. "Ca marche." Avec la chaleur qu'il avait fait la veille, elle ne se voyait pas refuser une pause baignade aujourd'hui, bien que son envie d'arriver au plus vite à Waterfall city soit de plus en plus forte. Leur quotidien était assez dur comme ça, pensa Charlie, elles pouvaient bien s'accorder quelques minutes de détente.

De grands yeux bruns surmontés de sourcils arqués se mirent à fixer Xyria. "Hé mais, tu sais nager?" Alors qu'elle posait cette question, une image au moins aussi amusante _limite grotesque_ que celle qu'elle avait vu ce matin se créa dans son esprit. Comment, avec de si petites pattes avant et de si grosses pattes arrières, pouvait-on nager? Elle en aurait ri d'avance si elle n'avait pas craint de vexer Xyria par la même occasion.

Charlie trouva l'expression amusante. Il y en avait tout un tas sur cette île qui lui étaient inconnues et à chaque fois qu'elle en entendait une nouvelle, la jeune femme riait de bon coeur. Tout comme elle se mit à rire franchement lorsque Xyria se retourna, l'air étonnée. Elle visait juste et l'image était à présent bien plus nette dans son esprit. Jamais elle n'aurait osé l'avouer, mais ce qu'elle s'imaginait avait quelque chose de plutôt ridicule à vrai dire. Certes, la gallimimus n'était de fait pas un tyrannosaure, pourtant elle se figurait bien mal son amie barbottant dans l'eau sans difficulté. Charlie avait encore beaucoup à apprendre des dinosaures. Tout ce qu'elle en savait se résumait à bien peu de choses en fin de compte et étaient principalement tiré des films qu'elle avait vu dans sa première vie, ou des livres qu'on lui avait imposé de lire pour l'école. Le reste, elle l'apprenait ici, au contact de Xyria, ou bien des Outsiders sous un angle disons... un peu différent.

Puisqu'elle la soupçonnait de la mener en bateau et plutôt que de lui affirmer le contraire, Charlie décida de lui prouver. Il faisait bon et le soleil ne tarderait pas à cogner, alors la brune retira son jean tout tâché et se jeta à l'eau, plongeant derrière la vague qui semblait la mettre au défit, elle aussi. "J'ai hâte de voir à quoi ça ressemble, un gallimimus qui patauge dans la marre!"

Voilà un de ces doux moments qui marquent les voyages les plus rudes et dont on se souvient, qui nous aide à tenir le reste des kilomètres à parcourir. Plus proches du but qu'elles ne l'étaient au départ, elles l'étaient forcément. Cependant, la route était encore longue jusqu'à Waterfall city et de la bonne humeur, les deux comparses risquaient d'en avoir besoin pour tenir jusque là. D'autant que leur arrivée ne signifierait pas la réussite de la mission qu'elles s'étaient donné. Mais ça, seul l'avenir le dirait.

Et comme elle l'espérait, Xyria se prêta au jeu et plongea à son tour. Charlie se mit dos à l'océan dont les vagues ne s'étaient pas encore levées afin d'admirer le spectacle... et quel spectacle! Elle observa alors le phénomène, s'attendant à éclater de rire dès que son amie se serait mise à flotter. Dans son esprit, la coque d'un bateau retourné aurait tout aussi bien pu faire illusion.

Mais contre toute attente, aucun rire ne s'éleva dans les airs, porté par les doux embruns. Une gallimimus qui nage. Eh bien finalement, aux yeux de la brune, cela n'avait rien de grotesque. Bien au contraire, même. Elle trouvait Xyria très gracieuse, aussi étonnant que cela puisse paraître. Oui, c'était le mot. Il y avait une certaine grâce dans ses mouvements, dans la manière qu'elle flottait naturellement sur l'eau, sa queue se profilant juste à la surface tandis que son cou légèrement arqué vers elle attendait une réaction à sa démonstration. Un sourire étira également la bouche de Charlie qui déclara : "Tu es fantastique, Xyria!"

Le monde sur lequel Charlie s'était échoué l'année précédente perdait de sa noirceur à mesure qu'elle y évoluait. Elle apprenait à en apprécier les couleurs désormais, et Xyria en était une. D'autres, encore nombreuses, lui restaient à découvrir. Et qui sait? Peut-être qu'un jour, elle serait heureuse malgré tout? En attendant, beaucoup de chemin lui restait à parcourir.