[Terminé] Visite... [Sujet libre ^^]

Il était vrai que Cornélia n'avait pas croisé énormément de Gallimimus dans sa vie, même dans une ville aussi importante que Waterfall City. Ces sauriens vivaient surtout dans les Plaines du Nord, bien que certains avaient sans doute une âme plus voyageuse. Pour en revenir à la réaction de Xyria à cause du jus de citron, l'Apothicaire ne pensait pas voir une chose pareille un jour. Si la jeune femme avait de nombreuses connaissances sur les plantes et leurs effets sur les Humains et les sauriens, de part sa formation et le métier qu'elle exerçait, elle ne pensait pas que l'acidité pouvait faire l'effet d'un remontant sur les Gallimimus. Ainsi, il lui restait encore des choses à apprendre. A cette pensée, Cornélia esquissa un petit sourire. Elle n'était pas très âgée. Il n'y avait rien d'étonnant quant au fait que des choses lui échappaient encore, même si elle avait bien assez de connaissances pour conseiller et aider convenablement ses patients.

« Le café a des effets très proches du jus de citron, il semblerait. commença Cornélia. Mais l'effet est moins... foudroyant, pour reprendre les propos de Xyria ! Il faut plusieurs heures pour que le breuvage fasse preuve d'efficacité, bien que certaines personnes y soient plus sensibles que d'autres. »

Le café n'était pas une boisson que Cornélia appréciait. Le goût était bien trop fort pour elle, même avec un peu de sucre. Elle préférait d'avantage le thé, plus doux que cela soit au niveau du goût ou de ses effets. Pour ce qui était de la nourriture préparée pour les membres des différentes armées, Xyria soulevait un point intéressant. L'Apothicaire ne comprenait que plus encore pourquoi sa sœur appréciait tant la cuisine de leurs parents, ou la sienne. Il est vrai qu'Audrey n'avait pas forcément le temps de préparer elle-même ses repas. C'était aussi pour cela que Cornélia n'hésitait pas à envoyer quelques colis à sa jumelle, avec des confiseries, des fruits secs ou encore quelques biscuits à l'intérieur. Et quand l'Apothicaire faisait le déplacement pour voir sa sœur, c'était toujours l'occasion de faire de bons repas !

« Mehen n'a pas tort. avoua Cornélia, songeuse. Nous autres ne sommes pas assignés dès notre naissance à une tâche. Nous devons grandir pour qu'il soit possible de déterminer l'endroit où nous serons le plus utiles. Mais cela n'empêche pas certains d'être parfaitement dans leur élément après avoir rejoint l'armée. Ma sœur ne regrette en rien son assignation, croyez-moi sur parole ! Elle n'aurait pas trouvé sa voie ailleurs, je pense ! »

Pour ce qui était du combat et du fait de se défendre en cas de problème, Audrey était évidement plus douée que sa sœur. Cornélia se contentait en général du camouflage, pour éviter les carnivores quand elle était à la recherche de certaines plantes. Aussi, parmi les tenues colorées de la jeune femme, on retrouvait des vêtements beaucoup plus sombres, dans toutes les teintes de vert existantes. A cela, on pouvait ajouter des bottes faites pour les terrains boueux ou encore marécageux. L'Apothicaire possédait également un certain nombre de chapeaux qui disposaient d'une moustiquaire intégrée. En effet, si Cornélia disposait de remèdes pour apaiser les piqûres de moustiques, ce n'était pas pour autant que le fait de se faire piquer était agréable ! Aussi, la jeune femme prenait toutes les précautions possibles, quand elle devait quitter les sentiers habituels. Et mieux valait éviter de partir seule. A plusieurs, on remarquait toujours d'avantage de choses, et certains pouvaient monter la garde pendant que d'autres s'occupaient de récolter les plantes. Cela permettait de quitter les lieux avant de se faire surprendre par un prédateur.

« Pour ma part, je préfère éviter le danger. Les Humains ne disposent pas de défenses naturelles, contre les carnivores. La prudence est primordiale, pour nous. » commenta l'Apothicaire, sur un ton des plus calmes.

Ce fait ne dérangeait en rien Cornélia. Les Humains étaient conçus ainsi. Pour survivre, ils avaient fait en sorte de se créer des outils pour compenser leur absence de griffes. Les choses étaient ainsi faites. L'Apothicaire chassa ses pensées de son esprit, préférant reporter son attention sur son plat. Du moins, c'était son idée avant que Xyria ne sorte son museau du récipient qui contenait sa part de risotto. En entendant la remarque de la saurienne, la jeune femme ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé. Personne ne pouvait nier que la cuisine de Waterfall City plaisait à la Gallimimus !

L'effet du citron était donc moins long que celui du café. Si Cornélia n'était pas une grande amatrice de ce type de boisson, elle devait avouer qu'elle avait déjà l'occasion d'en étudier les conséquences sur certaines personnes ! Ce n'était pas pour rien qu'il était déconseillé de consommer du café quelques heures avant d'aller dormir ! Dans le cas où une personne déciderait d'en ingurgiter, trouver le sommeil risquait de se révéler plus compliqué qu'à l'accoutumée ! Bien sûr, les effets de la boisson étaient différents selon les personnes, et certaines les ressentaient sûrement de manière plus exacerbée que d'autres. Toujours est-il que l'Apothicaire préférait amplement le thé ou les tisanes ! Si certains de ces breuvages pouvaient avoir un effet assez proche de celui du café, leur goût était bien plus agréable !

Cornélia ne savait que trop bien que les Humains, aussi forts puissent-ils être dans certains cas, ne pouvaient pas surpasser les sauriens ! N'avait-elle pas étudié le corps humain, après tout ? Si quelques uns de leurs os pouvaient supporter une pression des plus importantes avant de se briser, si leur foie pouvait se régénérer, dans une certaine mesure, et que leur endurance pouvait se  révéler assez impressionnante, la jeune femme n'avait que trop conscience que son espèce tenait sa survie, dans ces territoires parfois hostiles, de sa capacité d'adaptation ! N'était-ce pas le propre des Humains de développer certaines caractéristiques, à force de vivre dans certains milieux ? Les personnes habituées à vivre dans les montagnes souffraient beaucoup moins du manque d'air respirable, tandis que d'autres avaient une peau capable de les protéger très efficacement des rayons du soleil. Ces adaptations permettaient à son espèce de pouvoir vivre dans une multitude de milieux, là où certains sauriens seraient sûrement à la peine.

« Chaque espèce se doit d'avoir ses propres capacités pour faire face à son environnement ! se contenta de dire la jeune femme, non sans un petit sourire. Si la Nature n'a pas jugé nécessaire de nous affubler de griffes ou de crocs, elle nous a offert bien d'autres choses ! Et elle ne semble pas s'être trompée dans son choix ! »

Dans le cas contraire, Cornélia ne serait pas là pour en parler ! Si les siens étaient toujours présents sur leur île, c'était que leurs capacités étaient bien suffisantes pour assurer leur survie, plus encore avec la présence de certains sauriens ! Si l'Apothicaire savait que certaines choses qu'elle voyait au quotidien étaient le fait de son espèce, énormément d'ouvrages n'auraient pas pu être réalisés sans la présence des dinosaures ! La collaboration entre Humains et Sauriens n'était-elle pas la base de leur mode de vie, après tout ? S'ils étaient restés liés aussi longtemps, c'était bien parce que la présence d'un des groupes était nécessaire à l'autre !

Tout en mangeant, l'Apothicaire écoutait avec attention les propos tenus par le  Parasaurolophus. Si Cornélia ne doutait pas un seul instant que ses comparses de par-delà l'océan pouvaient faire preuve de la même habilité que les Dinotopiens, elle ne pensait pas qu'ils auraient poussé ce principe au point de se retrouver avec des objets agissant par eux-même ! La jeune femme trouvait ce fait effrayant, d'une certaine façon ! Si certains Êtres Vivants avaient une conscience suffisamment évoluée pour comprendre les concepts d'empathie ou de pitié, qu'en était-il de ces objets ? Avaient-ils une conscience également, ou se contentaient-ils d'exécuter inlassablement une même tâche, sans prêter attention au monde qui les entourait ?

« … Des objets qui s'animent seuls ? Je ne pensais pas qu'ils avaient été jusque-là... avoua Cornélia, toujours aussi songeuse. C'est pour le moins impressionnant... Et quelque peu effrayant ! » termina la jeune femme, avec un petit rire nerveux.

L'Apothicaire préférait garder un certain contrôle sur certaines situations. Bien sûr, elle n'était pas infaillible. Mais pouvait-on réellement s'en remettre au jugement d'un objet, sans vérifier derrière lui si sa décision était réellement justifiée ? A quoi bon passer par un objet, si c'était pour toujours s'assurer par la suite que le travail était fait correctement ? Il n'était pas plus simple d'effectuer la tâche par soi-même ? Cornélia devait avouer qu'elle ne savait pas quoi penser d'une pareille situation...

Cornélia ne savait pas si la Nature avait prévu qu'Humains et Dinosaures vivent main dans la main... Ou plutôt main dans la patte ! Toujours est-il que c'est ce qu'il s'était passé ! Cette cohabitation était des plus utiles ! Si les deux groupes étaient capables de se défendre contre les dangers de leur île, qu'ils soient dus au climat, à la flore et à la faune des lieux, ensemble, les choses étaient tout de même simplifiées ! Il y avait fort à parier que seul, l'un de leurs groupes n'aurait pas pu en arriver à cet avancement civilisationnel ! La plupart des constructions n'auraient pas pu être érigées dans sans la présence des sauriens, et sans les Humains, certaines espèces de dinosaures n'auraient sans doute pas pensé à unir leurs forces ! Une symbiose des plus parfaites !

« La Nature nous offre des bases solides. A nous de les faire fructifier ensuite. commenta Cornélia, avec son sourire habituel. Et il semblerait que nous n'ayons pas manqué notre coup ! » termina-t-elle, avec un petit rire.

Bien sûr, tout n'était pas parfait ! Rien ne l'était, après tout ! Mais Cornélia ne se voyait pas vivre autrement ! Leur île aurait été bien différente, sans les dinosaures ! Elle qui avait été élevée avec des sauriens, ses parents disposant chacun d'un alter-ego, cette pensée lui semblait à la fois triste et étrange ! La jeune femme chassa ces pensées de son esprit, préférant reporter son attention sur les autres propos tenus par Xyria. De la fainéantise ? L'Apothicaire se demandait si les choses n'étaient pas plus complexes qu'elles n'en avaient l'air... Aussi, Cornélia ne pouvait s'empêcher d'être du même avis que Mehen. Si elle perdait sa jumelle et ses parents du jour au lendemain, la jeune femme serait sans doute désemparée, plus encore si elle se retrouvait dans un monde inconnu par la suite ! Il y avait de quoi finir choqué, ou pire encore !

« Je ne peux qu'être de l'avis de Mehen... avoua la jeune femme, tout en terminant son plat. Si je perdais mes proches d'un coup d'un seul, je pense que même avec toute la gentillesse du monde, j'aurai beaucoup de mal à m'en remettre... Plus encore en ayant perdu tous mes repères auparavant... Notre mode de vie est si différent du leur... Sans doute ne connaissaient-ils même plus les technologies que nous utilisons ici... S'ils les ont utilisé à une période ! »

Ayant terminé son repas, Cornélia déposa ses couverts dans son assiette. La jeune femme se demandait à quoi ressemblait réellement le monde de l'extérieur. Si son espèce avait évolué différemment de son côté, il devait sans doute y avoir une très bonne raison... Après tout, ils n'avaient sans doute pas eu l'idée de lier à ce point leurs vies à certaines de leurs technologies, du jour au lendemain... Cela était sans doute le fruit de longues recherches et de certains événements bien particuliers. Tant de questions et si peu de réponses... Si les objets présents au musée tenu par Mehen étaient des plus utiles, ils ne pouvaient pas remplacer les récits de personnes qui les auraient utilisés !

« Eh bien... reprit Cornélia, toujours songeuse. Je ne pense pas qu'il me serait possible de lier entièrement mon existence à une quelconque machine ! J'aurai bien trop peur d'une erreur de sa part, et je ne pourrai pas m'empêcher de passer derrière elle, afin de m'assurer que tout se passe bien ! Il ne faudrait pas qu'elle prenne une décision hâtive, qu'un Être Vivant n'aurait pas prit dans une situation donnée ! »

La jeune femme comprenait tout à fait que les Humains de par-delà l'océan aient du trouver un moyen de compenser l'absence de sauriens. Pour autant, Cornélia trouvait peu prudent le fait de laisser certaines machines se mouvoir seules, sans qu'un Humain ne soit présent dans les parages au cas où. S'ils étaient par nature des Êtres faillibles, ils savaient au moins improviser le cas échéant, ce qui pouvait sauver beaucoup de choses dans certaines situations !

Tandis que Xyria parlait de son attachement envers sa parentèle, Cornélia ne pouvait s'empêcher de songer à un pareil sujet. La jeune femme se souvenait très bien du jour où elle avait été réellement séparée de sa jumelle. Jamais elle ne s'était sentie aussi vide, aussi triste... Elle avait eu l'impression qu'on lui avait arraché une partie de son Être, une partie de son âme. Et pourtant, la jeune fille qu'elle était alors savait que sa sœur ne partait pas pour toujours, qu'elles trouveraient toujours un moyen de se voir... Que se serait-il passé si, comme un Dolphinback, elle perdait celle avec qui elle avait tout partagé, pendant de si nombreuses années ? L'Apothicaire ne voulait même pas y songer... Il s'agissait d'une situation affreuse... Tout bonnement affreuse... Qui ne le serait que d'avantage encore s'il était impossible à la jeune femme de trouver le moindre repère, ou la moindre présence rassurante...

« … Oui, mais pas seulement. répondit Cornélia, quelques instants après s'être rendue compte que Xyria s'était adressée à elle. Leur avancement technologique semble être plus important que le nôtre. Peut-être avons-nous recours à des objets ou des outils qui ne sont plus utilisés chez eux depuis fort longtemps ? Cela pourrait expliquer en partie leur trouble, je présume. »

Après tous, certains de leurs outils, ou de leurs techniques, devaient sembler rudimentaires, aux yeux des Dolphinbacks. Du moins, Cornélia pouvait tout à fait imaginer cette éventualité ! Et que dire au sujet des sciences ! Si les plantes pouvaient parfois faire des miracles, l'Apothicaire devait avouer qu'elle était assez curieuse, quant à la médecine de par-delà l'océan ! Se soignaient-ils comme les Dinotopiens, mais avec des végétaux différents, qui ne poussaient que chez eux ? Ou avaient-ils trouvé d'autres moyens d'apaiser et de guérir leurs maux ? Certaines de leurs technologiques pouvaient-elles les aider dans ce but ? Leurs remèdes étaient-ils plus performants que les leurs ? Cornélia ne pouvait user que de son imagination, pour trouver des réponses à ses questions ! Bien sûr, le musée de Mehen était bien fourni, pour ce que la jeune femme en savait. Mais lors de sa dernière visite, l'Apothicaire n'avait pas souvenir d'avoir remarqué des objets en rapport avec le monde médical !

En entendant la remarque du Parasaurolophus au sujet de Xyria, Cornélia ne put retenir un petit rire. Rire qu'elle tenta de dissimuler, sans grand succès, en toussotant quelques instants, couvrant sa bouche avec l'aide de l'une de ses mains, par la même occasion. Mais son regard, désormais rieur, ne masquait en rien son état d'esprit ! Cependant, la jeune femme s'abstint de tout commentaire, trop occupée qu'elle était à éviter à son rire de résonner !

Cornélia n'était pas au courant qu'un soldat Dolphinback avait été retrouvé sur leur île. Les étrangers étaient déjà peu fréquents, mais alors un soldat... Un soldat sûrement armé, qui plus est ! Heureusement que personne n'avait fini blessé à cause de ce nouveau-venu, qui aurait très bien pu paniquer en voyant un dinosaure pour la première fois ! Toujours est-il que l'Apothicaire fut rassurée en apprenant que le soldat avait été pris en charge par les autorités. Ces dernières avaient sans aucun doute prit soin de lui. Peut-être même avait-il déjà rejoins une famille Dinotopienne, afin que commencer son intégration à leur communauté. Il y avait bien sûr d'autres hypothèses, au sujet du devenir de ce Dolphinback, mais l'Apothicaire préférait ne pas y penser...

Les Outsiders. En voilà un bien vaste débat. Bien plus vaste que celui concernant les Dolphinbacks, sans aucun doute. Cornélia n'avait jamais su quoi penser d'eux. Elle n'avait jamais eu de problèmes avec cette communauté, et espérait que cela ne serait jamais le cas. D'un autre côté, l'Apothicaire ne pouvait pas oublier qu'il s'agissait d'Humains, comme elle et comme la plupart de ses patients. Pourrait-elle rester de marbre si l'un d'eux lui demandait de l'aide ? S'il était blessé ? La jeune femme ne savait pas quoi penser d'un tel fait... Aussi, Cornélia espérait ne jamais se retrouver dans une telle situation, partagée entre la crainte qu'elle pouvait éprouver envers les Outsiders et son devoir...

« J'espère juste que ce pauvre soldat s'est remis de son arrivée sur notre île et qu'il a trouvé la paix parmi nous. commenta Cornélia, avec un petit sourire. Qui sait ? Peut-être le recroiseras-tu un jour, Xyria. »

L'Apothicaire avait parfaitement conscience de l'importance vitale des dinosaures pour sa communauté. Il n'y avait rien d'étonnant à ce que les Humains d'au-delà l'océan aient évolué différemment, n'ayant pas eu l'aide des sauriens comme les Dinotopiens. Mais il ne fallait pas penser pour autant que les habitants de cette île étaient arriérés. Ils avaient fait leurs propres découvertes et avaient évolué à leur façon, voilà tout. Bien sûr, leur avancement devait sans doute paraître dérisoire, pour un Dolphinback qui venait à peine d'échouer sur leur île. Mais ce n'était pas pour autant qu'ils vivaient comme des sauvages.

« Sans votre force, nous n'en serions pas là, il est vrai. concéda Cornélia, le sourire toujours aux lèvres. Mais vous n'êtes pas que des bêtes de trait, et heureusement ! Dans le cas contraire notre île serait bien différente, à l'heure actuelle ! Vous faites partie de notre communauté, et vous êtes sans aucun doute irremplaçables pour nous, que cela soit par vos pattes ou par vos méninges. »

Dinotopia devait autant aux sauriens qu'aux Humains. Si une partie de ce duo s'était révélée absente, leur île n'aurait peut-être jamais existé, ou n'aurait ressemblé en rien à celle sur laquelle ils vivaient actuellement. Les dinosaures n'étaient pas de simples animaux, au contraire. Ils étaient des amis, des presque-frères. Des membres de la famille. La plupart des Dinotopiens, si ce n'est tous, grandissaient en compagnie d'un ou plusieurs sauriens. Leur absence était inenvisageable, qu'importe le domaine.

Cette fois, Cornélia ne put retenir son rire quand Xyria répondit à la remarque de l'autre saurien. Quelle vantardise ! La jeune femme ne doutait pas un seul instant que le comportement de la saurienne n'était que feint ! Au vu du ton de la Gallimimus, les choses ne pouvaient pas être autrement ! Quand le serveur vint récupérer les plats vides, l'Apothicaire riait toujours, à cause de la remarque de Mehen à présent. Cornélia ne retrouva son calme qu'au moment où la suite du repas leur fut apportée. Remerciant le serveur d'un sourire, la jeune femme jeta ensuite un regard dans la direction de la tarte. Il était temps de voir si le mets tenait toutes ses promesses !

Cornélia n'avait pas souvenir d'avoir déjà rencontré un Dolphinback. Ou alors, il s'agissait de naufragés qui étaient là depuis de nombreuses années, et qui avaient fini par s'habituer à leur nouvelle vie. De ce fait, il devenait complexe de différencier un Dinotopien de naissance, et une personne qui n'aurait rejoins leur île que plus tardivement ! Bien évidemment, il arrivait à l'Apothicaire d'entendre quelques rumeurs. Un métier comme le sien favorisait les discussions, c'était un fait ! Aussi, il n'était pas rare que certains de ses patients lui fassent part des derniers potins du moment, alors qu'elle préparait leurs remèdes ! Il était donc fort possible que quelques uns de ses patients lui aient fait part de l'arrivée d'un Dolphinback, même si Cornélia préférait se montrer prudente au sujet des propos qu'elle pouvait entendre dans sa boutique ! Une rumeur restait une rumeur, il ne fallait pas l'oublier ! Mieux valait vérifier l'information, avant de la considérer comme véridique !  

« Il est vrai que l'arrivée d'un Dolphinback est toujours un événement pour nous autres. commenta Cornélia, visiblement songeuse. Bien sûr, les circonstances de cette arrivée ne sont pas des plus faciles à vivre ou à accepter pour les rescapés... Raison de plus pour nous montrer prévenants à leur égard ! »

L'Apothicaire ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur la façon dont un Dolphinback pouvait être accueilli par les Outsiders. Après tout, eux aussi étaient humains. Ils devaient sûrement prendre soin des nouveaux-venus, comme le feraient des Dinotopiens. Bien évidemment, cette aide était bien différente, en fonction de la peuplade dont il était question. Mais l'Apothicaire doutait que les rescapés soient maltraités par l'autre groupe. Dans le cas contraire, pourquoi rester à leurs côtés ? La jeune femme n'osa pas exposer cet avis aux deux sauriens. Bien évidemment, l'Apothicaire trouvait préférable que les Dolphinbacks restent à leurs côtés. Pour autant, la jeune femme n'était pas certaine de pouvoir forcer un naufragé à vivre ainsi, si ce n'était pas sa volonté Si certains faisaient un choix différent, comme celui de rejoindre les Outsiders, il devait avoir une bonne raison...

La question pouvait également se poser au sujet des Dinotopiens qui décidaient de rejoindre les Outsiders... S'il pouvait sembler logique que certains Dolphinbacks décident de se lier à ce groupe, que dire au sujet de personnes qui semblaient intégrée à leur société, ou qui étaient des descendants de Dinotopiens sur plusieurs générations ? Comment un tel revirement de situation était possible ? Quel événement pouvait bien pousser une personne habituée aux sauriens à les détester du jour au lendemain ? Cornélia ne doutait pas un seul instant que Mehen était dans le vrai, il semblait peu probable que tous les Outsiders soient des descendants de Dolphinbacks ou d'anciens naufragés. Et pourtant, la jeune femme avait du mal à comprendre comment une telle chose était possible...

« … Si je ne doute pas de la véracité de tes propos, Mehen, je me demande tout de même ce qui peut pousser des Dinotopiens à quitter tout ce qu'ils connaissent de la sorte. L'Apothicaire se tut quelques instants, prenant conscience de la possible naïveté de ses propos. Je suppose que les Outsiders se montrent particulièrement efficaces quand il s'agit transmettre leur vision du monde... »

Après tout, il était malheureusement possible qu'un Dinotopien ressente un choc tel que les Outsiders pouvaient devenir une option valable pour poursuivre leur vie... Hélas, si Cornélia était tout à fait capable de soigner certains maux, elle devait avouer qu'elle n'avait que très peu de connaissances au sujet des pathologies mentales... Si les plantes pouvaient apaiser, endormir, l'esprit l'espace de quelques heures, que pouvaient-elles face à des troubles plus intenses ?

La remarque de Xyria eut le don de sortir Cornélia de son trouble. Pauvre Mehen ! Décidément, la saurienne n'était pas tendre à son égard ! D'un autre côté, il est vrai que la situation serait des plus ironiques ! Dans tous les cas, la jeune femme espérait qu'une telle chose n'arriverait jamais au Parasaurolophus ! Des sorts bien plus enviables étaient envisageables ! Et dire que des ossements humains étaient aussi exposés dans certains musées... A cette pensée, l'Apothicaire ne put retenir un frisson. L'idée de finir dans une vitrine d'ici quelques siècles n'était pas la définition qu'elle avait du repos éternel !

« Te... Te tirer dessus ? répéta Cornélia, sans réellement comprendre à quoi cela pouvait bien correspondre. Comment ? »

Bien évidemment, la jeune femme n'était pas née de la dernière pluie. Elle savait très bien ce que cela signifiait et se demandait juste avec quel instrument le Dolphinback avait voulu s'en prendre à Xyria. Un gros bruit... L'Apothicaire ne pouvait qu'imaginer à quoi une telle action pouvait ressembler ! A un gros coup de tonnerre, peut-être ? Était-ce réellement dangereux, ou le bruit suffisait à effrayer un adversaire en cas de problème ? Au vu des propos de Xyria, l'objet semblait dangereux en lui-même. Il ne semblait pas s'agir pas d'un instrument dissuasif...

« Une symbiose se doit de profiter aux deux ensembles vivants ! se contenta de dire Cornélia, comme s'il s'agissait d'une évidence. Dans le cas contraire, notre mode de vie ne serait pas viable sur le long terme, comme cela semble être le cas à l'heure actuelle ! En mêlant force et cohésion, nous pouvons déplacer des montagnes ! »

En voyant Xyria plonger son museau de sa part de tarte, l'Apothicaire ne put retenir un petit rire. Quelle gourmandise ! C'en devenait presque impressionnant ! Après avoir jeté un dernier regard dans la direction de la saurienne, Cornélia s'intéressa à sa part de dessert. Mieux valait la manger rapidement ! Il ne manquerait plus que Xyria se jette dessus après avoir finit la part qui lui avait été apportée ! Amusée par cette pensée, la jeune femme découpa un premier morceau de tarte, avant de le porter à ses lèvres. Après avoir dégusté sa première bouchée, l'Apothicaire n'hésita pas à en prendre une deuxième ! En termes gustatifs, le mets semblait tenir toutes ses promesses !

Cornélia ne doutait pas un instant que le lieu d'origine d'une personne revêtait un caractère tout particulier pour elle. Du moins, dans la plupart des cas. Si la jeune femme avait beaucoup voyagé, que cela soit pour son apprentissage, pour suivre son père dans certaines de ses recherches ou pour explorer d'autres endroits par elle-même, elle avait toujours considéré Waterfall City comme son foyer. Ses rues lui étaient familières, de même que ses canaux et une partie de ses habitants. Sa famille y vivait même depuis plusieurs générations ! Poser ses valises ailleurs, comme l'avait fait Audrey, n'était pas envisageable pour la jeune femme ! Pourquoi vouloir chercher ailleurs ce que l'on possédait déjà ? Bien évidemment, la situation était sans doute bien différente pour les Dolphinbacks. Ils avaient tout à réapprendre, mais avec le temps, les différences entre eux et les Dinotopiens de naissance finissaient par s'estomper, pour disparaître tout à fait ! Il en devenait impossible de de différencier les deux groupes ! Si les naufragés gardaient sans aucun doute des souvenirs de leur ancienne vie, au bout de plusieurs années, l'île devenait leur nouveau foyer ! Il fallait juste leur en laisser le temps, et par la suite, leurs descendants ne pouvaient pas être considérés autrement que comme des Dinotopiens !

« Il y a sans doute d'anciens Dolphinbacks dans les environs, et nous aurions tous les trois d'immenses difficultés pour les repérer ! avoua Cornélia, en jetant un regard dans la direction de la rue. Certains ont juste besoin de plus de temps que les autres pour se faire à leur nouvelle vie ! Comment leur en vouloir ? A leur place, nous aurions sans doute besoin de la même chose ! Je suppose qu'ils gardent toujours des souvenirs de leur ancienne vie, comme n'importe quel autre humain pourrait en avoir de son passé... Mais au bout du compte, nous sommes tous des Dinotopiens, non ? Avoir des ancêtres Dolphinbacks, ou avoir été l'un d'eux, ne changerait rien à cet état de fait ! » termina-t-elle, sur un ton enjoué.

Bien évidemment, il ne fallait pas oublier que certains Dolphinbacks préféraient se tourner vers les Outsiders. Mais au fond, naufragés et Dinotopiens n'étaient pas si différents. Leurs apparences étaient semblables, même en prenant en compte toutes les nuances dont le corps humain pouvait se parer ! Ils restaient des humains dans les deux cas ! Seul leur manière de voir le monde et leurs souvenirs divergeaient ! Il en faudrait bien plus pour que les nouveaux arrivants soient exclus du reste de la communauté ! Comme l'avait si bien dit Mehen, même les Dinotopiens de naissance avaient sans aucun doute des ancêtres venus du monde extérieur ! Repousser les Dolphinbacks ne reviendraient qu'à vouloir effacer ce passé, et à oublier le fait que les sauriens étaient les réels premiers occupants de l'île !

Tout en mangeant un nouveau morceau de tarte, Cornélia écoutait avec attention les explications de Mehen. Les Outsiders étaient-ils réellement dotés de mauvaises attentions, en proposant à des Dolphinbacks de se joindre à eux ? Ou pensaient-ils réellement que les dinosaures étaient un danger pour l'espèce humaine et voyaient donc le fait de prendre en charge les nouveaux-venus comme une mission de protection ? Un Dinotopien pouvait-il ressentir un choc tel que ce dernier le pousserait à voir le monde d'une manière totalement différente, pour ne pas dire à l'opposé de ce qu'il avait toujours connu ? Il s'agissait-là d'une possibilité des plus étonnantes, bien que plausible... Dans le cas contraire, comment expliquer le fait que des Dinotopiens acceptent de se joindre à cette communauté ? Tous ne pouvaient pas être des personnes naïves, comme l'avait dit le saurien...

« … Je peux comprendre que les Outsiders craignent les carnivores. Personne ne peut nier leur dangerosité. Elle est des plus avérées. Dans le cas contraire, nous n'aurions pas besoin de nos Roches Solaires et de nos armées pour nous en protéger... Mais... La situation est totalement différente, pour les autres sauriens. Si vous pouvez paraître impressionnants, ce n'est pas pour autant que nous pouvons vous considérer comme des dangers... Cornélia se tut quelques instants, visiblement songeuse. Mais ils doivent avoir leurs raisons, je suppose... Nous n'en saurons jamais d'avantage, je le crains... »

Du moins, sans rejoindre les Outsiders. Cornélia devait avouer que cette perspective était des plus effrayantes, à ses yeux. Toujours est-il que la jeune femme était rassurée de savoir que le Dolphinback rencontré par Xyria avait été prit en charge par les autorités de l'île. Un être humain effrayé, avec de telles armes en sa possession, aurait pu faire d'énormes dégâts ! Heureusement qu'il n'avait pas rejoins les Outsiders ! Si ces derniers s'étaient retrouvés à posséder les objets du naufragé... La jeune femme ne voulait même pas y songer !

« Au moins, tu es ressortie indemne de cette histoire ! commenta la jeune femme, visiblement rassurée. Et je ne doute pas un seul instant que les autorités se soient chargées de ce Dolphinback et de ses armes. Nous en aurions sans doute entendu parler, dans le cas contraire. »

Une chose était sûre, soigner de telles blessures aurait pu se révéler complexes, si la saurienne avait réellement du affronter le nouveau-venu ! Et ce, malgré leurs connaissances sur la question ! Les médecins et les apothicaires ne connaissaient que très mal les maux de l'extérieur. Si certaines maladies étaient sans doute semblables, pour les blessures, les choses étaient sans doute bien différentes ! On ne soignait pas de la même façon une morsure de carnivore, qu'un coup porté avec une arme du monde extérieur ! Après avoir reposé ses couverts dans son assiette, sa part de tarte terminée, l'Apothicaire s'essuya la bouche à l'aide d'une serviette. Il fallait juste espérer que ce Dolphinback se ferait rapidement à sa nouvelle vie, et qu'il ne tenterait pas de récupérer ses armes par la suite.

En entendant les excuses de Xyria, Cornélia se contenta d'esquisser un sourire. Allons bon, il n'y avait rien de grave ! Existait-il réellement des Dinotopiens pure souche ? L'Apothicaire ne pouvait qu'en douter ! Les anciens Dolphinbacks s'étaient liés avec les habitants déjà présents, et même les plus anciennes familles de l'île pouvaient leur être apparentées ! Il y avait sans aucun doute de nombreux Dinotopiens qui possédaient quelques gouttes de sang de personnes du monde extérieur dans leurs veines ! La Gallimimus n'avait pas remit en cause sa place au sein de l'île, la jeune femme en avait parfaitement conscience ! Elle n'avait donc aucune raison de lui en vouloir !

« Il n'y a pas de mal ! assura Cornélia, son habituel sourire aux lèvres. Tu ne pensais pas à mal, j'en suis certaine ! »

Les Outsiders restaient des Humains. Bien évidemment, ils avaient fait des choix différents de ceux de la communauté Dinotopienne. Aussi, même si l'Apothicaire ne parvenait pas à comprendre en tous points leur manière de voir le monde, elle pouvait sûrement saisir la source de certaines de leurs pensées, comme pouvait le faire Xyria. Pour autant, la jeune femme n'avait aucune idée de la nature de ses réactions si elle venait à croiser un Outsider... Cornélia espérait juste que cette rencontre, si elle venait à se produire, se passerait dans le calme...

Le temps du repas avait passé à une vitesse folle ! Cornélia ne s'en rendait compte qu'à présent, alors que Mehen demandait congé ! Le saurien n'était pas le seul à avoir quelques responsabilités ! Il était grand temps pour l'Apothicaire de s'en retourner dans son antre ! Si Kalaïs pouvait tout à fait renseigner ses patients, voire leur remettre l'objet de leurs ordonnances, l'archéoptéryx n'avait pas les capacités pour ce qui était de la concoction des remèdes ! Aussi, quand le Parasaurolophus quitta sa place, la jeune femme fit de même. Ôtant les plis présents dans ses vêtements à l'aide de l'une de ses mains, Cornélia reporta ensuite son attention sur les deux sauriens, un léger sourire ornant ses lèvres.

« Je crains qu'il ne soit également l'heure pour moi de m'en retourner à mes occupations ! avoua la jeune femme. Si mes plantes sont entre de bonnes pattes, mes patients ne peuvent pas m'attendre éternellement ! Cornélia se tut quelques instants. Partager ce repas en votre compagnie a été un réel plaisir ! J'espère que nous aurons l'occasion de nous recroiser ! Pour ce qui est du Jardin Ombragé, il vous sera toujours ouvert, si vous pensez avoir besoin d'aide ! »

Le Jardin Ombragé était ouvert à toute heure du jour, ou de la nuit ! Même si les portes semblaient closes, il suffisait juste d'un tintement de cloche pour obtenir l'aide désirée ! En temps normal, plusieurs Apothicaires se relayaient, pour mener une telle tâche à bien, mais Cornélia avait fait un choix différent. De ce fait, l'Apothicaire vivait au-dessus de sa boutique, n'ayant pas d'autre logement à l'extérieur. Du moins, pour le moment. Un jour, la jeune femme se lierait peut-être d'amitié avec d'autres personnes de sa profession, et toutes travailleraient ensemble. Mais pour le moment, Cornélia appréciait cette solitude. Bien sûr, la fatigue se faisait ressentir parfois. Cependant, cela n'avait jamais empêché l'Apothicaire de mener sa mission à bien. Toujours est-il que c'est le cœur léger, heureuse d'avoir passé un tel repas, que la jeune femme reprit le chemin de sa boutique !